Gnome & Rhône
350 cm3 WM - 1946
L'utopie
Nationalisé en 1945, Gnome & Rhône devient Snecma et, bien que sa première priorité soit les moteurs d'avions, il poursuit la production de motos. Le 100 R1 né en 1941 se transforme en 125 R2 au salon 1946 où une autre grosse surprise attend les visiteurs : une bien curieuse 350 cm3 deux temps à deux doubles pistons disposés en carré. La première grosse nouveauté de l'après-guerre, que Gaston Durand, responsable technique moto, annonce bientôt en production et dans les grandes compétitions internationales !
Un bloc moteur aussi large que long !
D'une apparence pour le moins déroutante, le bloc-moteur très compact de la WM est aussi large que long avec deux bloc cylindres ovoïdes largement espacés, inclinés sur l'avant et alimentés par un carburateur central. Gaston Durand et le prince russe Igor Troubetskoy (qui signe les brevets et courra plus tard sur Simca-Gordini en 1947 puis sur Ferrari) les concepteurs sont partis d'une feuille blanche vers juin 1944 pour réaliser un moteur censé offrir le meilleur rapport coût de production / puissance à l'aide d'un nombre de pièces réduit cumulant les fonctions. Igor Troubestkoy, dont le père était ingénieur chez DKW, était sans doute fortement influencé par Marcel Violet, grand spécialiste du deux temps et auteur de quelques réalisations exotiques dont la Sévitame, qui était alors, et brièvement, directeur de Gome et Rhône. Le duo franco-russe remporte son pari en réalisant un quatre cylindres ne comportant que deux arbres et deux paires de roulements pour le moteur ET la boîte de vitesse ! L'astuce : un vilebrequin servant d'arbre primaire pour la boite de vitesse dont chaque extrémité supporte un embiellage en porte-à-faux (calés à 180°) avec deux bielles montées sur aiguilles sur le même maneton. Chacun des deux blocs ailettés contient donc deux cylindres avec une chambre de combustion commune suivant le principe du balayage équicourant. La partie centrale du vilebrequin est donc un arbre cannelé engrenant sur des pignons réciproques montés fous sur l'arbre secondaire creux. Une tige crantée coulisse à l'intérieur de l'arbre secondaire et pousse des tétons qui verrouillent le rapport choisi. Les deux ingénieurs conçoivent même un système électromagnétique pour passer les rapports (sans débrayer, en plus) et une commande par poignée tournante. Un gros volant magnétique entrainé par engrenages derrière les deux arbres moteur alimente le tout. Ils prévoient aussi une transmission par arbre, mais ces belles idées sont vite oubliées. La 350 WM du salon 1946 est revenue à un classique sélecteur au pied et une transmission par chaîne avec toutefois un superbe et onéreux carter étanche en aluminium poli.
Retour à l'école pour en finir
Les études continuent et un nouveau brevet de fin 1948 prévoit un piston de plus grand diamètre à l'admission (avec un rapport de 1,66) monté sur une bielle secondaire articulée sur la bielle maitresse. Interviewé peu de temps avant sa mort en 2008, le prince Igor avouait même avoir envisagé un compresseur à lobes monté au-dessus de la boîte. En bref, la WM promet une grande réduction du nombre de pièces, une spectaculaire simplification et un coût de production réduit, mais la réalité est tout autre. Comme d'usage lors du défrichage de nouvelles techniques, les études et essais sont longs et fort couteux (plus de 17 millions de francs). Ils sont aussi tout à fait désastreux. Les embiellages en porte-à-faux ne tiennent pas le choc, tout comme le cadre, pourtant classique. Gnome & Rhône fera porter le chapeau à Gaston Durand qui, licencié en 1950 pour avoir dépensé inconsidérément les sous des contribuables sera engagé par Ydral. La 350 WM finira sa carrière à l'école de mécanique du Garac à Argenteuil
sans doute pour montrer aux élèves ce qu'il ne faut pas faire. En septembre 1949, l'exploitation des motos Gnome et Rhône passe dans les usines Voisin et la nouvelle direction charge Giuseppe Remondini de concevoir un nouveau projet beaucoup plus réaliste, la 500 Super Star, qui n'aura, malheureusement pas non plus de suites commerciales.
Moteur 2 temps à 2 doubles pistons et refroidissement par air - 344 cm3 (42 x 62 mm) - 17 ch à 6 000 tr/min - Carburateur Zénith - Allumage par volant magnétique - Lubrification par mélange - Boite 3 vitesses - Embrayage multidisque en bain d'huile - Transmission finale par chaine sous carter - Cadre double berceau tubulaire - Suspension avant télescopique - Pas de suspension arrière - Freins avant et arrière à tambour - Roues de 19" - 125 km/h
L'improbable Gnome & Rhône-Snecma 350 WM restera l'un des plus beaux délires technologiques de l'après-guerre. Reportez-vous au Blog pour en savoir plus et en avoir plus d'images.