AMC 250 – 1952-56 : L’espoir déçu

Les tentatives des constructeurs de motos français de monter en cylindrée n’ont décidément pas eu de chance. Fort de ses succès mérités en 125/175 cm3 avec ses moteurs quatre temps culbutés, AMC, les Ateliers Mécaniques du Centre à Clermont-Ferrand, lancent en 1952 un très moderne 250 cm3 à ACT entraîné par chaîne. Nos marques nationales sont enthousiastes. Hélas, l’AMC 250 manque de mise au point, coute fort cher et arrive bien mal dans un marché en pleine dégringolade.

Les historiques et caractéristiques techniques de la plupart des motos équipées du 250 AMC sont accessibles en cliquant sur les liens en bleu

Photos  & archives F-M Dumas/moto-collection.org sauf mention contraire

De gauche à droite Henri, Gilbert et Louis Chartoire inspectent la version prototype de leur nouveau moteur 250. La dynamo est encore derrière le cylindre.

Un bloc massif et très moderne avec un simple ACT entrainé par chaîne. Il développe la puissance alors fort honnête de 15 ch à 6000 tr/min

AMC, les Ateliers Mécaniques du Centre spécialisés au départ dans les machines-outils, sont créés avant-guerre par Louis et Henri Chartoire. Ils lancent leurs premiers moteurs de motos 125 cm3 quatre temps culbutés en 1942 et leur plus grosse cylindrée, la 250 qui nous occupe aujourd‘hui, est présentée au salon de Paris en 1952 . De 1942 à leur fin d’activité en 1959, AMC motorisera près de 10 000 motos, vélomoteurs et scooters.

Conçus et fabriqués dans le Puy-de-Dôme, 9 rue Agrippa d’Aubigné à Clermont-Ferrand, les moteurs AMC quatre temps 125 150 et 175 cm3 ont vite acquis une belle réputation et ont été utilisés par 17 marques, en France bien sûr, mais aussi en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Grande-Bretagne. Dopé par ce succès les frères Chartoire assistés par Gilbert, fils de Louis, qui prendra d’ailleurs une part active au développement du cette nouveauté, décident de passer à la cylindrée supérieure avec ce moderne 250 cm3 à simple ACT à chaîne. Il arrive malheureusement trop tard sur le marché, fin 1952, au moment où tous les petits constructeurs assembleurs commencent à avoir bien du mal à joindre les deux bouts et ceux qui verront dans ce moteur une planche de salut le paieront chèrement à commencer par AMC.

En prélude au salon 1952, la 250 Guiller Frères pose devant l'équipe de la marque. Son moteur prototype est encore équipé d'une dynamo entraînée par chaîne derrière le cylindre. Les frères Guiller se séparent en 1954 en René Guiller et Guiller S.A.

Un si beau brouillon

Le massif bloc-moteur 250 AMC peut aisément passer pour un 500 et, visuellement, cette stature est plus qu’appréciée par le marché. On chuchote d’ailleurs qu’AMC en projette une version 350 cm3. Rançon de sa taille, il est lourd pour un 250 cm3 et pèse 48 kg à sec. Une plus longue mise au point en aurait sans doute fait une excellente mécanique, mais en l’état le 250 a quelques faiblesses, il vibre aux moyens régimes, manque de souplesse et ne révèle son caractère qu’au-dessus de 4500 tr/min. Il est aussi assez bruyant et révèle plusieurs défauts qui ne seront jamais corrigés, dont une commande d’embrayage trop dure, un kick qui attaque à mi-course et une pompe à huile qui n’est plus entraînée lorsqu’on débraye. Passage au point mort obligatoire aux feux rouges !

Il a pourtant évolué depuis le prototype de 1952. La dynamo entraînée par chaîne derrière le cylindre a été remplacée par un volant dynamo Morel en bout de vilebrequin et la commande des soupapes par poussoirs et patins sur l’ACT sera vite remplacés par des rouleaux.

Le prospectus Guiller au salon de Paris 1952
La DS Malterre présentée en 1952 avec une suspensionnsion coulissante adopte en octobre 1953 une toute nouvelle partie cycle.

DS Malterre a adopté sur sa 250 sa fameuse suspension à progressivité variable développée sur sa 175 course pour le Bol d’Or. Le dessin, emprunté à Moto Revue, en explique bien le fonctionnement qui amène un amortissement de plus en plus raide au fur et à mesure de l’enfoncement et un débattement, inconnu à l’époque, de 140 mm.

Pas solide le 250 AMC ?

Pas si fragile quoiqu’on en dise le 250 AMC, car dans les quatre premiers mois de 1956 alors que les derniers contingents français vont quitter l’Indochine, David Williams et Bernard Colomb reliaient Saigon à Paris sur deux Guiller 250 chargées de 120 kg de bagages. L’aventure se termine le 21 avril à Téhéran faute de pouvoir y trouver une roue arrière de rechange et les deux compères rentrent à Paris par avion, mais ils ont traversé sans autre ennui moteur d’un linguet d’embrayage cassé, le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande et la Malaisie. Le trajet via la Birmanie a du être abandonné car il n’y a plus de routes depuis la guerre. Après un saut en avion jusqu’en Inde, à Calcutta, les deux Guiller 250, passent par Benares, New Delhi où ils cassent justement leur linguet qui leur est renvoyé par AMC et qu’ils reçoivent 6 jours plus tard. Ils partent à l’assaut du Tibet à plus de 3000 mètres, dans la neige et la boue, et arrivent au Pakistan. Si les moteurs ronronnent sagement, les parties cycle n’apprécient que modérément la piste, les cailloux et la tôle ondulée. Le cadre de David se fend vers Téhéran tandis que Bernard doit rerayonner sa roue arrière après de multiples crevaisons.

 

 

Encore un emprunt à Moto Revue dans le n° 1314 de 1956.
Marcel Pahin 1er au Bol d'Or 1956 devant une NSU avec son coéquipier Bordas dans la catégorie 250 course. Un titre plutôt fallacieux car il ne sont que 2 dans cette catégorie ! La 250 Automoto est par contre classée 35e au général derrière les 8 autres 250 (des deux temps Pannonia en tête ) en Cie Sport et série, mais devant la meute de onze 175
De gauche à droite, Marcel Pahin avec son pull Automoto, Marcel Violet et Henri Chartoire en veste de cuir.

Chères, chères, les 250 à moteur AMC en 1955

Chères, chères, les 250 à moteur AMC et la vie est encore bien difficile au milieu des années 50. Jugez-en sur quelques chiffres pour 1955. Le Smic mensuel est de 20 700 F, la 2CV vaut 465 100 F, un 50 cm3 aux alentours de 50 000 F et les 125 cm3 de 100 à 190 000 F. En gros cubes, il faut débourser 316 000 F pour une Triumph 500 Speed Twin, 259 000 F pour la Terrot 500 RGST et 211 000 pour la nouvelle 250 OSSD ; la placide Motobécane 350 L4 est à 239 000 F et la Peugeot 250 deux temps bicylindre à 214 000 F. Dure concurrence pour les 250 AMC “offertes” par ordre de prix décroissant à 266 500 F pour l’Alcyon, 258 500 à 260 500 en version standard ou sport pour la DS Malterre, 259 pour l’Automoto, 255 pour la Gima et 250 000 pour la Guiller.

Influenceur de concepts

Pas facile de se faire une place et de créer une personnalité dans le marché foisonnant des petits constructeurs des années 50. Tous ont les mêmes fournisseurs, moteur Ydral ou AMC, réservoirs de chez Mottaz, freins Ideal, Saperli ou les chers Collignon, poignées Saker et selles Aurora. Contraints par cette homogénéité forcée, chaque marque rivalise d’inventivité pour se différencier sur ce qui leur reste, les cadres et leurs suspensions. Admirez donc tout particulièrement la suspension arrière semi-oscillante à flexibilité variable de la DS Malterre et le somptueux cadre coque en aluminium du prototype AGF.

Celles qui ne furent pas produites

L’AGF 250 de 1953, ici présentée par le regretté André Kiéné, est restée à l’état de prototype. Son habillage très enveloppant est l’un des plus réussis dans ce genre qui faisait alors, fureur. Toute la partie arrière est constituée d’une coque en fonderie d’alu qui se sépare longitudinalement en deux parties et qui intègre feux et plaque arrière. Le réservoir se prolonge par le phare avec une console regroupant voyant de point mort, compteur et compte-tours. La suspension avant, ici croquée par Gedo, fait travailler deux blocs de caoutchouc en compression.

Le 250 AMC faillit être importé en Grande Bretagne, mais ce beau prototype de DMW Dolomite ne vécut que le temps d’un salon.
Favor présente cette belle 250 fin 1953, mais elle ne sera jamais commercialisée.

Les 6 marques qui commercialisent le 250 AMC

On dénombre plus d’une quinzaine de marques ayant utilisé les 125/150 et 175 AMC. Belle réussite et le 250 aurait bien aimé avoir le même succès, mais si beaucoup l’envisagèrent, cinq seulement passèrent à l’acte, principalement les marques auvergnates voisines. Les premières 250 sont présentées au salon d’octobre 1952 par Guiller Frères avec une suspension arrière oscillante et DS Malterre qui a encore à ce salon une suspension arrière coulissante. Le moteur en disponible en mai 1953 et on le verra chez Gima, la marque auvergnate de Chamalières qui se regroupera avec Favor de Clermont-Ferrand en 1955 et qui ne vendra dit-on que 30 AMC 250 en un an ! Ce moteur est aussi choisi en 1953 par Automoto, une autre marque stéphanoise, Alcyon (et sa sous-marque La Française) avec les types 39 puis B2 et par la marque nantaise Syphax. AGF et Favor dévoilées aux salons de Paris en 1953 et 54 restèrent à l’état de projet tout comme le DMW britannique.

En 1953 est célébré le mariage de mademoiselle Levron fille du constructeur nantais des motos Syphax et de Gilbert Chartoire. Leur premier bébé sera, bien évidemment, une Syphax 250 AMC Elle est présentée au salon de Paris 1953, magnifiquement parée d’une robe en chrome et laque, noire, blanche ou bleu métallisé.  Le seul exemplaire survivant connu est exposé au musée Baster à Riom.

L’Alcyon type 39 produite de depuis octobre 1953 est remplacée au salon de 1955 par la 250 B2 qui en diffère principalement par sa fourche avant à roue poussée.

L'Automoto 250 CHL de 1954 dans sa version monoplace.
La Gima dessinée comme les autres modèles de la marque par l’ingénieur Paul Josué qui rejoindra Automoto en 1953. Le carénage arrière de la Gima est en alliage léger.
Après le prototype du salon 1952, Guiller commercialise sa 250 AMC en 1953 et assure sa promotion en la photographiant Bourvil au guidon.(archives Jean Bourdache)
En 1955, Guiller abandonne son bras oscillant arrière en tubes fins triangulés (à l'image de la DS Malterre, mais avec des amortisseurs classiques)pour revenir à un bras oscillant conventionnel. La partie arrière de la nouvelle mouture est allégée de son carénage enveloppant.

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Pour compléter cet article avec des photos, merci de me joindre sur info@moto-collection.org

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15 commentaires sur “AMC 250 – 1952-56 : L’espoir déçu

  1. Thierry dit :

    Bonjour,
    concernant la Dolomite de DMW il y aurait quand même eu une petite production selon ce site ?
    http://www.historywebsite.co.uk/Museum/Transport/Motorcycles/DMWmachines1.htm

  2. retif dit :

    salut bon site et belle époque

  3. Omer Cybokou dit :

    Sympa ! Très belles photos ! Rappelle que la France a su faire des motos … Le devoir de mémoire, ce n’est pas que parler de faits guerriers et sanglants !

  4. ruiz dit :

    bonjour . je m’appelle Henri Ruiz ( Président Fondateur du Moto Club de la Villette en 1965 .) je possédais une DS Malterre 250 AMC que j’avais légèrement transformée en course. j’ai fais la côte LAPIZE en 1966 et je suis arrivé 5 ème
    Je l’ai transformée en doute ACT en 1967 avec culasse agrandie, culbuteurs en dural a roulette de Panhard avec entre axe modifié pour augmenter le croisement et des ressorts de rallye 175 permettant au 250 AMC de prendre aisément 9.000 tr/min et 8500 en quatrième qui tirait 20 au 1000 tours .

  5. DELTONNE dit :

    MERCI !!
    Enfin un article sur c’est fameuse Moto a moteur 250 Amc
    Je suis en possesion d’une 250 Alcyon type 39 de 1954 de cette Moto pourtant Francaise.
    Et que Je voudrais la restaurer mais les pièces sont si rares .

  6. François dit :

    Bonjour et bravo pour cette belle rétrospective.

    Je voudrais la compléter pour ce qui est des DS Malterre, non pas pour la motorisation mais pour la partie cycle.
    Si la plus emblématique est celle décrite ici et équipée des suspensions brevetées Ledewin et Decolon, d’autres variantes sont apparues ultérieurement : au salon 1954 un prototype est présenté avec une fourche Earles et une suspension AR oscillante.

    Si la fourche n’a semble-t-il pas été produite en série il y a bien eu des suspensions AR oscillantes, et selon 2 modes différents. 4 de ces machines au moins sont parvenues jusqu’à nous, que leur n° de série permet de dater de 1955 ou 56.

    Amicalement

  7. René Krullaars dit :

    Bonjour,

    Vous avez déjà mentionné AGF, Favor et DMW dans votre article, mais j’ai aussi retrouvé quelques autres marques qui présentèrent fin 1953 leurs projets autour de l’AMC 250 : Liberia , Follis et Roman.LibériaFollisRoman

  8. fmd dit :

    Merci du commentaire et des photos que vous m’avez envoyées de l’AMC 250 Guépard monté sur les voiturettes Galy. Je les publierai dans une suite à cet article.

  9. Che dit :

    Bonjour,
    Super et merci, beau travail.
    En faisant vos recherches si vous avez trouvé des renseignements sur le 280cc Guépard de chez AMC, je suis preneur 🙂

  10. fmd dit :

    Je me dois de rajouter que ce commentaire élogieux vient du responsable du site consacré aux motos GIMA : https://sites.google.com/site/lesmotosgima/

  11. LEDUC dit :

    C’est un travail remarquable qui fera référence pour ce moteur dont la beauté pardonne ses faiblesses.

  12. Patrick Lafave dit :

    Toujours étonnant de découvrir des joyaux de notre industrie moto merci !

  13. Oliéric dit :

    Elles sont bien, toutes ces motos.
    Où peut-on en acheter une?
    pas trouvé de concessionnaire près de chez moi !

  14. jackymoto dit :

    Il est sûr que le magnifique 250 AMC n’a jamais été mis au point correctement vu la très faible production. Ne pas oublier que les frères Chartoire étaient de fins mécaniciens fabricants de machines outils mais pas des motoristes. Le père d’un copain qui avait acheté une moto neuve (250 Alcyon??) se plaignait d’avoir eu à changer l’arbre à cames et les basculeurs tous les 5000 km. Marc Defour pensait que le profil des cames et des basculeurs était loupé et le vilebrequin beaucoup trop lourd. Pour ma part, j’ai toujours trouvé que l’arbre à cames était de taille minuscule ( je suis simple mécano, peut être déformé par les pétoires allemandes…). La fonderie du bloc moteur est une vraie œuvre d’art, pesant dans les 5 kg me disait l’ami Régis Chassagne. Dommage…

  15. Denis COURBIS dit :

    Décidément, les constructeurs français n’ont pas eu de chance dans leurs audaces techniques. En voilà un autre exemple après la Motobécane V4C !
    Un reportage très intéressant. Merci