Dans sa conception habituelle, une moto se compose d'un cadre rigide qui supporte des suspensions avant et arrière. Quelques rarissimes constructeurs ont tenté d'intégrer la suspension au cadre lui-même ce fut par exemple le cas, en France d'une Imperia dont le simple berceau avant était télescopique, tandis qu'en Grande-Bretagne à Chester à partir de 1907 et jusqu'au milieu des années 20, Charles Edmund Holloway, architecte de formation, finit par réaliser son rêve étonnant avec des motos dont la suspension est "dans le cadre" alors que la roue arrière est fixe. Un cadre hors normes, où réservoir et selle sont fixés sur une poutre horizontale articulée dans une chappe sur la colonne de direction.

Tel est le slogan des motos de Charles Edmund Holloway, Ce cadre qui élimine secousses et cahots avait de quoi séduire car, à l'époque, la plupart des motocyclettes se contentaient d'une partie-cycle rigide qui, malgré les efforts de la selle, transmettait fidèlement les irrégularités de la route au postérieur du pilote. Les "spring frame” à bras oscillant comme sur l'Indian Powerplus, l'ABC ou la Janoir étaient l'exception. Quant aux rares suspensions arrière adaptables comme la cantilever Bentley & Draper, on leur reprochait un comportement routier peu rigoureux.

La suspension Edmund intrigue : la roue arrière est fixe par rapport au cadre ! La poutre horizontale articulée à la colonne de direction et supportant réservoir et selle s'appuie sur un élément télescopique qui va de la selle aux repose-pieds. Poutre, selle, réservoir et repose-pieds sont ainsi indissociables, et oscillent ensemble. Leur mouvement est contrôlé par deux ressorts à lames quart-elliptiques assujettis à la poutre, au niveau de la selle. Chaque ressort prend appui à l'autre extrémité sur un tube enfilé sur une tige fixée au cadre au niveau de l'axe de roue, ce qui assure le guidage latéral. Le ressort hélicoïdal qui coiffe le bout du tube coulissant absorbe les chocs de faible amplitude. Pour corriger la tension des ressorts à lames en fonction du poids du pilote, il est possible d'agir sur l'écrou moleté qui modifie la hauteur du tube par rapport à la tige.

La qualité et la finition évoquent Sunbeam qui est la référence : harmonieux mariage du nickelage de qualité avec une peinture au noir profond rehaussée d'or. La fourche à parallélogramme Brampton « Biflex » allie mouvement vertical - deux ressorts côte à côte travaillant à la traction - et mouvement pendulaire contrôlé par deux groupes de deux ressorts antagonistes horizontaux qui assurent une sorte d'amortissement. Trente ans plus tard, les suspensions Grégoire des Monet Goyon s'appuieront sur ce principe. Minuscule frein avant à tambour. Frein arrière sur poulie jante commandé au pied droit par un câble Bowden : l'articulation du patin fait que son engagement produit une autoassistance renforçant le freinage. Comme le réservoir est mobile, essence et huile arrivent par des flexibles "de qualité aviation", précise le constructeur. Cette conception peu banale promet au pilote peu habitué à l'Edmund une curieuse sensation lorsqu'on monte sur la moto : le repose-pied s'enfonce, ainsi que la selle ! Et en roulant, les genoux ne travaillent pas puisque la distance selle/pose-pieds est fixe ! Sur l'Edmund, le point de pivotement de la suspension se situe à la colonne de direction et donc, in fine à l'axe de roue avant. Ce qui, en plus du confort, améliore la tenue de route. En effet, pilote, selle, repose-pieds et réservoir, solidaires de la poutre oscillante, sont donc des masses suspendues. Ils seraient des masses non suspendues dans le cas d'un cadre rigide classique. C'est un avantage déterminant car la diminution des masses non suspendue conditionne le contact pneus/route. Cette belle théorie ne suffit pas à faire de l'Edmund une sportive puisque les archives ne mentionnent que quelques courses sans résultat à Brooklands et son seul résultat au TT est une 8e place en 250 en 1922, mais Edmund abandonne la même année en 350 et en 250 et 350 cm3 au TT de 1923. 

Le moteur est le renommé 350 cm3 Blackburne à soupapes latérales, cylindre borgne et volant extérieur de grand diamètre. Magnéto à avance manuelle EIC, pour English Ignition Company fondée au début de la guerre de 14 pour pallier la carence en magnétos allemandes Bosch pour moteurs d'aviation. Carburateur Amac, de Birmingham. Lubrification à huile perdue par seringue Best & Lloyd à ressort, goutte à goutte réglable. La boîte Burman à trois vitesses, suspendue, est entraînée par chaîne primaire et embrayage à l'air. Transmission secondaire par courroie trapézoïdale.