Bradshaw et les bouilleurs d’huile: La course

Il était évident qu’un moteur aussi bien né en 1923 n’allait pas tarder à développer des évolutions plus musclées. C’est Bradshaw lui-même qui s’y colle avec une version course qui fait ses débuts au TT 1924, on verra ensuite des moutures sous-alésées en 250 cm3 dont une version à compresseur développées en France par DFR, et une étonnante Toreador britannique à double ACT entraînés par chaîne en 1925.

Les moteurs Bradshaw (comme les Henderson) sont importés en France par F. Harding que l’on voit ici au guidon d’une 350 Harding-Bradshaw au Grand Prix de France à Montargis en 1923.
2- Au Junior TT de 1923 les Matador-Bradshaw remportent les 4e et 12e places mais cette DOT-Bradshaw pilotée par Dickenson, moins chanceuse, abandonne au cinquième tour.(Kreig collection)
Kenelm Barlett et sa Matador-Bradshaw sont ici au GP de l’UMF à Tours le 24 juin 1923, mais c’est la semaine précédente, au GP de Marseille le 17 juin 1923, qu’il s’illustra en remportant la course sur une Bradshaw officielle (Photos musée Hockenheim et BNF Gallica)
Pas de chance pour Hickman sur OK Bradshaw en 1924 qui a un accident au Junior TT de 1924 où il inaugure le nouveau moteur course à grosse culasse, tiges de culbuteurs croisées et réservoir d’huile sous le moteur avec bulbe ailetté sur l’avant. Notez en passant la curieuse commande de frein arrière inversée et à droite. (Kreig collection)

 

Une version course dès 1924 

La version course, tout d’abord produite par l’usine de James Walmsley dès le TT 1924 puis reprise en 1925 par W. H. Dorman, est modifiée sous de nombreux points, soupapes de 38 mm, taux de compression plus élevé (de 5,8 à 6,5 à 1), piston aluminium en dôme qui ne pèse que 202 grammes, roulement à double rangée de billes pour le vilebrequin qui est renforcé, etc. Le changement le plus visible est sa grande culasse largement ailettée. Elle a des conduits redessinés et de plus grosses soupapes avec de double ressorts de rappels fixés sur le volumineux support des culbuteurs et les tiges de culbuteurs sont en V.

Ces moteurs ont désormais un gros réservoir d’huile en semelle sous le carter inférieur qui déborde devant et derrière le moteur et comporte des ailettes sur la partie avant. Ces moteurs étaient livrés, après test au banc, avec une puissance garantie relevée d’environ 14 chevaux à 5000 tr/min voire 17 chevaux sur les trois OK à moteur Bradshaw engagées au TT de 1926.

"14,3 chevaux à 5000 tr/min" promet l'étiquette jointe dans la caisse du moteur compétition neuf en photo ci-dessous.
Ces rares vues côte à côte d'un moteur Walmsley de 1923-24 et d'une version course réalisée par Dorman en 1925, montre bien les différences de taille des culasses et des carters d'huile inférieurs.
La micro-marque genevoise Paul Speidel n'a peut-être construit que cet unique exemplaire (neuf et non restauré !) à moteur Bradshaw type course de 1925.
Conservée dans un sublime état d'origine, cette Calthorpe 350 compétition de 1925 à moteur signé Dorman a toujours les plombs de contrôle des courses auxquelles elle a participé !

DFR-Bradshaw en 250 cm3 et à compresseur

Une version 250 cm3, obtenue par réduction de l’alésage, est développée par l’usine de W. H. Dorman à Stafford en 1924. C’est vraisemblablement sur cette base “downsized” que le pilote-constructeur Pierre de Font-Réaulx construit la 250 DFR-Bradshaw avec laquelle il finit 2e au Grand Prix de l’UMF à Montlhéry le 18 juillet derrière la Terrot de Jules Rolland et devant la New Imperial de Syd Crabtree et une autre Bradshaw 250 pilotée par Harding. Une belle prestation, où il a couvert les 24 tours du circuit de 12,5 km à 81,66 km/h de moyenne. Pour cette première course en juillet “Pierre” utilisait une 250 à alimentation classique, mais pour le Grand Prix de France organisé par le MCF le 4 octobre 1925, première épreuve sur le nouveau circuit de Montlhéry, Pierre de Font-Réaulx prépara une 250 DFR-Bradshaw très spéciale, présentée par Moto Revue dans son numéro 182 du 15 octobre, avec une suralimentation par un compresseur à palette Cozette n°3 entraîné par chaîne et lubrifié par un réservoir d’huile additionnel fixé sur le tube supérieur du cadre. (L’usage du compresseur est alors autorisé). C’est un succès, car Pierre termine une nouvelle fois deuxième, derrière Jock Porter sur New Gerrard-Blackburne et devant la Terrot de Rolland.

Pierre de Font-Réaulx sur la 250 DFR-Bradshaw à alimentation classique au GP de l'UMF à Montlhéry le 18 juillet 1925.
Cette très curieuse DFR à moteur Bradshaw "downsized" à 250 cm3, mais alimenté par un compresseur à palette Cozette, finit 2e aux mains de son pilote-constructeur Pierre de Font-Réaulx au Grand Prix de France organisé par le MCF à Montlhéry le 4 octobre 1925. (Photo SP/BS)
L'autre face de la DFR-Bradshaw 250 à compresseur telle que publiée par Moto Revue dans son numéro 182 du 15 octobre 1925.
La couverture de Moto Revue fête en 1925 les victoires au Bol d’Or des DFR 175 deux temps et 350 Bradshaw (seule toutefois à finir dans sa catégorie et donc 1ere, mais en ayant parcouru 70 km de moins que le vainqueur en 250 !). C’est la seconde apparition du moteur Bradshaw au Bol d’Or, car, en 1923, Raoul de Rovin remportait la catégorie side-car 350 sur une Rovin-Bradshaw.

Toreador : une 350 à double arbre à cames en tête 1925

Bert Houlding a eu de beaux succès avec sa marque Matador en particulier en side-car. Les Matador remportent le GP de Marseille avec Kenelm Benett le 17 juin 1923 et finissent 4eet 12esur les 72 engagés au junior TT de 1923.

Fâché avec ses associés Bert Houlding quitte Matador, mais reste hispanisant en créant la Toreador engineering company, toujours dans la même ville de Preston, en 1924. L’année suivante, Il y développe avec l’ingénieur G.H. Jones (plus tard célèbre chez OK Supreme) un 350 Bradshaw bien spécial avec un double ACT entraîné par chaîne, prévu pour la course et qui n’aura qu’une très très brève carrière . La base moteur reste la même, mais le carter contenant l‘entraînement de l’arbre à cames et la pignonnerie entraînant à demi vitesse la magnéto et la pompe à huile est remplacé par un énorme carter ,en forme de deux cœur superposés, boulonné sur le carter moteur et contenant sa propre réserve d’huile.

Dans le coeur du bas, un engrenage sur la sortie de vilebrequin entraîne le pignon d’une chaîne qui relie un pignon identique sur la pompe à huile excentrique et la magnéto et un pignon intermédiaire. Ce dernier, qui tourne sur roulement à fouble rangée de billes, est dédoublé et monté sur excentrique pour les réglages. Il entraîne à son tour le cœur du haut avec les deux arbres à cames en tête sur roulements. De courts poussoirs sur les cames actionnent des culbuteurs également sur roulements et les soupapes, rappelées par triples ressorts, dans une volumineuse culasse hémisphérique. Le bas moteur avec son extension autour du cylindre reste identique au 350 standard.

Les journaux du moment se moquent de cette confiance absolue ” aux chaînes qui ont prouvé qu’elles ne peuvent pas tenir la distance “, mais le Brasdshaw-Toreador à double ACT n’aura pas le temps de les contredire, car il ne courra que quelques courses locales en 1925 avant que Bert Houlding ne l’abandonne en 1927 pour se tourner vers l’automobile en créant la Moveo, car company.

On retrouve sa trace (Motor Cycle du 18 octobre 1925) dans une course de 25 miles (40 km) sur un circuit privé près de Southport le 10 octobre 1925. F. Houlding y finit premier au guidon de la Toreador double arbre, dont c’est la première course, devant une Cotton-Jap et une OEC Blackburne. Motor Cycle relate ainsi une dizaine de course locales où la Toreador est en tête ou dans les toutes premières places souvent en bataille avec la Matador Bradshaw de McGowan. Si on ne connaît aucun survivant de ce moteur de légende, il semble pourtant bien qu’il ait été vendu à en croire une petite annonce passée dans Motor Cycle le 16 décembre 1926.

Toreador courut aussi avec des moteurs Bradshaw compétition "standard".
Le Torero double ACT tel qu'il a été découvert au salon de Londres fin 1925 et présenté dans le "Motor Cycle" du 3 septembre 1925.
La chaîne du bas entraîne la magnéto et la pompe à huile par le pignon ici sur la gauche et un double pignon intermédiaire entraîne les deux ACT.
Une fois ôté le carter d'entraînement des arbres à cames, les carters moteur sont similaires sinon identiques à ceux de la série.

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Pour compléter cet article avec des photos, merci de me joindre sur info@moto-collection.org

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5 commentaires sur “Bradshaw et les bouilleurs d’huile: La course

  1. Une fois de plus c’est toujours un réel plaisir de lire tes articles. Cela reste une véritable source d’inspiration pour moi. Merci FMD.

  2. jackymoto dit :

    Ton étude de ce moteur peu courant n’a pas dû laisser grand
    chose de côté! Passionnant.

  3. fmd dit :

    Merci François-Arsène, je connais ce livre de Paul Ingham que j’ai relu attentivement et qui est une de mes sources principales pour cet article avec les collections de Motor Cycle et Motor Cycling, mais quel boulot pour rendre lisible les dessins repiqués dans ces journaux jaunis !

  4. merci beaucoup François-Marie, tu me fais à chaque fois grand plaisir

  5. François Arsène dit :

    Merci, François-Marie, de mettre en lumière ces moteurs Bradshaw méconnus. Je me régale ! Comme tu fais également référence à Bert Houlding , je profite de l’occasion pour signaler qu’il existe un remarquable livre intitulé Bert Houlding, TT pioneer dont l’auteur est Paul Ingham, ISBN 978-0-9524802-4-2.
    Une quarantaine de pages est consacrée aux machines à moteur Bradshaw, avec quantité de photos : Grindlay-Peerless, Matador, DOT, Toreador, Alldays, Excelsior, Toreador … , superbe !