Scooters Rumi et Parilla twins 1960 : des rêves inachevés

À l’aube des années 60, les fabricants de scooters voient leurs ventes s’écrouler en Europe et tentent d’assurer leur survie avec des études aussi délirantes que passionnantes…  Rumi et Parilla présentent ainsi à la Foire de Milan en avril 1960 deux bicylindres : 80, 125 ou 175 cm3 quatre temps en V pour le premier et 160 cm3 deux-temps parallèle à plat pour le second. On en rêve encore !!!

À gauche, le 160 cm3 Parilla, chef d'oeuvre de compacité, et, à droite, le Rumi en V dans sa version 98 cm3 pour moto, l'un des styles les plus innovant jamais vus sur un moteur.

Rumi : les motos V1

C’est la révolution sur le stand Rumi à la Fiera di Milano en avril 1960. La marque si célèbre pour ses bicylindres horizontaux deux temps retourne sa veste et présente des prototypes en moto et en scooter animés par un superbe et très compact bicylindre en V 4 temps annoncé en trois cylindrées, 98, 125 et 175 cm3. D’une étonnante compacité, ce petit moteur a soupapes en tête classiquement commandées par tiges et culbuteurs se distingue aussi esthétiquement par les ailettes parfaitement horizontales qui semblent relier ces cylindres avant et arrière et il faut regarder de près pour voir qu’ils sont bien séparés. Une autre caractéristique moins visible a été prévue par l’ingénieur Umberto Ottolenghi, un décalage de 8 mm du cylindre arrière qui a également des ailettes un peu plus grandes pour uniformiser le refroidissement et recevoir un peu plus d’air frais du côté des échappements. Ce moteur est de côtes carrées 43 x 43 mm avec graissage sous pression, une alimentation par un seul carburateur de 16 mm, un allumage/éclairage par volant magnétique et une boîte à 4 rapports. Présentée à Milan en 125 cm3 avec une puissance de 6,8 ch à 7000 tr/min, cette belle petite mécanique est annoncée comme l’âme de toute une nouvelle gamme avec des versions de 98 cm3 (5,8 ch/7500 tr/min) à 175 cm3 (8,2 ch/6800 tr/min). Dans sa version 125 cm3, elle annonce 85 kg et 105 km/h.

Une superbe petite moto, mais la crise des années 60, mettra un terme à l'aventure. (photo Didier Ganneau)
Les nouveaux Rumi apparus à la foire de Milan en avril 1960, ne réapparaîtrons une dernière fois qu'au salon d'Amsterdam en mars 1961.
Juchée sur des grandes roues de 18 pouces, la version moto présentée à Amsterdam est en 98 cm3 tandis que le scooter est en 125. (Photos Henri Lallemand)

Rumi : le scooter V 1

La grande originalité esthétique du moteur étant dissimulée, ce Rumi nouvelle génération paraît bien fade avec une ligne très fluide manquant un tantinet d’originalité. Il peut sembler dommage de cacher une si jolie mécanique et curieux aussi d’envisager un moteur aussi sophistiqué donc cher pour un petit scooter. Rumi a pourtant sauté le pas avec un prototype présenté à cette même foire de Milan de 1960 (il n’y a pas de salon EICMA : à partir de 1957 et jusqu’en 1997, ce salon de fin d’année n’a lieu que tous les deux ans). Notez en passant que ces nouveaux Rumi 4 temps bicylindres en V présentés à la foire de Milan en avril 1960, n’étaient ni à l’IFMA en Allemagne en septembre, ni à Paris en octobre où ils étaient pourtant annoncés, ni à Londres où il fut dit qu’ils étaient bloqués en France par la douane. On ne les revit, une dernière fois, qu’au salon d’Amsterdam en mars 1961 alors que la production était en cours d’arrêt chez Rumi qui fermera définitivement ses portes en 1962.

Le moteur est identique à celui de la moto à ceci près qu’une grosse turbine en bout de vilebrequin du côté droit envoie de l’air frais sur cylindres et culasses par l’intermédiaire de carters en alu et tôle qui cachent tout le haut moteur. L’autre modification concerne le changement de vitesse, car le sélecteur au pied droit de la moto est remplacé par une commande par câbles et poignée tournante à gauche du guidon. La transmission s’effectue par chaîne sous carter. Avec un moteur aussi onéreux, il fallait bien économiser sur la partie cycle et Rumi a abandonné la structure en aluminium coulé des Formicchino pour une poutre centrale en tôle d’acier emboutie sur laquelle viennent se fixer deux larges flancs latéraux facilement amovibles. Les roues en tôle sont chaussées en 3,50 x 10”. La suspension avant à biellettes et roues poussées est celle du Formicchino tandis que l’arrière est à bras oscillant et anneaux style Neiman. La version 85 cm3 est donnée pour 85 km/h, 2,2 l/100 km et 118 000 lires, et le 120 pour 95 km/h, 2,5 l/100 km et 150 000 lires. La moto, elle est annnoncée à 150 000 lires. C’était cher, mais raisonnable, car en cette même année 1960 un Lambretta 125 LI série2 valait 132 000 lires en 125 et 150 000 en 150 cm3.

Quel dommage de cacher une si belle mécanique ! (Photos Henri Lallemand)
Je vous l'accorde, la ligne a moins de caractère que les Formicchino ou la moto V1 dotée du même moteur.
Pour favoriser la circulation d'air les flancs latéraux sont dotés d'évents d'entrée et de sortie d'air. Notez la selle en skai lisse et brillant.

Parilla : L’Oscar

C’est une surprise bien gardée qui est dévoilée sur le stand Parilla à la 28eédition de la foire de Milan d’avril 1960 : un tout nouveau scooter animé par un bicylindre deux temps horizontal “à la Rumi” pourrait-on dire, sauf que la firme de Bergamo présente au même salon les bicylindres en V dont je vous parle plus haut. Justement à l’ouverture de la Foire ce sont les Rumi qui ont la vedette car le podium central prévu chez Parilla reste vide. Le bel Oscar qui n’avait pas fini de se pomponner manque donc le jour de l’inauguration et cela explique les rarissimes images qui en sont parues dans la presse internationale. Dommage car la Fiera de 1960 sera sa seule apparition publique.

Les photos du scooter Parilla bicylindre sont empruntées à l’excellent site sur la marque et son histoire www.parilla.it

Coup de chapeau à Parilla pour avoir réussi à intégrer autant de matériel en réussissant à garder un plancher plat. Il y a même un (petit) coffre sous la selle.
Le bloc moteur-boîte-bras oscillant est vraiment très compact.

Aussi beau qu’innovant l’Oscar est un 160 cm3 bicylindre deux temps doté d’un bloc moteur transmission oscillant. Cela paraît normal aujourd’hui où tous les scooters à l’exception de quelques grosses cylindrées, utilisent ce concept, mais il est alors fort peu courant. Le bloc moteur transmission est articulé juste derrière les cylindres sur le cadre en tubes et tôle d’acier et s’appuie sur un élément “Eligo” constitué d’un ressort enrobé de caoutchouc. La suspension avant à roue poussée a un débattement de 120 mm. Le moteur à cylindres horizontaux est un deux-temps de 160 cm3 (48 x 44 mm) à distribution conventionnelle et pistons plats alimenté par un carburateur unique Dell’Orto de ø 16mm. Il annonce 7,5 ch/6000 tr/min. Le moteur est totalement enfermé, mais le refroidissement est particulièrement soigné avec deux ventilateurs sur les sorties d’arbre gauche et droite du moteur qui aspirent l’air autour des cylindres au lieu de souffler comme d’habitude. Le carénage en tôle qui guide l’air autour des cylindres est collé pour éviter les vibrations. Autre grosse nouveauté, l’Oscar est doté d’un démarreur électrique, un équipement encore rarissime de ce côté des Alpes alors qu’il se popularise sur les scooters allemands et japonais. Parilla annonce néanmoins qu’il sera aussi produit une version dotée d’un kick (totalement absent sur ce proto à démarreur). Ce démarreur entraîne le moteur via une courroie et une poulie qui flanque le ventilateur gauche. Pour alimenter tout ça, deux batteries sont logées sous la selle avec le régulateur. Ladite selle est articulée sur l’avant comme sur le Slughi. La transmission primaire s’effectue par chaîne duplex en bain d’huile tandis que la roue est directement fixée sur la sortie de boîte. Les quatre rapports sont commandés par poignée tournante.

La carrosserie de lignes très fluides est constituée de deux grands panneaux latéraux faciles à ôter pour l’accès à la mécanique ou à la roue. Les roues interchangeables sont montées en 3,50 x 10’. Vitesse annoncée 100 km/h.

La carrosserie de lignes très fluides est constituée de deux grands panneaux latéraux faciles à ôter pour l’accès à la mécanique ou à la roue.
Tout comme le Rumi V1, le Parilla 160 n'est pas très original et sa ligne reste dans l'air du temps. Tout juste se distingue-t-il par une grand prise d'air devant le moteur.
À l’aube des années 60, les fabricants de scooters voient leurs ventes s’écrouler en Europe et tentent d’assurer leur survie avec des études aussi délirantes que passionnantes…  Rumi et Parilla présentent ainsi à la Foire de Milan en avril 1960 deux bicylindres : 80, 125 ou 175 cm3 quatre temps en V pour le premier [...]

Les premiers flat twins deux temps

Le flat twin tente nombre de constructeurs au tout début des années 20, ABC, BMW, Douglas, etc ; mais, qu’ils soient en long ou en travers, tous ceux cités sont des quatre temps. En deux temps, les bicylindres, toutes dispositions confondues, arrivent bien tardivement à l’exception notable de Scott, le pionnier en 1908. Il n’y en a que deux au salon de Londres en 1920 et quatre en 1921 dont l’Economic qui dont je vais longuement parler dans cet article, car il fut, sauf erreur de ma part, le premier bicylindre à plat deux temps aux États-Unis, puis en Europe.

Les atouts d’un bicylindre à plat quatre temps sont évidents et justifient son succès depuis les premiers âges de la moto. Le vilebrequin étant calé à 180°, les deux pistons se meuvent en opposition et cela donne un temps moteur par tour avec un joli bruit caractéristique. Dans les premiers âges du deux-temps, la construction de moteurs refroidis par air au-dessus d’une certaine cylindrée posant de réels problèmes techniques, le multicylindre semble pourtant être la seule solution ! Le flat twin deux-temps s’impose pourtant moins qu’en quatre temps. Avec le même obligatoire calage à 180°, l’aspiration et la précompression dans le carter s’effectuent en même temps pour les deux cylindres, et on a une combustion par tour dans chaque cylindre, soit un gros double-temps moteur par tour. C’est bien pour l’équilibrage et le couple, pas trop pour le bruit qui est celui d’un monocylindre. En comparaison, un deux temps à deux cylindres parallèles, séparation du carter et calage à 180°, a, lui, deux temps moteur par tour, un pour chaque cylindre.

En bref :

1913 – 1921 : Johnson Motor Wheel 154 cm3 – USA

1914 :  Connaught 350 cm3 – GB

1916-1919 : Terrot – Cuzeau 350 cm3 – FR

1919-1921 : Jonhson Motor Wheel / Economic – USA/GB

1921-1923 : Economic 161 cm3 – 2version – GB

 

Johnson Motor Wheel 1919 (photo H. Descelier)

1919 : Terrot Cuzeau 350 cm3 :  Hors concours

Comme un premier deux-temps étudié en Allemagne chez Victoria, le superbe Terrot étudié par l’ingénieur Henri Cuzeau de 1915 à 1919 est d’office éliminé de ce tour d’horizon de flat twins deux temps. Il s’agit en effet de deux-temps à 360°. Dans ce cas les pistons bougeant dans le même sens ne s’équilibrent pas et il n’y a pas de précompression, car ils restent à la même distance l’un de l’autre dans le carter. Terrot et Victoria ont résolu le problème en utilisant des pistons à double alésage, l’espace annulaire créé par l’alésage du bas étant utilisé pour l’admission et l’envoi du mélange dans la chambre de combustion.

L'unique survivant du Terrot-Cuzeau fait partie de la collection permanente du Musée National de la Voiture de Compiègne.
Trop complexe, sans doute, ce flat twin à doubles alésages resta au stade de prototype.

On parlera un autre jour de ces deux-temps à pistons à « doubles étages ». La question du jour, c’est qui remporte la palme d’avoir créé le premier flat twin deux temps « normal » et la lutte est serrée et confuse. Entre Johnson Motor Wheel aux États-Unis et Connaught en Grande Bretagne. Certes le Connaught est bien plus beau et bien plus technique, mais l’histoire n’en a guère gardé pour trace que sa présentation fin 1914 aussi la victoire revient-elle aux frères Jonhson, car leur flat twin sera réellement commercialisé avec un succès non négligeable aux États-Unis et sera même construit en Grande-Bretagne pour équiper une fort jolie petite moto.

1914-1915 : Connaught 350 cm3 en Grande-Bretagne

Autant le Johnson est rustique et sans finesse voire antimécanique avec ses bielles tordues, autant le Connaught, un bicylindre à plat de 350 cm3 présenté en Grande-Bretagne fin 1914, est technique, astucieux et très soigneusement réalisé, mais, dommage, on ne trouve apparemment plus sa trace après cette brillante présentation.

Le Connaught est tout à fait moderne en son temps. Le vilebrequin tourne sur roulements à billes. Les cylindres pénètrent profondément dans le carter moteur en aluminium. Ce moteur est solidement boulonné sur une longue semelle qui sert de silencieux et de partie inférieure du cadre. Pas besoin de tube d’échappement, la semelle-silencieux est directement appliquée sur la lumière d’échappement.
Une plus petite semelle sur le dessus réunit les transferts d’admission avant/arrière et sert de support à la magnéto. Dernier raffinement pour empêcher que le moteur ne passe en 4 temps à faible régime ou dans les descentes (mal chronique des premiers deux-temps,) une valve rotative entre le transfert avant où entre le mélange et le transfert arrière, coupe l’admission au cylindre arrière dans les cas mentionnés et le cylindre avant garde ainsi un rythme régulier.

1913 Johnson Motor Wheel 154 cm3 – États-Unis

C’est aux États-Unis courant 1913 qu’est développé pour la première fois un flat twin deux temps sous label Johnson Motor Wheel. C’est un petit 154 cm3 refroidi par air disposé en long sur un porte-bagages de bicyclette dont il entraîne la roue par une chaîne directe. Le manque de souplesse de ce type de transmission comparé à une courroie est compensé par un amortisseur de chocs constitué par des ressorts disposés entre la couronne dentée et la jante de la roue arrière. Les cotes de ce petit moteur sont étonnamment super carrées (51 x 38 mm), l’alimentation est confiée à un carburateur maison, B & B ou Mills et la puissance est estimée à ¾ de cheval avec une vitesse annoncée de 50 km/h.

Le dessin du brevet montre bien l’agencement des différents éléments avec toutefois quelques changements par rapport aux versions définitives. L’échappement est un deux-dans-un orienté vers l’arrière et le système « Spring drive » de suspension de la grande couronne arrière place ses trois ressorts entre l’intérieur de la couronne et le moyeu de roue et non entre la couronne et la jante de roue.

Un peu d’histoire :

Les frères Johnson Lou, Harry et Clarence Johnson créent la Johnson Brothers Motor company à Terre Haute dans l’Indiana et Louis Johnson construit en 1903 son premier moteur, un mono deux temps de 3 ch et 68 kg. Deux ans plus tard, le moteur amélioré ne pèse plus que 29,5 kg. La Johnson Brothers Motor developpe ensuite des 2 et 4 cylindres en ligne, puis un V4 pour l’aviation, mais leur usine est détruite par une tornade en 1913. Les trois frères redémarrent alors leur activité avec une nouvelle société, la Johnson Bros. Motor Wheel Company et une nouvelle invention, un petit flat twin deux temps adaptable à l’arrière d’un vélo. Ce petit flat twin a cependant un grave défaut il fait « brûler » sa magnéto plus vite que leur fabricant ne peut en fournir. Les frères Johnson se lient alors à la Quick-Action Ignition Cy, dirigée par Warren Ripple et vont s’établir ses côtés à South Bend, Indiana en mars 1918.

Revu, corrigé et breveté pour 1919, le flat twin s’est doté un moderne volant magnétique conçu par Quick-Action ignition Company. C’est le succès et le Johnson sera vendu à 17 000 exemplaires sous labels Johnson Motor Wheel, ou Economic. Et puis arriva la récession et surtout la concurrence de la Ford T à 365 $ alors que le Johnson Motor Wheel valait 97,50 $ en moteur seul et 140 $ avec sa bicyclette. Imparable ! et Johnson Motor Wheel Cy ferme boutique en 1921. Délaissant les deux roues motorisés, les frères Johnson retournent à leurs premières amours, les moteurs marins avec, devinez quoi ? Un flat twin deux temps tout alu qui développe 2 chevaux et ne pèse que 16 kg.

Publicité pour le Johnson Motor Wheel vers 1920 vendu 97,5 $ … l’apparition de la Ford T à 365 $ mettra fin à son succès.
Pour le moins rustique, le Johnson est conçu pour pouvoir être démonté avec seulement un tournevis. Des chapeaux de bielle à l’assemblage des carters et la fixation des cylindres, tout est confié à des vis à tête fendue de même dimension et « en ferraille à ferrer les ânes » précise un docte membre du Vintage Motorcycle Club britannique.
La coupe du moteur est présentée dans les journaux anglais et français en 1921.
Curiosité technique, certain diront aberration, les bielles ne sont pas droites, mais sont tordues et décentrées pour que les cylindres soient alignés. (Photos Kim Siddorn)
Le moteur Johnson ici sous label Economic au National Motorcycle Museum dans l’Iowa. Comme la grande majorité des constructeurs américains de motos Harley Davidson fabriquait aussi des vélos et ce kit moteur est monté sur une bicyclette HD, modèle 1918. Un étonnant mariage, car le distributeur du kit moteur « Economic » alias Johnson Motor Wheel, est Davis Sewing Machine Co, un célèbre fabricant de machine à coudre à Watertown (NY) puis établi à Dayton-Ohio, qui fabriquait aussi des bicyclettes depuis 1892, avec d’ailleurs tant de succès qu’il en abandonnât ses ‘sewing machines’ ; une mauvaise idée, car il fît faillite en 1924. Le seul côté high tech de cet Economic de 1920 est bien son volant magnétique.(photos Hugues Descelier)
Un Johnson Motor Wheel daté de 1919 sur vélo de dame au Barber Museum.(photo Hugues Descelier)
Le carburateur et le système d’échappement est encore différent. (photo Hugues Descelier)

1921-1923 : Economic 161 cm3 – Grande-Bretagne

Bien avant d’être grillé aux États-Unis par la Ford T, le flat twin Jonhson a découvert l’Europe de façon très anecdotique monté sur un porte-bagages de vélo et bien plus souvent dans l’armée américaine durant la Grande guerre où il entraînait des groupes électrogènes ou des pompes d’assèchement.

La société Economic Motors créée à Londres rachète, dit-on, ces moteurs aux surplus avant de devenir Eyneford Engineering Co Ltd à Eynsford dans le Kent et de se lancer dans la fabrication non seulement du moteur, mais d’une vraie petite moto.

On ne trouve aucune trace de l’Economic dans la presse britannique en 1919-20 et il ne figure pas dans la liste des exposants au salon de l’Olympia à Londres fin 1920 publiée par Motorcycling. Il en va tout autrement au salon de Londres 1921 où Economic présente son moteur auxiliaire  en vantant sur son prospectus « l’énorme succès » de cet engin sans préciser que ceux-ci ont été essentiellement réalisés outre-Atlantique. Il est monté en long sur le porte-bagages d’un vélo en version ‘Standard’ à 18£ 17s 6d ou ‘De Luxe’ à 23£, avec la transmission par chaîne « Spring drive », inventée par Johnson avec six ressorts intermédiaires joignant 3 bossages sur la couronne dentée à six attaches sur la jante. Le kit complet avec vélo renforcé vaut 30£. C’est cher surtout en comparaison de la grosse surprise qui tient la vedette du stand Economic, une vraie moto proposée à un prix défiant toute concurrence et à peine plus onéreuse que le vélo avec son moteur auxiliaire : 34£ en version standard ou 37£ 10d avec boîte deux vitesses.

Les inépuisables fonds de la BNF sont là pour prouver que le Johnson Motor Wheel a bien roulé en Europe et même en France. Il est ici photographié par la célèbre agence Rol à la course de côte de Gometz-le-Chatel le 31 octobre 1920 aux mains de Pierre Labric. La version utilisée est parfaitement identique à celle montée sur un vélo de dame au Barber Museum

Le petit flat twin monté sur la moto a désormais une cylindrée de 161 cm3 avec des cotes encore plus super carrées que le 154 cm3 du moteur auxilliaire Johnson original puisque l’alésage est passé de 50,1 à 52 mm pour une course toujours de 38 mm. Le flat twin est disposé en long, à la Douglas, accroché très haut juste sous le réservoir dans un cadre triangulé en tubes droits plus qu’inspiré par celui que vient de présenter Cotton. La transmission ne s’effectue plus en direct à la roue. Une chaîne entraîne une boîte relai sous le moteur (avec deux vitesses en option) et une poulie trapézoïdale assure la transmission secondaire. Miracle du volant magnétique, l’éclairage électrique est aussi proposé en option (à une époque où l’éclairage acétylène est encore la règle). On note au passage la suspension avant pendulaire type Indian qui comprime un ressort horizontal au-dessus de la roue. « Le petit compagnon rouge » comme l’appelle sa publicité en raison de sa couleur ne vivra pourtant qu’un été.

Première mouture de l’Economic en 1921 (tiré à part à l’occasion du salon de Londres de la présentation parue dans le numéro de ‘Motorcycling’ du 16 novembre 1921): 34 £ seulement avec un versement initial de 10 £ puis six mensualités alors que le moteur auxiliaire avec son vélo est proposé à 30 £.

Le moteur disposé en long transmet sa (modeste) puissance par chaîne et courroie avec, au choix, une boîte deux vitesses ou non sur l’arbre relai. L’allumage s’effectue par un volant magnétique avec avance variable qui peut également alimenter un éclairage électrique. Les freins sont à patins sur jante et la suspension avant est pendulaire type Indian. Finition en rouge, lui vaut le surnom de « Petit compagnon rouge » sur le catalogue. (extrait de Motorcycling du 16 novembre 1921 - Archives Hockenheim museum)

L’Economic à friction

Dans ses reportages sur le salon de Londres 1921, la presse britannique parlait déjà 1921 d’un futur tricycle utilitaire animé par le flat twin de l’Economic et associé à un changement de vitesses par plateau de friction.

L’idée se concrétise aux salons de Londres et de Paris fin 1922 où apparaît une toute nouvelle Economic où tout change ou presque. Non, le moteur est le même, mais il est cette fois placé en travers et disposé plus bas dans un double berceau toujours en tubes droits triangulés, mais élargi pour protéger les cylindres de la boue comme des chutes. une vraie mini ABC !

La grosse nouveauté est ailleurs : un changement de rapport par plateau de friction (de 6 à 1 à 19,4 à 1). Un dispositif déjà utilisé par Ner-a-car, La Mondiale et quelques cyclecars. Succès d’estime, cette aguichante Economic à bicylindre en travers brillera au salon de Londres et même de Paris, mais dans le hall d’entrée seulement, car “inscrite trop tard pour avoir un stand”, elle ne fut toutefois diffusée qu’à un très petit nombre d’exemplaire et la marque disparaît en 1923.

L’Economic de 1922 conservée au National Motocycle Museum de Birmingham : une vraie « mini ABC ».
Superbe description du dispositif de changement de rapport à friction dans ‘La Revue Motocycliste’ du 10 juillet 1922. Un disque acier est accolé derrière le volant magnétique. Perpendiculaire à ce disque, un volant garni de fibres est maintenu en pression contre lui par un ressort de débrayage commandé par pédale. Un levier à main réglable sur dix positions commande le déplacement du volant sur son axe qui passe ainsi de la périphérie vers l’extérieur du plateau en sortie moteur. L’axe sur lequel coulisse le volant est pourvu d’une poulie à gorge pour la courroie de transmission vers la roue. Le carburateur unique n’est plus un B & B mais un Gapac.
L’Economic qui arrive trop tard à Paris pour être inscrite au salon de 1922. Elle sera néanmoins exposée, mais dans le hall d’entrée. On verra sa publicité dans les numéros Spécial Salon de ‘La Revue Motocycliste’…
…et de ‘Moto Revue’ en 1922. On y lit qu’elle a effectué un Londres-Edimbourg en 22 h 27min. soit 700 km à 31,18 km/h de moyenne une vraie performance certifiée par l’ACU, sur les routes non bitumées telles que vous pouvez vous les imaginer à l’époque.
Le flat twin tente nombre de constructeurs au tout début des années 20, ABC, BMW, Douglas, etc ; mais, qu’ils soient en long ou en travers, tous ceux cités sont des quatre temps. En deux temps, les bicylindres, toutes dispositions confondues, arrivent bien tardivement à l’exception notable de Scott, le pionnier en 1908. Il n’y en a [...]

#3: Le twin à l’horizontale relève la tête

Après les premiers du genre et la Moto-Bécanette, suivis par les twins à l’horizontale des années 50, Rumi en tête, voici le troisième et dernier chapitre de l’histoire des moteurs à deux cylindres parallèles et horizontaux. Dix ans après les succès des Rumi et Motobi, le Japon, l’Italie et même le Canada tentent, encore sans succès, de relancer le concept. En deux-temps bien sûr, car en quatre-temps, si on fait abstraction des motos de course comme l’Ultima Lyonnaise ou la Lino 500 de Lino Tonti, il faudra attendre le Yamaha 500 T-Max en 2000 pour voir renaître le bicylindre à plat.

Photos ou archives François-Marie Dumas/motocollection.org sauf mention contraire

Clic sur les liens en bleu pour accéder aux fiches concernées et aux caractéristiques techniques –  Résumé des chapitres précédents   V

Riedel Till 150 – 1950

Je bats ma coulpe, les Till et Imme créés par Norbert Riedel ne devraient pas être là, mais dans le chapitre précédent puisqu’ils datent respectivement de 1950 et 1951. Oubli réparé, les voici en supplément à l’article sur les Imme 100 monocylindres paru il y a quelque temps sur ce blog.

Passionné par le véhicule populaire, Norbert Riedel voit avec autant d’intérêt que d’inquiétude le succès explosif du scooter et tente illico de transposer sur petites roues le concept minimaliste de son Imme. Ainsi naît en 1950 le très curieux scooter Till, et comme on dénombre alors plus de seize millions de personnes qui vont au cinéma en Allemagne, Norbert Riedel décide de lancer son dernier né sur le grand écran en faisant apparaître le Till dans le film de 1950 La fiancée de la forêt noire (‘Schwarzwald mädel’) tiré de l’opérette du même nom dont le tournage s’effectue du 1er mai au 3 juin 1950. Le Till présenté en grande pompe dans toute la presse internationale en 1950 est animé soit par le 100 cm3 soit par un tout nouveau moteur bicylindre de 150 cm3 (alésage x course : 48 x 51 mm) doté pour la circonstance d’une turbine de refroidissement. Le Till annonce alors 6 ch à 5 000 tr/min, 80 kg et 80 km/h avec une grande souplesse de fonctionnement. L’embrayage est commandé soit à main soit par pédale au pied. Les roues de 8 pouces sont bien entendu montées en porte-à-faux.

Les grandes difficultés financières de l’entreprise mettent malheureusement fin au projet après qu’il n’en a été construit que quelques unités avec d’ailleurs deux carrosseries différentes. Nul ne saura jamais si le Till, mort-né ou presque, aurait pu être un succès, mais il aurait eu fort à faire face aux Vespa et Lambretta, il faut l’avouer un poil plus aguichants.

Le Till est lancé dans le film de 1950 « La fiancée de la forêt noire “(‘Schwarzwald mädel’) tiré de l’opérette du même nom. Cette photo est prise durant le tournage.
Le Till dans sa première carrosserie pose avec un modèle et Norbert Riedel (archives Steffen Riedel)
Daniel Rebour a immortalisé le Till dans sa version bicylindre à carrosserie redessinée.
Le bicylindre est ici refroidi par turbine et l’avant de la coque arrière est amovible.

Riedel Imme 150 – 1951

Rien ne se perd, en mai 1951, Riedel élargit sa gamme moto avec un modèle utilisant le même bicylindre de 150 cm3. Seul le moteur diffère de l’Imme mono et Riedel proposera d’ailleurs une possibilité d’échange standard pour transformer les Imme 100 en Imme 150 bicylindre. Pour prouver ses performances le 29 mai 1951, Riedel emmène son bicylindre sur le circuit d’Hockenheim où les Imme 150 couvrent 552 km à 70 km/h de moyenne en dépit d’un fort vent tandis que deux Imme 100 parcourent la même distance à 60 km/h de moyenne.

Hélas, la crise qui sévit alors en Allemagne touche la jeune entreprise de Norbert Riedel de plein fouet d’autant plus que les nouveaux Imme bicylindres et Till ne rencontrent guère de succès. Riedel passé sous contrôle judiciaire en 1950, est déclaré en faillite en 1951 et licencie une grande partie de son personnel en avril de cette année noire. Les efforts incessants de Riedel pour trouver de nouveaux débouchés à ses produits se soldent par une succession d’échecs. En Allemagne, le bicylindre Imme est ainsi vendu à Fritz Fend pour des voiturettes d’infirmes, mais il ne sera pas repris sur les fameux Messerschmitt à trois et quatre roues créés ensuite par le même ingénieur ex-pilote de la Luftwaffe.

Le stand Ladeveze au salon de Paris 1952. Les Imme sont en vedette à droite avec une 150 entourée de deux 100 et on admire au passage chez ce grand motociste et importateur parisien, les gammes Victoria, Rixe, Universal et Ariel.
Le bicylindre Imme de 150 cm3 sur la moto et le scooter.
La Riedel Imme 150 bicylindre se distingue par un carter moteur dont les fausses ailettes prolongent celles du cylindre. (archives Steffen Riedel)
Côté volant magnétique, seules les deux bougies permettent de différencier au premier coup d’œil le twin du mono. (archives Steffen Riedel)

Stella 150 – 1951

La plus étonnante réalisation sur base Riedel arrive en France au salon de Paris d’octobre 1951 où la marque nantaise Stella, célèbre pour ses vélos équipant Louison Bobet, tente ainsi d’entrer dans le monde du deux-roues motorisé. On suppose que l’ensemble de sa partie cycle à suspensions avant et arrière monobras sont directement empruntés au Till et il s’annonce au choix avec le moteur Riedel 125 mono ou 150 bicylindre. Un bel exercice de style et un moteur plein de promesses, mais, pas de chance, son élégant scooter à double queue façon Cadillac qui ne vivra que le temps du salon.

 

Présenté au salon de Paris en 1951, le scooter Stella marque l’entrée de la marque dans le monde motorisé. On voit derrière la gamme des vélos de la marque et son sigle bien français avec un coq sur un globe terrestre.
L’arrière du Stella s’orne d’une superbe double queue inspirée des voitures américaines.

Showa 350 Marina 1956

La marque japonaise Showa Works ltd (à ne pas confondre avec Showa Aircraft Cy) est surtout connue pour la série de sa gramme « Cruiser » en quatre temps sortie à partir de 1954, mais la firme commit aussi quelques deux-temps dont cette formidable Marina dotée d’un beau bicylindre horizontal ovoïde dont Motobi n’aurait pas à rougir, d’un étonnant cadre coque en tôle (d’acier ?) et juchée sur des petites roues de 16 pouces.  Présentée en 1956, cette 350 cm3 bicylindre (62 x 58 mm) promettait 22 ch à 5500 tr/min et 110 km/h pour un poids de 153 kg. Sa production n’est pas confirmée et Showa associé à Hosk en 1959 passera dans le giron de Yamaha en 1960. Dommage, Yamaha utilisera les ex-usines Showa, pour construire ses plus grosses cylindrées, mais ne reprendra pas les idées testées avec la belle Marina.

L’étonnante Japonaise Olympus 250 de 1960 offre un design très abouti avec son cadre en tôle emboutie sous lequel est suspendu le moteur en porte-à-faux. Une espèce de super Taon Derny en quelque sorte. (photo Motorcyclist)
La construction du Showa Marina de 1956.

Olympus 250 twin 1960 & 370 tricylindre 1962

Quatre ans plus tard, en 1960, c’est au tour d’Olympus d’entrer dans le clan très fermé des constructeurs de twins deux temps à l’horizontale. La marque établie à Nagoya a débuté en 1952 avec des monos quatre temps très inspirés par AJS. Elle se tourne ensuite vers le deux-temps en 1957 avec ses 250 Crown réplique des 350 IFA-MZ flat twins puis change une nouvelle fois son fusil d’épaule et présente une fort élégante 250 cm3 tout en rondeurs à deux cylindres horizontaux avec, comme tout le monde ou presque, les cotes classiques de la DKW 125 (52 x 58 mm). Cette belle Nippone baptisée SH et produite en très faible quantité, arbore un superbe réservoir ovoïde et annonce des performances plus qu’alléchantes : 21 ch, 155 kg et 150 km/h. Mieux encore, elle se décline fin 1961 avec une exceptionnelle version 370 cm3 à trois cylindres à plat dont seul le poids est communiqué, 170 kg. L’originalité ne paie malheureusement pas toujours. La tricylindre ne sera jamais vendue et Olympus cesse toute production à la fin de cette même année 1962.

Le croiriez-vous ! Cette photo a été piquée sur Le Bon Coin ou Ebay, je ne me souviens plus, où cette rarissime Olympus 250 SH de 1960 était en vente dans notre pays où elle n'a jamais été importée. Si l'heureux acquéreur me lit, qu'il se fasse connaitre.
L'Olympus 370 SH tricylindre de 1961 sera le chant du cygne de la marque. Ce beau dessin est emprunté au rare livre Autobike Graffiti publié au Japon dans les années 80.

MV Agusta 150 – 1967

Surprise, cinq ans plus tard au salon de Milan de 1967, c’est MV Agusta, qui relance l’idée d’un twin (presque) horizontal. Hélas, cette étonnante machine ne vit que le temps d’un salon et même les journaux italiens de l’époque ne la décrivent qu’en quelques lignes. Le culte du secret est une règle dans l’usine de Gallarate et nul n’en saura plus que les quelques chiffres donnés en pâture aux journalistes en 1967. MV Agusta qui a déjà étonné deux années plus tôt avec sa 600 GT, le premier quatre-cylindres transversaux jamais produit en série, va à l’encontre de toutes ses habitudes en présentant ce 150 cm3  Bicilindrico (et pas bicilindrica, sans doute pour bien noter la virilité du modèle !). Les cylindres inclinés à 45° sont, affirme l’usine, alimentés par des distributeurs rotatifs (pourtant très décrié par le comte Agusta) sans qu’on sache comment ce dispositif, invisible sur les photos, est installé. La boîte est à cinq rapports et le bicilindrico annonce des performances brillantes pour son époque avec 12 ch à 8 000 tr/min et 125 km/h. La partie cycle est tout aussi inhabituelle pour MV Agusta tout du moins dans sa partie avant avec le moteur en porte-à-faux accroché (comme pour les motos Rumi) sous un double berceau interrompu en tubes. La partie arrière du cadre est par contre typique de MV avec deux crosses en tôle emboutie qui supportent les combinés de la suspension oscillante, un schéma de construction utilisé par la marque depuis sa première 125 à suspension oscillante en 1947.

La MV Agusta 150 bicilindrico pose fièrement devant toutes les coupes remportées par la marque pour son unique apparition publique au salon de Milan 1967.
Toute la partie arrière de la MV 150 semble empruntée aux autres modèles de la gamme et le réservoir est celui apparu en 1965 sur le Liberty, le 50 Supert Sport de la marque. On aperçoit au fond l’arrière de la 500 quatre cylindres de Grand Prix.
Un Rumi ? Non ! une MV en 1967.

Suzuki 90 Wolf & 125 Leopard – 1969

En est-ce fini à jamais des bicylindres (presque) horizontaux ? Non ; deux ans plus tard Suzuki relève le gant et présente au salon de Tokyo de 1969 sa Wolf 90 cm3, le plus petit bicylindre dans sa catégorie, qui annonce fièrement 10,5 ch à 8 500 tr/min. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le twin horizontal renaisse en ce pays et sur une aussi petite moto, car, pour les petites cylindrées, la mode au Japon d’alors est aux cylindres à plat que ce soit en deux temps chez Yamaha et Suzuki comme en quatre temps avec les Honda 50 et 70 cm3 du Cub au Dax en passant par les SS. Normalement les plus grosses cylindrées relèvent la tête et seul Suzuki gardera la même disposition en montant en gamme.

La T90 Wolf se double la même année de la T125 Flying Leopard qui est importée chez nous sans y connaître un grand succès. Sa frêle silhouette n’arrive pas à séduire la clientèle des 125 qui veut au contraire avoir le vélomoteur le plus imposant possible. Dommage, car il est, tout compte fait, peu de motos qui apportent un style radicalement nouveau et la série des T 90 et T 125 Suzuki, qui se démarquent de toute la production existante par leur style comme par leur concept, méritent à ce titre une place d’honneur dans l’histoire.

Ces deux petits cubes sont remarquablement fins et élancés, avec une parfaite homogénéité entre tous les éléments. Bloc moteur souligné d’ailettes sur les carters, échappements relevés, réservoir en lame de rasoir et selle dans le prolongement, toutes les lignes, anguleuses, sont horizontales et donnent aux T 90/125 une grande dynamique.

Les Wolf et Flying Leopard apportaient un style vraiment nouveau. Ce modèle T90 Wolf de préproduction en 1969 possède un petit écran au-dessus du phare
Suzuki s’est-il inspiré du prototype MV de 67 pour faire ses 90 et 125 T de 1969 ? La ressemblance est impressionnante. Le MV se distingue par ses cylindres alu et son alimentation (à distributeur rotatif dit-on) dissimulée sous un gros bossage derrière les cylindres.
La plus belle version de la 125 Flying Léopard à échappements relevés : Une sobriété exemplaire. La machine est si fine que l’ensemble compteur-compte-tours paraît plus large que le réservoir.
En 1972 et 73, Suzuki n’importe plus en France que sa T 125 Flying Leopard à échappement bas, mais cela ne suffit pas à relancer ses ventes. (Les amateurs auront noté l’aile arrière de Facel Vega au fond à droite).

Can-Am 500 – 1976

Le groupe Bombardier, au départ « Autoneige limitée Bombardier » est né à Valcourt au Québec en 1942. Après avoir inventé et développé la motoneige moderne, le groupe rachète Rotax en 1969 et s’investit timidement dans la moto avec des modèles d’enduro sous sa marque Can-Am dans les années 70. La firme pense même sérieusement à venir chatouiller les Japonais et leurs motos routières en présentant en 1976 ce très beau prototype 500 cm3 bicylindre horizontal qui, personnellement, me fait toujours rêver. Les nouvelles réglementations anti-pollution mettront définitivement fin au projet et il faudra attendre quelques dizaines d’années avant de voir revenir Can-Am sur le bitume avec cette fois des trois-roues, mais, ça, c’est une autre histoire.

Beaucoup d'entre nous se souviennent de la Can-Am 500 de 1976, malheureusement , il n'en reste que cette photo.
Après les premiers du genre et la Moto-Bécanette, suivis par les twins à l'horizontale des années 50, Rumi en tête, voici le troisième et dernier chapitre de l'histoire des moteurs à deux cylindres parallèles et horizontaux. Dix ans après les succès des Rumi et Motobi, le Japon, l’Italie et même le Canada tentent, encore sans [...]

Twins à l’horizontale: Les années 50

Le bicylindre horizontal n’a pas fait recette avant-guerre. Après une timide apparition dans les années vingt, il a fallu attendre près de trente ans pour que cette disposition réapparaisse, et encore, essentiellement en deux temps. On s ‘arrête ici aux années 50. Suite dans un prochain numéro…

Texte, photos et archives François-Marie Dumas sauf mention contraire

Rumi

En 1949 Pietro Vassena, ingénieur aussi original que génial, signe un accord avec le comte Donnino Rumi qui possède une fonderie à Bergame pour étudier une moto légère. La toute première Rumi est présentée au salon de Milan de 1949 avec un bicylindre horizontal deux-temps doté d’une admission rotative au travers du vilebrequin et monté dans une partie cycle d’emprunt.

Pietro Vassena n’étant guère enclin à faire les concessions nécessaires dans un travail d’équipe, l’industrialisation du prototype est ensuite réalisée sans lui. La première Rumi commercialisée, qui apparaît au salon de Milan en 1950, a ainsi perdu son admission rotative et gagné une partie cycle maison plutôt réussie. Rumi décline ensuite ce moteur avec le succès que l’on sait dans de multiples versions en découvrant au passage la vraie vocation de cette disposition : le scooter,  avec son twin horizontal utilisé comme élément porteur et caché dans la poutre centrale. C’est en effet la seule façon d’avoir à la fois des masses bien réparties et centrées au milieu de la machine et un cadre, certes sans vrai plancher plat, mais quand même ouvert. Un scooter en quelque sorte. Rumi invente ainsi avec ses fameux Formicchino, les premiers vrais scooters sportifs. La marque à l’ancre n’oublie pas pour autant les motos avec ses versions GT, Sport et Gobetto sur lesquels je reviendrai d’ailleurs un jour. Rumi faillit même s’inscrire parmi les très rares constructeurs de bicylindre quatre temps horizontal en présentant un prototype de course à deux ACT entraînés par train d’engrenages en 1954, mais l’étude resta sans suite.

Le premier Rumi commercialisé en 1950 a trouvé sa partie cycle définitive. Le moteur est porteur est suspendu sous un double berceau avant interrompu.
Premier prototype du moteur Rumi à distributeur rotatif conçu par Pietro Vassena et monté dans une partie cycle de moto Amisa en 1949.
Magnifiquement sobre dans cette version de 1951, le Rumi Sport annonce alors 8,5 ch à 6 000 tr/min, 90 kg et 100 km/h. Le modèle évolue jusqu'en 1958, la selle suspendue associée à un tand-sad est vite remplacés par une selle biplace et, en 1956, un capotage de phare en fonderie d'aluminium remplace celui en tôle des premières versions (Photo Giorgio Sarti)
Le Rumi, c’est aussi ça ! version course en livrée jaune et blanc, le Gobetto SS52 de 1954.
Succès en course comme aux concours d’élégance pour le Rumi Formicchino (ici en 1955 dans sa version distribuée en Belgique sous label Saroléa Djinn)

Carniti

De son côté l’ingénieur Vassena continue dans la même voie. Financé par Carniti, un nouveau mécène, qui ne donnera finalement une suite commerciale à aucun de ses projets, il présente au salon de Milan de 1953, l’Automotoscooter, un étonnant (et sans doute le premier) trois cylindres horizontaux de 187 cm3 qui reprend les côtes du Rumi (42 x 45 mm) et utilise une transmission à variation continue avec deux arbres télescopiques entraînant la roue arrière flasquée via des galets caoutchouc !

Tricylindre cet Automotoscooter Carniti, n'a à dire vrai aucune raison de figurer dans cette liste, mais où le mettre alors ? Cette réalisation délirante de multicylindre horizontal est due à l’ingénieur Pietro Vassena qui conçut le moteur des Rumi. (Photo Giorgio Sarti)
La transmission s’effectue par deux arbres télescopiques…
qui transmettent le mouvement par friction sur la roue arrière flasquée. (Photos Giorgio Sarti)

Motobi

Bien que l’Italie soit traditionnellement portée sur les moteurs horizontaux et inspirée en particulier par les monocylindres quatre temps de Moto Guzzi, dont le premier modèle est commercialisé en 1921, on y compte apparemment que deux autres bicylindres parallèles à plat. Le plus connu apparaît en 1952 chez un autre chantre de l’horizontal, la firme Motobi fondée en 1950 par Giuseppe Benelli qui vient de quitter la marque familiale. C’est au départ une 200 cm3 qui inaugure la ligne ovoïde du moteur qui deviendra sa marque de fabrique. Le modèle vendu perd malheureusement (?) son très curieux dispositif d’alimentation des versions de préproduction où le volant moteur central percé de conduits radiaux fait office de distributeur rotatif pour les deux cylindres (Dispositif repris en 1967 sur l’Alpha 250 Century en Grande-Bretagne). La B200 devient 200 Spring Lasting en 1953 avec une boîte quatre vitesses puis 250 Spring Lasting Gran Sport ou Sport Speciale à deux carburateurs en 1955.

Le Motobi bicylindre Spring Lasting dans sa version de 1954 en 200 cm3. Devant une telle pureté des lignes, on se demande bien pourquoi il n'y eut pas plus de bicylindres horizontaux.
Cette 250 Motobi Spring Lasting de 1955 reste une des motos marquantes de son époque avec son moteur ovoïde suspendu sous un cadre poutre de section rectangulaire en tôle.

Aermacchi

Un autre twin deux-temps à plat est créé par Lino Tonti pour Aermacchi en 1954 . Comme il le fera en 1969 pour réaliser sa fameuse Linto 500, un horizontal twin quatre temps de compétition basée sur le monocylindre Aermacchi 250 Ala d’Oro, le célèbre ingénieur a ici accouplé deux moteurs du Cigno 125 cm3, le scooter à grandes roues avec lequel il a fait ses débuts chez la marque de Varèse en 1950. Seul le carter central change, les deux vilebrequins sont accouplés et les cylindres calés à 180°. Dérouté sans doute par son esthétique, les Italiens bouderont ce curieux hybride que l’usine de Varèse baptise pourtant moto de sport bien que son allure fasse plutôt penser à une sorte de scooter avec de larges pare-jambes en tube et tôle et un double berceau supérieur façon chaise longue de Charlotte Perriand auquel est suspendu le moteur, accolé à la roue arrière. Seule la présence du réservoir en goutte d’eau fait classer l’engin dans les motos plutôt que dans les scooters. Et vous ne savez pas le pire, ils ont dû mettre un tube soudé à l’intérieur de ce réservoir pour assurer la rigidité du cadre ! Cette identité androgyne n’est sans doute pas pour rien dans les très maigres ventes de cette Bicilindrica estimées à environ 140 exemplaires.

L'accouplement des deux Cigno d'Aermacchi n'a pas eu le résultat escompté et il ne se vendra à peine plus d’une centaine d'exemplaires de l'Aermacchi 250 Bicilindrica.
Moto androgyne, l'Aermacchi 250 Bicilindrica a une esthétique aussi curieuse que tourmentée. Les suspensions oscillantes avant et arrière reçoivent des amortisseurs oléopneumatiques.
Le bloc moteur est oscillant comme sur la grande majorité des scooters d’aujourd’hui et ce sont les tubes d’échappement que servent de bras oscillant. Une combinaison assez souvent tentée avec un fort taux d’échec dû à la corrosion des échappements.
Le moteur est réalisé à l’économie avec deux vilebrequins de Cigno accouplés.

Linto

Son créateur Lino Tonti semble pourtant si amoureux de sa création qu’il réalise pour son usage personnel, une version très spéciale à la carrosserie tourmentée dans le style des délirantes voitures américaines de l’époque qu’il baptise  “Marilina” en hommage à la célèbre actrice. Une seule petite photo aujourd’hui, mais n’ayez crainte, j’y reviendrai !

L’incroyable Linto Marilina un réhabillage et « tuning » complet de la Bicilindrida Aermacchi que Lino Tonti réalisa, dit-on, pour son voyage de noces dans les Carpates. (Photo Bruno des Gayets)

Bernardet

Pas la peine de se moquer du peu de ventes de la Bicilindrica Aermacchi, en France, notre constructeur national Bernardet battra ce record avec ses Guépar bicylindres. Initialement baptisé Jaguar, ce qui ne plût pas du tout à la marque automobile éponyme, ce scooter élégant, mais sans grande originalité, sera lancé sous le nom de Guépar sans D, au salon de Paris 1955 en 125 monocylindre et, surtout, avec un nouveau bloc bicylindre horizontal en 125 et 200 cm3. Alors que le Guépar monocylindre annonce 5 ch, les bicylindres qui ne pèsent que 78 kg revendiquent respectivement 6,2 ch à 6000 tr/min et 87 km/h pour le 125 et 10 ch à 6 000 tr/min et 100 km/h pour le 200. Leurs cylindres sont chromés dur et les Gépar sont disponibles avec une boîte manuelle à trois rapports ou la fameuse Servomatic qui passe pour l’occasion de deux à quatre vitesses. Pas de levier d’embrayage, ni de commande tournante des vitesses au guidon, une simple pédale au pied donne le choix entre trois positions, couple ville, point mort, couple route. Le système Servomatic comprend un double embrayage automatique centrifuge qui assure le démarrage et le passage automatique du rapport 1 au rapport 2 sur les couples ville et route. La partie cycle est tout à fait moderne avec cadre composé d’un simple gros tube et une coque acier participant à la rigidité. Le bloc moteur-transmission est oscillant comme sur nos scooters modernes avec un monobras arrière faisant office de carter étanche pour la chaîne duplex de transmission secondaire.

D’une ligne heureusement plus légère que les séries précédentes les Guépar promettent l’élégance des Vespa, la vivacité des Rumi et l’équilibre des Lambretta. Bien qu’offerts à des prix tout à fait concurrentiels, ils arrivent, hélas, trop tard sur un marché dominé par les Italiens fabriqués en France et la firme Bernardet-Le Poulain en grandes difficultés financières finira par déposer son bilan en 1959.

La publicité prévue au départ sous l’appellation Jaguar
Séance de photo publicitaire pour le Guépar, mais cette vue avec la passagère en amazone ne sera pas retenue. La béquille n’est même pas relevée et on voit dans le fond un appareil photo sur trépied !
L'élégance d'un Vespa, l'équilibre d'un Lambretta et un moteur digne des Rumi… le rêve de Bernardet était trop beau .
Le Guépar fait partie d’un échantillonnage très complet des scooters français exposé au musée de l’auto, de la moto et du vélo à Châtellerault.

Febo

Il n’y a apparemment pas d’autre cas de bicylindre deux temps horizontaux ayant connu une réussite commerciale dans le monde de la moto, mais quelques exemples aussi éphémères qu’originaux. La palme revient au scooter espagnol Febo en 1951.

Le moteur bicylindre deux-temps est alimenté par un unique carburateur Dell’Orto. Les bielles sur aiguilles sont montées en porte-à-faux (comme sur la Scott) et deux roulements encadrent le volant moteur central. Ce volant fait également office de ventilateur et aspirant l’air sur un cylindre pour le souffler sur l’autre ! Sans commentaires.

On est bien parti côté originalité et ça continue avec la transmission. Pignons hélicoïdaux pour la transmission primaire comme pour la boîte à quatre rapports toujours en prise sélection par billes et changement de rapport au guidon couplé avec l’embrayage multidisque en bain d’huile. Cerise sur le gâteau, la transmission secondaire se compose de trois courroies trapézoïdales placées côte à côte dans un carter en alliage léger qui fait également office de bras oscillant.

La partie cycle n’est pas en reste avec un cadre monocoque en tôle emboutie reposant sur un double berceau ouvert en longerons de tôle ajourés. La suspension avant est télescopique avec ses deux tubes du côté droit de la roue montée en porte-à-faux. Un bras contient le ressort, l’autre l’hydraulique. À l’arrière, également monobras et monoamortisseur, c’est tout le bloc moteur–transmission qui est articulé comme sur tous nos scooters modernes. Et ce n’est pas tout… l’avant forme coffre comme le fera plus tard Peugeot avec ses S55-57, mais il est ici assez large pour contenir une roue de secours de 4,00 x 8 ” posée à plat. L’arrière de cette carrosserie d’un concept très automobile offre lui aussi un grand coffre tandis que le siège du pilote se soulève pour déplier un siège passager. Les roues en alliage sont à jantes démontables.  Comme on peut s’en douter, la production du Febo restera ultra confidentielle. Si sophistiqué qu’il soit, le bicylindre parallèle et à plat n’a décidément pas l’heur de plaire. À la fin des années cinquante seul les Rumi et, dans une moindre mesure, les Motobi Spring Lasting ont eu un succès commercial.

Véritable petite voiture sur deux roues le Febo 125cumule les originalités, mais sa production est restée ultra confidentielle. En reste-t-il seulement un dans un des si riches musées espagnols ? Si, oui, écrivez-moi vite et je m’y précipite une fois déconfiné.
Les scooters Febo existent toujours nous prouve une rapide recherche sur internet et en voici la preuve, nettement moins sophistiquée que le glorieux ancêtre qui n’a sans doute aucun rapport de parenté.

… à suivre.

Le bicylindre horizontal n'a pas fait recette avant-guerre. Après une timide apparition dans les années vingt, il a fallu attendre près de trente ans pour que cette disposition réapparaisse, et encore, essentiellement en deux temps. On s ‘arrête ici aux années 50. Suite dans un prochain numéro… Texte, photos et archives François-Marie Dumas sauf mention contraire Rumi [...]

Moto-Bécanette Spada, le premier bicylindre horizontal deux temps

Twins : Faut-il en faire un plat ?

Les bicylindres parallèles et horizontaux sont presque une exception dans l’histoire. Pourquoi ? … c’est ce dont il est question ici en commençant par les deux premiers du genre la Hildebrand & Wolmuller en 1894 et la Moto-Bécanette Spada en 1922, véritable ancêtre des fameux Rumi des années 50..

L’invention du bicylindre parallèle horizontal remonte à 1894 avec la Hildebrand et Wolfmüller allemande, l’une des premières motos construites en série de 1894 à 1897, et la Kane-Pennington américaine (ci-contre) qui resta à l’état de prototype. C’est sans doute l’équilibre précaire du modèle monoplace réalisé qui poussa le constructeur à projeter cette version triplace pour rajouter ainsi un peu de poids sur l’avant.

 

Hildebrand & Wolfmüller, les inventeurs de la moto éponyme affirment en avoir construit quelques centaines d’unités. Le coureur cycliste écossais H.O. Duncan et l’industriel français Louis Superbie qui ont acheté la licence pour la France diront, en 1897, en avoir construit plus de 50 exemplaires siglés “Duncan & Superbie”. En fait il s’avère que c’est l’usine qui en produisit une cinquantaine et aucune ne fut faite en France.

Une précision pour commencer cette revue des bicylindres parallèles à cylindres horizontaux, on ne parle ici, que des motos et scooters de série et pas des machines de compétition. En quatre-temps l’histoire est vite réglée si on fait abstraction des motos de course, 500 Linto, 500 Ultima et autres phénomènes du genre.

Ironie de l’histoire, deux des tout premiers pionniers de la moto sont des bicylindres parallèles et horizontaux. La Hildebrand & Wolfmüller de 1894 qui s’annonce également comme l’une des premières motos produites en série et la Kane-Pennington de la même année (ou de la suivante selon les sources) qui, bien que restée à l’état de prototype, doit être considérée comme la première moto américaine. Les deux ancêtres sont toutefois un peu hors concours dans notre étude du jour. Si leurs cylindres sont en effet bien horizontaux et parallèles, au milieu du cadre pour l’Allemande et, en porte à faux derrière la roue arrière pour l’Américaine, leurs bielles s’articulent directement sur un maneton fixé sur la roue arrière qui fait office de vilebrequin !

Sauf erreur de ma part, il faut ensuite attendre 106 ans pour voir apparaître un autre “horizontal parallel twin” ! Il s’agit du 500 cm3 T-Max Yamaha présenté en 2000 et dont je ne parlerai pas non plus ici, bien qu’il me soit fort cher, mais il n’est pas encore “collector”. Soulignons quand même l’exception d’une nouvelle disposition moteur plus d’un siècle après les débuts de la moto… Pourquoi donc une telle désaffection des constructeurs ? Les quelques ingénieurs interrogés sur cette absence citent essentiellement la longueur d’un tel moteur alors que leur but est de limiter l’empattement au maximum tout en augmentant (sur les motos modernes) la longueur du bras oscillant. Seul l’encombrement réduit en hauteur a finalement décidé Yamaha, en 2000, puis Honda et Suzuki l’année suivante, à choisir cette disposition pour leurs gros scooters et d’autres suiveurs sont annoncés. Cette longue absence en bicylindre reste néanmoins pour moi une énigme surtout quand on considère les succès d’un grand nombre de monocylindres horizontaux !

Étonnante différence d’échelle entre ce Rumi 125 Formicchino de 1954 le scooter vedette des années 50 et le plus célèbre des bicylindres horizontaux deux temps, et le Yamaha 500 T-Max sorti en 2000, premier twin horizontal quatre temps de série depuis la Hildebrand & Wolmuller !

Spada, Moto-Bécanette 150 cm3 1922 : La première !

Aussi sophistiquée que le moteur, la partie cycle est un véritable treillis tubulaire qui devait être relativement rigide pour un cadre ouvert.

L’histoire des quatre-temps étant réglée passons aux deux-temps et, sans chercher l’exhaustivité absolue, la liste est quand même bien réduite. Tout commence, semble-t-il, en France avec l’étonnante le Moto-Bécanette de 1922 due à la mystérieuse marque Spada de 1922 exposée au musée Baster à Riom.

Il faudra ensuite attendre les années cinquante et les Rumi pour voir réapparaître cette disposition moteur. Comme c’est souvent le cas pour les nouveaux concepts celui de la Moto-Bécanette vient d’une firme jusqu’alors sans aucune expérience motocycliste. Ce fabuleux précurseur du Rumi a en effet été créé en France à Troyes en 1921 par Louis Lœw et Roger Paupe, nous apprend une étude réalisée en 2001 par le Motocyclettiste. La distribution était assurée par H & R Clergé (les frères Eichel) qui, dans la même ville de Troyes, ont créé la marque Prester en 1926. La Moto-Bécanette Spada, “la plus gracieuse du monde” affirme son catalogue de 1922, arrive malheureusement avec un petit temps de retard sur la grande vogue des scooters-patinettes qui s’essouffle déjà en ce début des années vingt. Contrairement au très populaire Vélauto de Monet Goyon, de dessin similaire, sa distribution restera confidentielle.  Dommage, car le moteur siglé Lœw de ce bel ancêtre du scooter est résolument moderne et aurait mérité une plus belle carrière. Les cylindres chemisés sont en aluminium tout comme les pistons. De côtes super carrées (44 x 49 mm), ce 150 cm3, alimenté par un unique carburateur, annonce fièrement être utilisable de 300 à 4 500 tr/min, un bien beau régime en son temps, avec une vitesse maxi dépassant les 70 km/h ! On peut même supposer que la Moto-Bécanette atteignait cette allure sans trop se tortiller, car ses constructeurs se sont tout autant décarcassés pour la partie cycle que pour le moteur. Ce treillis tubulaire semble particulièrement rigide pour un cadre ouvert avec un triple berceau sur l’avant, deux tubes dédoublés et entretoisés sous la plate forme centrale et une robuste triangulation sur la partie arrière. La Spada était livrée soit en fourche rigide, soit avec la belle parallélogramme à ressort horizontal travaillant en extension qui apparaît sur l’exemplaire du musée Baster à Riom. Conception moderne, encore avec la transmission par chaîne alors que les courroies restent monnaie courante en ce début des années vingt. Embrayage et boîte de vitesses sont en option (+ 300 F) et le démarrage s’effectue à la poussette, aidé si besoin par un décompresseur sur les deux cylindres. Quant aux freins, hmm, mieux vaut ne pas trop y compter : de simples patins type vélo à l’avant (non montés ici) et un autre patin s’appuyant sur le volant d’inertie extérieur du moteur !

Manque de moyens, des constructeurs troyens qui ne font pratiquement pas de publicité, ennuis techniques, problèmes de production… on ne le saura sans doute jamais, mais la diffusion de cette superbe Moto-Bécanette reste ultraconfidentielle alors qu’elle ne vaut pourtant que 2000 F (sans les options) soit les deux tiers du prix de son beaucoup plus frustre rival, Le Vélauto 270 cm3de Monet Goyon proposé cette même année 1922 à 3 000 F.

Pas d’embrayage ni de boîte de vitesses, le démarrage s’effectue à la poussette, un prospectus promet toutefois ces deux perfectionnements en option pour 300 F, mais on n’en connaît aucune image.

Notez le frein à patin sur l’arrière du volant  et la commande du décompresseur sur la culasse démontable.

Un petit robinet permet d’envoyer une giclée d’essence en direct dans les cylindres et sert à dégommer le moteur avant le démarrage. Précaution bien utile dans ces années où le mélange est à 15 % !

La fourche à parallélogramme proposée en option fait travailler en extension un ressort horizontal. La Moto-Bécanette du musée Baster porte le n° 119 ce qui signifie, sans doute, qu’il y en a eu au moins 19 produites. 

1895 – 2000 : 105 ans de twins horizontaux

Sur l’Hildebrand & Wolmüller, les deux bielles sont directement fixées sur la roue arrière qui sert de vilebrequin. Deux lanières en caoutchouc aident au rappel des pistons en position haute ! Étonnamment c’est dans une publication de l’époque au Japon qu’on trouve toute une série de photos du bicylindre de l’Hildebrand & Wolfmuller démonté.

 

Le Rumi fut imaginé par l’ingénieur Pietro Vassena en 1949 et ses premières versions furent des motos en 1950. La photo est une 125 Sport de 1951, la même année apparaît le scooter Scoiatolo  à grandes roues de 14 pouces et le célèbre Formicchino ne naît qu’en 1954.

Le Yamaha 500 T Max naît en 2000 d’une requête du Product Planning de Yamaha Motor Europe dont j’eus l’honneur de faire partie. Son moteur quatre temps à simple ACT a la particularité de posséder un troisième piston qui équilibre les vibrations inhérentes à un bicylindre calé à 360°.

Twins : Faut-il en faire un plat ? Les bicylindres parallèles et horizontaux sont presque une exception dans l'histoire. Pourquoi ? … c'est ce dont il est question ici en commençant par les deux premiers du genre la Hildebrand & Wolmuller en 1894 et la Moto-Bécanette Spada en 1922, véritable ancêtre des fameux Rumi des années 50.. L'invention [...]