Non, le scooter n'a pas été inventé par Vespa au sortir de la Seconde Guerre mondiale ni par les nombreux fabricants de patinettes à moteur au début des années 20. Georges Gauthier, le créateur de l'Auto-Fauteuil à Blois en 1902, figure en bonne place pour en revendiquer la paternité. L'Auto-Fauteuil est pourtant présenté avec un cadre fermé et une roue avant plus petite que l'arrière dans les magazines à la fin de 1902, sans qu'on sache s'il s'agit d'un prototype ou s'il a été produit sous cette forme, mais le cadre ouvert est apparu avant 1905. 

Pour cette deuxième version, aucun doute, nous sommes bien en présence d'un scooter, et de surcroît particulièrement étudié : petites roues, cadre ouvert et moteur placé sous la selle, il n'y manque qu'un tablier avant pour que l'Auto-Fauteuil réponde vraiment à tous les critères. Les pneus de confortable section, mais de faible diamètre, ainsi qu'un empattement long ont permis de reporter la mécanique sous le siège. Il s'agira successivement de monocylindres quatre temps De Dion Bouton à soupapes d'admission automatique, puis de moteur maison à soupapes latérales. La cylindrée initiale de 260 cm3 sera augmentée jusqu'à 545 cm3. Le refroidissement à air laisse place en 1906 à un refroidissement liquide par Thermosiphon, avec deux radiateurs latéraux, derrière le siège. Le démarrage s'effectue par manivelle et on trouve un système épicycloïdal offrant deux rapports à partir de 1905, un embrayage à cône et une transmission par chaîne. Le cadre semi-ouvert en tubes est équipé d'une fourche élastique en option pour 25 F en 1905. Deux oeillets sur la colonne de direction permettent même de transformer l'engin en Tricar, formule autorisant de transporter un passager au début du XXe siècle avant l'invention du side-car. Autre innovation a priori jamais vue avant, une béquille centrale, ici articulée sur le carter moteur. Quant à la commande de gaz, elle fait appel à une poignée tournante, quand la concurrence utilise des manettes. Le pilote dispose de vastes plates-formes repose-pied, qui, à partir de 1905, font office de chaufferettes grâce à l'échappement passant en dessous. La carrosserie fait une timide apparition, car le moteur peut être entouré d'une Moleskine. 

D'après la publicité, il est destiné ''tout spécialement à certaines classes désirant conserver une dignité de tenue en rapport avec leur situation''. Ou encore ''L'Auto-Fauteuil n'a aucun rapport avec la motocyclette'', ''c'est une voiture à deux roues spéciale''. C'est son prix qui limite sa diffusion. En 1914, les deux versions à moteur latéral de 390 et 427 cm3 avec boîte à 2 vitesses et embrayage sont affichées à 2 100 F et 2 400 F alors que la Peugeot 500 cm3 monocylindre ne coûte que 1 050 F avec une transmission directe ou 1 400 F avec une boîte 3 vitesses dans le moyeu arrière. L'Auto-Fauteuil est construit jusqu'en 1922. Son concurrent au titre de premier scooter vient du Danemark avec le Elleham présenté en avril 1904 avec un moteur Peugeot et produit de 1905 à 1911 avec une motorisation maison. Il a pour lui un plancher plat, mais de grandes roues de 20''. Il est de plus beaucoup plus rustique, se rapprochant en cela des patinettes à moteur des années 20.