La Triumph Speed Twin à compresseur des records de 1938

A l’occasion du 6Café Racer Festival à Montlhéry en 2018, j’avais organisé pour le compte de Café Racer une exposition dans le grand pavillon ovale «1924» de 18 motos ayant battu des records de vitesse sur cet autodrome, je vous laisse retourner aux articles publiés ici alors pour vous rafraîchir la mémoire, mais l’expo accueillait aussi une intruse que je m’étais alors contenté de citer brièvement, car elle était de fait la seule à n’avoir jamais connu cet anneau. La Triumph Speed twin très spéciale de Wicksteed et Winslow s’était en fait rendue célèbre sur un autre anneau, l’homologue de notre autodrome en Grande-Bretagne à savoir l’anneau de Brooklands dans le Surrey à quelques kilomètres de Londres. Et bien la voici !

Photos François-Marie Dumas sauf mention contraire

Dick Shepherd, grand collectionneur de Triumph a racheté la moto de la seconde tentative de record puis retrouvé toutes les pièces de celle du premier record pour reconstituer l’original.

Marius Winslow est pilote (avec un nom prédestiné Win : gagner, Slow : lentement !), Ivan Wicksteed, mécanicien et préparateur. Séduits par la présentation de la nouvelle 500 Triumph Seed Twin au salon d’Earls Court en 1937, ils sont convaincus qu’ils ont là la base idéale pour en faire une machine de record. iIs rencontrent son créateur, le big boss de Triumph, Edward Turner, et tentent de lui soutirer une machine ou au moins un prix spécial puis, comme Turner les envoie paître, les deux compères achètent la moto sur leurs propres deniers et vont se débrouiller sans la moindre aide de Triumph. Leur but : battre un record de vitesse dans la catégorie 500 cm3 sur les 4,43 km de l’autodrome de Brooklands.

Pour ce faire, ils greffent sur le moteur de la 500 Speed Twin un compresseur Arnott Concentric logé derrière les cylindres, entraîné par une chaîne simple avec un tendeur mécanique en bout de vilebrequin et gavé sur le côté droit par un carburateur Bowden à double cuve.

Pari tenu. Le 8 octobre 1938, en dépit d’un fort vent, ils établissent un record du tour en catégorie 500 cm3 à 189,93 km/h de moyenne sur le célèbre anneau ; un exploît qui ne sera jamais battu et pour cause. Déjà doté de règlements très contraignants en raison de sa proximité de Londres – silencieux obligatoires et horaires d’essais très limités – l’autodrome de Brooklands acceuille sa dernière course le 7 août 1939. Il est ensuite totalement affecté à la Royal Air Force dès le début de la seconde guerre mondiale en 1939. Partiellement détruit durant les hostilités, l’anneau est alloué définitivement à Vickers-Armstrongs, un conglomérat d’entreprises britanniques d’aéronautique, qui s’empresse de raser une grande partie de l’anneau surélevé pour construire la piste nécessaire à ses activités d’avionneur.

Marius Winslow et sa Speed Twin à compresseur (Photo prise sur internet sans source indiquée)

Toujours prompt à réagir Edward Turner s’excuse de son précédent refus et a fait publier de pleines pages de pub pour souligner la victoire de « sa » Speed Twin ! Désormais assistés par l’usine Triumph, Wicksteed et Winslow veulent alors tenter un nouveau record à plus de 120 mph (193 km/h). Ils modifient une partie cycle de la dernière Tiger 100 de 1939 pour y monter le nouveau moteur de la T100 avec la fixation du cylindre par huit goujons, une culasse bronze spéciale et, bien sûr, le compresseur Arnott Concentric

Ce moteur à culasse spéciale ne donna malheureusement pas les résultats escomptés et le projet tomba définitivement aux oubliettes en juin 1939. Entretemps, en mars 1939, Ivan Wicksteed et David Whitworth établissent un nouveau record à Brooklands et remportent le prestigieux Maudes Trophy pour Triumph, mais cette fois sur une T100 entièrement standard en roulant pendant six heures à une moyenne de 126,33 km/h avec un dernier tour à 142 km/h.

La Speed Tween original dans son édition 1939.

Pour la petite histoire nombre de motos ayant couru sur l’autodrome de Brooklands y revinrent dans les années 80-90 avec l’énorme collection de Brian Angliss (photos ci-dessous), qui avait repris la construction des automobiles Cobra. Une grande partie de cette collection aujourd’hui disséminée se retrouve au National Motorcycle museum de Birmingham et au Brooklands museum.

La partie subsistante de l’autodrome de Brooklands photographiée par John Chapman (Pyrope) en 2007.

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3 commentaires sur “La Triumph Speed Twin à compresseur des records de 1938

  1. HUMBERT dit :

    Encore une fois un très bel article.
    Merci.

  2. Verbeeck Robert dit :

    Merci encore pour votre lettre d’infos sur les motos rares.
    Bien qu’âgé de 79 ans j’ignorais tout de ces records à Brooklands.
    J’espère que la pandémie actuelle me permettra de me rendre sous peu en GB et de visiter ce musée.
    Cordiales salutations motocycliste,

    R. Verbeeck – 1000 Bruxelles

  3. jackymoto dit :

    La raison officielle pour la destruction de l’autodrome de Brookland est que ça pouvait servir de repère pour l’aviation ennemie. Pour le bruit, les avions à réaction qui ont remplacé les motos et les bagnoles n’ont pas dû être un cadeau pour les riverains. Je me souviens des publicités d’avant guerre peintes sur le virage rescapé quand j’étais gamin, on aurait dit que l’anneau avait servi la veille..