Ah, qu'il était beau le temps où les polices et autres administrations bénéficiaient de carrosseries spéciales. Mais il fallait aller en Tchéquie entre 1962 et 1967 pour admirer ces belles Jawa 354.04 puis 06 baptisée "Nanuk", autrement dit "coupe glacée" et mieux valait avoir un correspondant, car les visas pour la république communiste d'alors étaient comptés et de toute façon, il était interdit de photographier la police.

Conçue sur la base de la Jawa type 354 née en 1953, ces versions improbables  du bicylindre 350 cm3, baptisées 354.04 puis 06, étaient destinées aux unités d’escorte, comme à la police routière ordinaire. Elles s'habillaient du même carénage intégral dit carénage poubelle qui faisait fureur sur les motos de compétition de la fin des années 1950. Enfin, presque du même, car ceux réalisés pour la course étaient en fine tôle d'alluminium martelée tandis que celui-ci était en résine et polyester, fait main et certainement beaucoup plus lourd d'autant plus qu'on ne connaissait pas encore les technologies de carénages fins fabriqués sous pression. Le phare clignotant avec un cache bleu, dans la partie inférieure provenait du cyclomoteur Stadion S22.

La 350 Jawa n'étant déjà pas un foudre de guerre, sa puissance fut portée de 16,3 à 18 ch pour cette mouture en uniforme, ce qui lui permettait de friser les 130 km/h. C'était à l’époque, bien suffisant pour rattraper les Skoda, Praga, Aero ou Tatra circulant alors sur les routes de Tchécoslovaquie.

La protection générale du pilote était assurée par le carénage intégral ce dernier était pourvu d'une large ouverture sur l'avant pour le refroidissement du frein et du moteur.  La moto recevait les  deux élégants coffres arrière au catalogue des options chez Jawa, celui de droite étant réservé à un émetteur-récepteur radio et la batterie.

Les tests, auxquels participèrent de célèbres pilotes comme Frantisek Stastny et Gustav Havel, ne furent pas totalement satisfaisants : le moteur manquait mise au point et le carénage trop artisanal, s'il assurait une grande protection, s'avérait  extrêmement sensible au vent latéral. La moto fut néanmoins mise en production en série et une petite dizaine d'exemplaires furent affectés aux missions d'escorte, accompagnant par exemple, lors de leurs visites à Prague, Valentina Terechkova, première femme dans l’espace, et Nikita Khrouchtchev en 1964 qui fut, dit-on, incommodé par l'odeur des échappements. Peu de temps après les escortes se firent donc avec des BMW, mais Les Jawa 354-04 et 06 restèrent en service jusque dans les années 1970 dans différents corps d'administration.