Cerreti 1929 : le Motocar de l’avenir

Nombre d’ingénieurs rêvent dans les années 30 d’allier les avantages de la moto, en prix et en encombrement, à la protection d’une automobile. La plus connue de ces “mautos” est la Monotrace fabriquée en Allemagne et en France à Saint-Étienne, mais la plus belle est sans conteste cette Cerreti construite dans la banlieue parisienne à quelques unités de 1929 à 1932.

Je rêvais depuis des ans de trouver une autre photo du Cerreti, mais c'est Claude Scalet qui l'a dénichée chez Girauto. Heureusement, il est prêteur !

Médaillé d’or au concours international des inventeurs à Paris le 11 mai 1929 puis exposé au salon de Paris 1930, le Motocar Cerreti dû à l’ingénieur éponyme est une production des établissements E. Cerreti et P. Valen à Courbevoie, plus connus pour leur fabrication de tan-sad, repose-pieds et autres accessoires. Esthétiquement, le Cerreti est une superbe réussite avec une ligne très aérodynamique qui rappelle celle des cyclecars et une face avant en pointe avec ses deux gros phares intégrés derrière la calandre. L’ensemble est indiscutablement plus moderne et sportif que le bien plus volumineux Monotrace. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 3 m de long, 320 kg et 85 km/h pour le Monotrace contre 2,80 m et 175 kg pour le Cerreti qui promet 120 km/h.

E. Cerreti et P. Valen sont beaucoup plus connus pour leurs accessoires : silencieux " requin ", repose-pieds passager à suspension intégrée et tan-sad (publicité dans La Moto en 1929)
Certes plus lourds et moins élégants, les Monotrace furent une belle réussite commerciale soulignée par quelques brillants succès dans les épreuves d'endurance. Ce magnifique dessin publicitaire paru dans La Moto en 1926, est dû, bien sur, à Géo Ham.

Le Cerreti va-t-il confirmer ses performances au Bol d’Or de 1930 organisé cette année-là durant le week-end de la Pentecôte du 7 au 9 juin à Saint-Germain-en-Laye ? Il y est l’outsider attendu avec son constructeur au guidon et figure d’ailleurs sur le dessin de l’en-tête des articles annonçant l’épreuve dans Moto Revue. Nous n’aurons hélas, jamais la réponse.  L’ingénieur Cerreti se brouille avec Eugène Mauve, l’organisateur du Bol d’Or, le premier voulant courir en catégorie moto 500 cm3, tandis que le second entendait l’engager parmi les « voitures Sport jusqu’à 750 cm3 » arguant des deux roulettes latérales qui en faisait un quatre roues. Triste résultat, le Cerreti rentra chez lui sans prendre part à la course. Il ne fit d’ailleurs plus guère parler de lui.  Il continua pourtant d’être très discrètement présenté aux salons de Paris de 1930 et 1931 avant de disparaître des catalogues en 1932 et on ignore combien d’exemplaires en furent vendus. On le vit dans sa version monoplace « type course » avec et sans side-car, mais il semble que la « Grand Sport biplace » n’ait jamais été produite. Séduit ? Il vous en aurait coûté 9890 F en 1930 pour le type course monoplace. Une vraie somme, car le Monotrace Roten ne vaut alors que 7450 F, la sublime Majestic dans sa première mouture sur châssis de 1930 s’affiche à 7500 F (+ 1450 F pour les compteurs et l’éclairage), une MGC 500, 7950 F (+1000 pour l’éclairage) et un cyclecar Sima-Violet Sport, 8700 F.

Outsider très attendu au Bol d'Or 1930, le Cerreti n'y put courir, et ne figura que le dessin des en-têtes de Moto Revue annonçant l'épreuve.
Prospectus de Cerreti pour 1930. (archives Claude Scalet)
Le catalogue annonce une version Sport biplace qui ne sera vraisemblablement jamais produite

La technique de construction du beau Cerreti tout aussi sophistiquée et novatrice que sa ligne explique son prix. Contrairement à la Monotrace avec son lourd châssis en tôle d’acier, celui très étudié de la Cerreti est constitué d’une robuste triangulation en tubes étirés qualité aviation avec des suspensions avant et arrière oscillantes qui s’appuient sur de longs ressorts à lames supportés à l’avant comme à l’arrière par quatre tubes carrés. Les axes d’articulation de ces suspensions sont aux centres de larges plaques circulaires qui enserrent un disque en bois dur jouant le rôle d’amortisseur à friction. Logé juste derrière la roue avant, le moteur est un LMP 500 cm3 à soupapes culbutées et refroidissement par air qui entraîne par chaîne une boîte Sigmund à trois rapports. Une deuxième chaîne relie la boîte à un arbre intermédiaire dans l’axe de la suspension arrière et une chaîne finale, à tension constante puisqu’elle est sur l’axe du bras oscillant, transmet la puissance à la roue arrière. Tous les éléments lourds étant au niveau des axes de roues, le centre de gravité est très bas garantissant ainsi stabilité, équilibre. Fort d’une courte expérience en Monotrace, on veut bien le croire, mais la grande longueur de l’engin, 2,80 m, ne doit cependant pas le rendre très facile à manœuvrer aux basses vitesses. Il y a heureusement deux roulettes stabilisatrices avec une voie de 90 cm que le pilote peut abaisser ou relever par un levier. Euphorique, le constructeur promet que sa création peur rouler sur terre et même sur l’eau grâce à l’adaptation prévue (mais jamais vue) de flotteurs et d’une hélice « qui le feront très apprécier dans les colonies et par les armées ». Et puis tant qu’à faire une moto qui allie les avantages (ou les désavantages ?) de la moto et de la voiture, le sieur Cerreti propose en 1931 de l’atteler à un très volumineux side-car à deux places et carrosserie fermée dans un style automobile et carré totalement discordant avec les lignes aérodynamiques de la partie moto. Une porte donne accès aux passagers et le frein est automatiquement couplé avec celui de la « moto ». Un grand coffre arrière « imitation malle », lit-on dans le descriptif, accepte deux grosses valises. Le pare-brise est relevable et les glaces latérales articulées. La photo prouve qu’il en eut au moins un, mais il fut probablement unique.

Pas de roulettes latérales pour ce Cerreti-là puisqu'il est attelé du très volumineux side-car biplace en forme d'automobile proposé par la marque. (archives François-Marie Dumas)

Fiche technique Cerreti 1929 (entre parenthèses les caractéristiques de la version Grand Sport biplace)

Moteur LMP 500 cm3 – Soupapes culbutées – Carburateur Amac – Allumage magnéto Méa – Boîte Sigmund 3 vitesses à main – Cadre en tubes triangulés (poids avec ses suspensions 155 kg), longueur 2,50 m – Direction par moyeu avant articulé commandée par biellettes et rotules depuis le guidon conventionnel – Suspension avant et arrière oscillantes sur ressorts à lames en cantilever – Roues interchangeables – Pas de frein avant – Double frein sur le tambour arrière : à segments internes commandé par pédale et à enroulement externe par manette au guidon – Longueur 2,80 m (2,65 m) – Voie des roulettes stabilisatrices 90 cm – Largeur de la carrosserie 60 cm – Hauteur 90 cm – Poids à sec 175 kg (195 kg)– 120 km/h (100 km/h)

Le dessin utilisé sur le catalogue révèle un châssis particulièrement moderne et sophistiqué.
Nombre d’ingénieurs rêvent dans les années 30 d’allier les avantages de la moto, en prix et en encombrement, à la protection d’une automobile. La plus connue de ces "mautos" est la Monotrace fabriquée en Allemagne et en France à Saint-Étienne, mais la plus belle est sans conteste cette Cerreti construite dans la banlieue parisienne à quelques [...]

Grosso 125 double arbre 1950 : du fait main

Pas facile de débuter en course en 125 au début des années cinquante. Seule une élite fortunée ou très douée peut accéder aux toutes puissantes MV Agusta ou aux Morini. Pour les autres, l’unique solution est de faire au mieux en transformant plus ou moins une moto plus utilitaire au départ que vraie sportive. Le moderne petit bloc Terrot, et plus tard l’AMC, sont les bases favorites des apprentis sorciers, tandis que d’autres se lancent sans complexe dans la réalisation artisanale d’une machine complète, moteur et partie cycle, en se payant même le luxe d’y intégrer quelques solutions techniques inédites. C’est le cas de François Grosso, un ingénieur Lyonnais que j’eus le plaisir de rencontrer en 1977 où Il faisait revivre sa réalisation aux mains de René Casset ancien pilote qui s’illustra sur sa Norton 500 Manx au Championnat de France 1958.

L'étonnante 125 Grosso.

François Grosso a déjà 40 ans en 1950 lorsqu’il termine enfin SA moto. Le bloc moteur entièrement fait maison est impressionnant avec son gros cache aileté en forme de champignon sur le côté droit du cylindre qui dissimule l’entraînement par chaîne du double arbre à cames en tête. Tous les carters sont réalisés en mécano-soudure et la distribution est particulièrement sophistiquée avec un rappel des soupapes par ressorts en épingle et un réglage du jeu par linguet interposé sous la came. Un système, dûment breveté, d’un pontet dans lequel passe la queue de soupape est fixé par des crochets aux ressorts en épingle au-dessus et encage le longuet en assurant son maintien contre la came. Le 125 de cotes longue course (51 x 60 mm comme la D45 Motobécane et les Peugeot deux temps) annonce 11 ch, un régime maxi impressionnant pour l’époque de 10500 tr/min et atteint 114 km/h à 7500 tr/min, Le graissage s’effectue par carter sec avec une pompe à huile en bout de vilebrequin et un réservoir séparé sous la selle. La boîte trois vitesses à chaînes façon Zündapp est intégrée au bloc. Le cadre double berceau est aussi une de réalisation maison et il n’y a qu’une suspension avant à parallélogramme, mais François Grosso réalisera aussi une suspension arrière brevetée avec tension de chaîne constante exposée au salon de Paris 1952. Le tout est assemblé avec les accessoires et habillages d’époque, réservoir Mottaz, freins Sachs, selle Aurora.

F. Grosso nous explique le fonctionnement de sa distribution.
Un double arbre à cames en tête avec un rappel des soupapes par barres de torsion.
Tous les carters sont réalisés en mécano-soudure et la culasse est en aluminium.
Le moteur et la partie cycle sont des fabrication maison.
René Casset au guidon en 1977 avec une jambe de combinaison sponsorisée par Sernam.
Pas facile de débuter en course en 125 au début des années cinquante. Seule une élite fortunée ou très douée peut accéder aux toutes puissantes MV Agusta ou aux Morini. Pour les autres, l’unique solution est de faire au mieux en transformant plus ou moins une moto plus utilitaire au départ que vraie sportive. Le [...]

Laverda : Débuts en petite classe

Laverda a surtout laissé le souvenir de ses grosses cylindrées 750 et 1000 cm3, mais les brillants débuts de la firme en 75, 100, 200 et 50 cm3 sont beaucoup moins connus de ce côté-ci des Alpes.

Photos François-Marie Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire. Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives concernées.

Élégante dans sa robe noire et chrome quoiqu'un peu étrange avec son cylindre maigrelet, cette Laverda 75 lança la marque en 1951.

Les motos Laverda furent le fruit de la passion de deux hommes : Francesco Laverda, qui a pris en 1937 la direction de l’usine familiale, et son directeur technique, Luciano Zen. Elles en tirèrent une indiscutable personnalité. Établie à Breganze dans la superbe région du Veneto, Laverda, connu depuis 1873 pour ses machines agricoles et plus tard par ses caravanes, se lance dans la moto en 1949 avec de petits monocylindres quatre temps de 75 cm3 puis 100 cm3 qui vont connaître dix années durant un fabuleux succès en Italie et donner à Laverda son image d’une firme sportive en constante recherche de solutions techniques originales et élégantes.

Luciano Zen, le directeur technique et Francesco Laverda aux côtés de la 1000 tricylindre en 1975.
L'usine annonce clairement l'activité principale de l'entreprise.
Le cadre poutre semi-ouvert (pour séduire les filles) est en tôle emboutie, comme la fourche à parallélogramme et le bras de suspension arrière.

Après un premier prototype à cadre double berceau de tôle emboutie et carter moteur-transmission secondaire faisant office de bras oscillant, Laverda revient pour la production en 1950 à un concept plus conventionnel et moins couteux en fabrication. Les choix de base sont conservés : 75 cm3 pour pouvoir, en Italie, emporter un passager, un cadre semi-ouvert pour séduire les belles Italiennes et un moteur quatre-temps, bien que cette option rende le 75 Laverda 30 % plus cher que ses concurrents en deux-temps. Le bloc moteur tout aluminium, monté fixe cette fois, développe 3 ch à 5 200 tr/min qui propulsent les 65 kg de cette première petite Laverda à 60 km/h. Le cadre ouvert, sur lequel se greffe un très élégant réservoir ovoïde, est constitué d’une fine poutre en tôle emboutie tout comme le bras oscillant de la suspension arrière qui s’appuie sur des blocs de caoutchouc et la fourche avant à parallélogramme. Courant 1951, la suspension arrière reçoit des amortisseurs à friction et une fourche télescopique est proposée en option. En 1952 apparaît une toute nouvelle version à cadre double berceau en tubes, fourche télescopique hydraulique et suspension arrière oscillante à deux amortisseurs.  À ces deux modèles de 75 cm3 s’ajoutent, en 1953, deux versions de 98 cm3 (52 x 47 mm) Standard et Sport restylées et données respectivement pour 5 ch à 6 000 tr/min et 75 km/h et 6,5 ch à 7 500 tr/mn et 95 km/h.

Ce 75 cm3 Sport version Milan Tarente de 1953 annonçait 4,7 ch à 7 500 tr/min et 88 km/h. Le cadre est dorénavant un double berceau en tubes assorti de suspensions plus modernes.
Tout est dit dans le texte de la pub : " Le rêve des jeunes… L'utilitaire qui gagne les courses ! "
1953 : le nouveau 100 cm3 arrive en version utilitaire et sport.

Comme toute machine italienne qui se respecte, la petite Laverda bâtit sa réputation sur ses succès sportifs. Et quels succès : En 1952, Castellani s’impose à 76,5 km/h de moyenne dans sa catégorie fort disputée dans la plus difficile des épreuves d’endurance, le rallye Milan-Tarente, du nord au sud de l’Italie par les routes dégradées de l’époque. En 1953, après une victoire au Tour d’Italie, les quatorze premières places du Milan-Tarente sont occupées par des 75 Laverda, menées par celle de Fontanili qui annonce 4,7 ch à 7500 tr/min et une vitesse de pointe de près de 90 km/h. Le 100 Regolarita est champion d’Italie en 1955 aux mains de Guido Benzoni et remporte également de belles courses aux Six Jours Internationaux avec Flavio Montesi. Les victoires en course d’endurance se succèdent jusqu’en 1963. Le succès commercial suit et permet à Laverda de se hisser au niveau des plus grandes marques. En trois ans, de 1955 à 57, Laverda immatricule 14099 machines alors contre 14599 pour Benelli et 13944 pour Morini. Seuls Guzzi et Gilera dont les ventes sont trois fois supérieures restent hors d’atteinte. L’ultime version de la série apparaît en 100 cm3 en 1958 avec des roues de 18 pouces contre 20 précédemment et, au total, il sera commercialisé près de 25000 exemplaires des 75 et 100 de 1950 à 1960.

Les Laverda 75 et 100 se comptent parmi les machines les plus titrées de leurs catégories en courses d'endurance.
Antonio Valentini sur son 75 Laverda au tour d'Italie en 1950 (photo reprise sur internet)
Antonio Valentini ici en pleine recherche de vitesse sur son 75 Laverda remporta plus de dix victoires au guidon de cette machine. Il court ensuite sur Morini et devient concessionnaire de la marque pour laquelle il réalise des préparations réputées. (photo non répertoriée sur internet)

En cette fin des années 50, la réglementation change en Italie avec une immatriculation obligatoire pour les 125 et une interdiction (toujours en vigueur aujourd’hui) des moins de 150 cm3 sur les autoroutes. Laverda qui vit surtout de sa production de machines agricoles, et ses revenus en deux roues sont en perte de vitesse face à la concurrence des nouveaux Gilera et Morini. La marque de Breganze réagit en développant un scooter 50 cm3 quatre temps qui voit le jour fin 1959 et une 200 bicylindre.

Une tentative originale de Laverda ce scooter Laverdino 50 cm3 quatre temps apparu en 1959 et ici présenté au salon de Bruxelles en 1963.
Le réglage des soupapes parallèles du scooter Laverdino est parfaitement accessible en levant la selle.

La 200 bicylindre s’inspire des Triumph de l’époque qui fascinent Francesco Laverda et elle n’en reprend pas que l’idée du twin quatre temps, mais aussi celle du cadre à partie avant simple berceau dédoublé associé avec une coque arrière en tôle emboutie façon « Bathtub » des 350 3TA et 500 5TA de 1957 et 59. Un choix aussi économique en fabrication qu’efficace sans compter qu’il confère à la nouvelle 200 une image de « petite Anglaise » fort appréciée de l’autre côté des Alpes. Le slogan de la marque pour les 75 et 100 « Le rêve des jeunes » se transforme pour la 200 en « La moto pour le touriste exigeant ». Le ton est donné, et la 200 Bicilindrica présentée au salon de Milan de 1961 semble avoir tous les atouts pour réussir.

Les cotes super carrées ont tout naturellement celles du 100 cm3 ( (52 x 47 mm)  dont il reprend bielles, pistons et soupapes, mais c’est à peu près tout ce que le nouveau bicylindre a en commun avec son prédécesseur. Les soupapes inclinées et disposées transversalement sont commandées par tiges et culbuteurs avec un seul arbre à cames (deux sur le 100) placé devant le vilebrequin. Ce dernier est assemblé, calé à 360° et supporté par quatre paliers, dont un central à double roulement. Culasse et bloc-cylindres (chemisé fonte) sont en alliage léger. La disposition de soupapes a aussi conduit à un emplacement curieux des bougies sur l’arrière des cylindres. Notons encore au chapitre des différences avec le 100 cm3, l’embrayage monodisque à cône en bain d’huile et non plus multidisque. Doté d’une boîte à quatre rapports, et soigné dans tous ses détails le beau bloc est logé dans un cadre mixte tubes et embouti avec des suspensions à amortissement hydraulique, des roues de 18 pouces à l’avant et de 17 à l’arrière et de beaux moyeux freins de Ø 170 mm. Elle pèse 120 kg à sec et, alimentée par un seul modeste carburateur de Ø 18 mm, elle annonce 11 ch à 6500 tr/min et 120 km/h. La 200 débarque sur le marché début de 1962 dans de frais coloris vert clair, bleu ciel ou orange. Affichée à 218 000 lires, à peine 60 000 de plus que le 100 cm3, elle est tout à fait bien placée face aux monos Gilera 175 et Ducati 200 et bien moins chère que la Gilera bicylindre 300 cm3. Pari gagné ? Pas vraiment, car le marché italien s’écroule comme en France et en Allemagne. Laverda prévoit de relancer ses ventes en 1964 avec une version Sport dotée de deux carburateurs et d’une boucle arrière du cadre tubulaire qui promet 15 chevaux et 140 km/h, mais qui ne verra jamais le jour. Fin 1964, Laverda décide de levier le pied et de se concentrer sur ses nouvelles 125 Sport et Trail à monocylindre horizontal et surtout sur son nouveau et ambitieux projet d’une grosse cylindrée 650 cm3. La 200 survivra sans grand succès jusqu’en 1968 avant de quitter définitivement la scène. Il en aura été produit 4500 unités dont 2000 vendues en Italie et une grande partie exportée aux États-Unis et en Grande-Bretagne sous label Gemini.

La Laverda 200 de 1962 dans sa première version verte et noire (également en orange ou bleu ciel) laisse rapidement place à des modèles en gris argent, rouge ou noir, puis, en 1964, à une ultime version rouge monochrome et sans décors.
La coque arrière confère à la 200 Laverda un indéniable air de famille avec les Triumph " bathtub " de1957 à 61. (collection Philippe Cornillot)
Ces mascottes de garde-boue depuis longtemps interdites étaient pourtant bien élégantes.
Soin des détails jusque dans la fixation avant du moteur avec un passage du câble d'embrayage dans le cadre.
Laverda a surtout laissé le souvenir de ses grosses cylindrées 750 et 1 000 cm3, mais les brillants débuts de la firme en 75, 100, 200 et 50 cm3 sont beaucoup moins connus de ce côté-ci des Alpes. Photos François-Marie Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire. Les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives concernées. Élégante dans sa robe noire et [...]

Sévitame 1937-1939 : Du brouillon à la production

Dans le concept, tout est pareil, mais en fait il n’y a pratiquement aucune pièce interchangeable entre ce prototype de 280 cm3 retrouvé et la version finale 330 cm3 en ma possession.

Les premières différences qui sautent aux yeux sont esthétiques. Le réservoir ne couvre pas l’arrière de la roue et se prolonge sous la selle. La partie avant du cadre est de toute évidence fabriquée sans outillages spéciaux avec de la tôle pliée et rivetée alors que la version définitive présente des courbes tout en douceur et rajoute une grosse nervure de renfort et ‘L’ inversé au-dessus du moteur. Il y a aussi le sabot de protection du moteur qui finit droit avec des dents de pelleteuse, pour mieux se planter sans doute, sur le proto alors qu’il s’enroule vers le haut sur le modèle final. La selle elle-même est à peu près pareille, c’est déjà ça, et l’élément télescopique de la fourche est toujours dans la colonne de direction (un technique rappelons le inaugurée par Marcel Violet dès 1919 avec sa Bi-Temps.). On note quand même que la fourche définitive est notablement renforcée, que le guidon n’est pas démontable en deux parties sur le proto et que le phare n’y est pas fixé de la même façon. Les freins avant sont montés différemment et la 280 a un tambour arrière standard au lieu du si complexe frein étanche à commandes coaxiales de la 330.

Ça, c’était au premier coup d’œil et tout se complique au second en abordant le moteur. Comme les dessins des brevets nous en avaient déjà prévenus, les deux blocs sont bien différents. Au niveau de l’alimentation pour commencer. Sur la 280, le carburateur de 18 mm est quasi standard à ceci près que le corps est monté horizontal et sa cuve verticale. Un dispositif de graissage séparé, semi-disparu sur la moto retrouvée, distillait un goutte-à-goutte d’huile au-dessus du cornet d’admission ou sur, une autre version, directement dans le corps du carbu. Le mélange admis est ensuite distribué dans chaque chambre par des transferts dans le vilebrequin sur deux paliers qui joue le même rôle que le boisseau rotatif sur le modèle final. Le schéma s’est singulièrement sophistiqué sur la 330 avec un carburateur Violet tout à fait spécifique et ce fameux distributeur rotatif à boisseau rotatif (système cher à Violet qui l’utilisa sur un moteur d’avion quatre cylindres à plat en 1930). Le vilebrequin tourne cette fois sur trois paliers renforcés pour l’occasion. La disposition générale du moteur conçu par l’ingénieur Achille Vincent tout comme la moto pour la société SÉVITAME ne change guère à l’exception du dispositif de sélection des vitesses. La commande qui pointe à l’arrière gauche du bloc est actionnée par une biellette et un petit levier droit situé derrière le carburateur.  Voilà en gros vous savez tout pour pouvoir différencier rapidement deux SÉVITAME si vous en croisez en chemin. Ah non une ultime particularité : la marque peinte sur le proto retrouvé n’est pas SÉVITAME, comme chacun sait Société d’Études de Véhicules Issus de la Technique Automobile Moderne et Économique, mais SÉVITAM … et un mystère, car aucun des brevets, des comptes rendus d’essais de l’Armée ou des articles parus n’évoque ce nom … prototype !

Photos et archives © F-M. Dumas / moto-collection.org

Plus de renseignements sur la fiche consacrée à la Sévitame ou dans le long article écrit par Marc Defour et moi-même dans la revue du Motocyclettiste n°93 disponible chez Chambrier ICI.

Il ne faut jamais désespérer, on trouve encore des sorties de grange exceptionnelles comme ce prototype unique de SÉVITAME de 1938. J’avais en fait connu son existence lorsque la première SÉVITAME que j’ai possédée m’a été volée le 24 décembre 1980. Le regretté Jean Lalan m’avait alors dit qu’il était sur la piste d’une autre et j’ai fini par trouver le téléphone du propriétaire après une très longue et fastidieuse recherche. Clap de fin, la discussion m’a permis de vérifier que l’autre SÉVITAME était un prototype et pas celle qui m’avait été dérobée, mais son propriétaire voulait rester anonyme et son adresse était introuvable. C’est pourtant lui qui m’a rappelé 37 ans plus tard. Il a toujours la moto soigneusement conservée au sec et en l’état, et veut cette fois la restaurer tout en la laissant esthétiquement dans son jus. À bientôt peut-être pour un essai comparatif.

Quel plaisir de retrouver une moto aussi complète et en aussi bon état.

Pas de numéro sur ce moteur de 1938.

Les seules pièces manquantes sont le carburateur, la dynamo et le système de graissage par goutte-à-goutte avec son viseur. Le cadre assemblé en tôles rivetées et non en une seule pièce en embouti et le compteur de vitesse est intégré au moteur.

La même vue à l’origine et sur le prototype retrouvé. Le guidon est en une seule pièce (en deux parties démontables sur la version 330).

Sur le prototype de 1938, le garde-boue arrière est un modèle standard découpé et ressoudé sans trop de soins.

Ce premier dessin de 1937 apporte aussi son lot de différences. Le levier de vitesse est direct sur l’avant du bloc.

Vue d’origine du moteur 280 de 1938.

Le bloc finalisé sur la 330 cm3 de 1939.

Coupes des moteurs 280 de 1938 et 330 de 1939. On notre entre autre différence l’absence de distributeur par boisseau rotatif (c’est le vilebrequin qui en fait office) et l’entraînement des magnéto et dynamo par chaîne sur le premier et par engrenages sur le second. La petite bille en bas de la cuve de carburateur de la 330 est un dispositif qui coupe l’essence automatiquement en cas de chute.

La version de 1938 en cours d’essais à Satory. Il est fort possible qu’il s’agisse du modèle retrouvé.

Vue d’usine de la 280 cm3 de 1938.

Un lot d’autres photos d’usine que j’ai dénichées il y a quelques mois montre une version encore plus finalisée que la mienne avec une tôle de recouvrement du moteur…

… et même un support de sacoches en tôle qui se rajoute sur le réservoir.

Dans le concept, tout est pareil, mais en fait il n’y a pratiquement aucune pièce interchangeable entre ce prototype de 280 cm3 retrouvé et la version finale 330 cm3 en ma possession. Les premières différences qui sautent aux yeux sont esthétiques. Le réservoir ne couvre pas l’arrière de la roue et se prolonge sous la selle. La [...]

2 Sévitame et tous mes voeux

Un scoop mondial pour fêter 2018 , la première réunion depuis 80 ans (et après quelque 40 ans de recherches !) de la dernière Sévitame produite, une 330 cm3 en 1939, et d’un des premiers prototypes en 280 cm3 qui réapparaît pour la première fois depuis sa construction en 1936-37… Ce sont, avec celle qui m’a été volée en 1980, les seuls exemplaires survivants. Tous les détails bientôt ici.

Sévitame 330 cm3 1939 et 280 cm3 1936
Première réapparition depuis 80 ans pour ce prototype 280 cm3 de 1936-37 qui n'a pratiquement aucune pièce commune avec la version finale de 1939.

-news-

Un scoop mondial pour fêter 2018 , la première réunion depuis 80 ans (et après quelque 40 ans de recherches !) de la dernière Sévitame produite, une 330 cm3 en 1939, et d’un des premiers prototypes en 280 cm3 qui réapparaît pour la première fois depuis sa construction en 1936-37… Ce sont, avec celle qui m’a été [...]