Charles Burki: Illustrateur et designer

Si, en France, nous avons eu Géo Ham, Daniel Rebour et quelques autres, les Pays-Bas ne sont pas en reste avec Charles Burki, un illustrateur néerlandais, passionné de motos qui deviendra designer avec le 50 Boomerang construit par Union  en 1961. Ses dessins sont souvent sur le mode humoristique, mais penchez-vous sur les détails des motos et vous découvrirez que ces oeuvres sont celles d’un vrai connaisseur.

Les illustrations de Charles Burki ont été principalement été publiées aux Pays-Bas et en France entre les années 1920 et 1970.

Archives François-Marie Dumas (Motor et Moto Revue), photos Henri Lallemand et collection privée, texte Paul d’Orléans

On doit à Charles Burki la sublime couverture du numéro spécial salon 1933 de Moto Revue.

Né en 1909 en Indonésie, alors colonie néerlandaise (les Indes orientales néerlandaises), à Magelang, dans le centre de Java, il y fait preuve très tôt d’un don pour le dessin et d’une passion pour les motos et les voitures, apparemment héritée de son père architecte. Dès 1924, ses dessins de motos sont publiés aux Pays-Bas dans les magazines Motor et Sport in Beeld. La même année, à 15 ans, il acquiert sa première moto, une BSA 500 cm3 Sloper, marquant le début d’une passion pour les motos britanniques rapides.

On voit bien dans ces deux dessins parus en 1933 que Charles Burki sait ce dont il parle.
Charles Burki, vers 1937, pose avec sa Norton International M30 500 cm3, fleuron des motos sportives britanniques, au palmarès enviable du Tourist Trophy de l'île de Man. Un homme élégant et séduisant sur une moto tout aussi élégante ! (collection privée)

Charles Burki s’installe aux Pays-Bas en 1929 pour étudier l’architecture à Delft et se passionne pour les courses de motos, notamment le Tourist Trophy d’Assen. Ses croquis de course sont remarquables, il y montre les différents styles de pilotage et, bien sûr, les détails de leurs montures, dans l’âge d’or des courses des années 1930. En 1932, il part pour Paris afin d’étudier à l’École des Beaux-Arts, où il reste trois ans, signant au passage de nombreux dessins dans Moto Revue auquel il contribue très régulièrement. Parmi ses illustrations figurent ces spectaculaires études de 1932 censées préfigurer l’avenir avec des motos de course profilées et fantastiques, pour un article traitant de la nécessité de fendre l’air efficacement, plutôt que de simplement augmenter la puissance pour lutter contre l’atmosphère.

En 1933, Charles Burki réalise pour Moto Revue une série baptisée « Streamline ou Puissance » où il exprime ses vues sur les motos de record du futur. 

Notez la ressemblance de la machine avec la moto OEC-Temple-JAP qui a établi un record en 1930
. et même en petite cylindrée.
avec compresseur...

Une série de dessins parus dans Moto Revue en 1933

À la mort de son père en 1935, Burki est contraint de quitter Paris et de retourner à La Haye y consolider sa réputation d’illustrateur et gagner sa vie. Il rencontre Sophia, qu’il épouse en 1938 et le couple part en lune de miel sur leur Norton International M30 avec side-car Steib, pour rejoindre Gênes en Italie. De là, ils prennent un bateau avec leur side-car pour les Indes orientales néerlandaises et décident de s’y installer.

En 1938, Burki, avec un side-car Steib attelé à sa Norton et sa jeune épouse Sophia à ses côtés, probablement en route pour Gênes pour leur lune de miel. (collection privée)

En 1942, le Japon déclare la guerre aux Pays-Bas et occupe l’Indonésie : Charles et Sophia Burki sont faits prisonniers, marquant le début d’une période extrêmement sombre de leur existence. Burki relate le cauchemar de son emprisonnement dans son livre de 1979, « Achter de Kawat » (« Derrière les barbelés »), qui comprend des dessins réalisés sur des bouts de papier pendant ses quatorze mois de détention dans un camp à Bandung. Lorsqu’il apprend son transfert au Japon pour y être réduit en esclavage en 1944, Burki enroule soigneusement ses dessins dans des feuilles de coton et les place dans un tube de zinc scellé, lui-même enfermé dans une boîte en bois goudronnée et enterré près de l’entrée du camp. Burki sera embarqué à bord du cargo maudit Tomahuku Maru, torpillé par le sous-marin américain USS Tang (SS-306). 560 des 772 prisonniers périrent dans le port de Nagasaki. Burki survit miraculeusement et est envoyé au camp de travail de Fukuoka 14. Le 9 août 1945, la bombe atomique Fat Man explosera à seulement 2 kilomètres du camp de Fukuoka. Miraculeusement, Burki en sort indemne, tandis que la bombe tue 40 000 autres. Les Japonais capituleront après cette seconde attaque nucléaire et Burki pourra finalement retourner en Indonésie, où il retrouvera sa femme Sophia, qui avait, elle aussi, survécu à l’horreur de la captivité.

Deux livres de Charles Burki : ci-dessus : "Lart de la moto" et à droite " Derrière les barbelés"

En décembre 1945, Charles et Sophia Burki retournent aux Pays-Bas, où il reprend sa carrière d’illustrateur, et connait un immense succès durant la période de croissance économique de l’Europe dans les années 1940-50. La liste de clients de Burki était impressionnante : outre de nombreux magazines, (Motor, Moto Revue, Sport in Beeld.) il est devenu la voix visuelle de DAF, Shell, Philips, KLM, Goodyear, etc. Ses idées futuristes pour les voitures et les motos ont inspiré les designers, et il a également illustré des centaines d’ouvrages de littérature et de poésie. Il a vécu à La Haye jusqu’en 1994.

Premiers dessins parus après guerre dans Motor en octobre 1945.
En février 1946 dans Motor. Légendes : De nouvelles clotures à Assen, on pourra aller plus vite… de terribles duels … des modèles expérimentaux… qui dépassent toutes les attentes … MAIS ce que vous verrez certainement à Assen : le façon dont le champion arrive au circuit (il est derrière !) — l'arrivée d'un rouky.
En têtes des pages de présentation des nouveautés dans Motor, en 1946 (en haut) et en 1947 (en bas.)
La tentation de la poignée de gaz.
Janvier 1949. Charles Burki présente les voeux de Motor aux motards. Légendes : beaucoup de participants internationaux pour Assen et Zandvoort… Beaucoup de motos chez les concessionnaires… une moto fusée pour que chaque motard puisse aller chercher un monde meilleur.
Couverture publicitaire de Motor en 1947.
Motor, février 1948

En 1960, la grande marque de 50 cm3 Union lui confie le dessin d’un nouveau cyclomoteur sportif équipé du rare moteur néerlandais Plumier. Burki s’acquitte de cette tâche avec un grand talent et crée le Boomerang doté d’un style et de couleurs aussi étonnants que novateurs. Hélas, était-ce du à son modernisme trop avancé, à son moteur trop poussif, ou à son prix trop élevé, le Boomerang ne connut pas le succès mérité. Charles Burki nous a quittés en 1994.

Voir sa fiche descriptive du Boomerang ou cliquer sur les photos pour y accéder

Au salon d'Amsterdam de 1961.
Des couleurs modernistes tout à fait dans l'air du temps.
Catalogue 1961, version vert et bleu.
Un orange métallisé habille le modèle de 1962.

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