Sévitame 1937-1939 : Du brouillon à la production

Dans le concept, tout est pareil, mais en fait il n’y a pratiquement aucune pièce interchangeable entre ce prototype de 280 cm3 retrouvé et la version finale 330 cm3 en ma possession.

Les premières différences qui sautent aux yeux sont esthétiques. Le réservoir ne couvre pas l’arrière de la roue et se prolonge sous la selle. La partie avant du cadre est de toute évidence fabriquée sans outillages spéciaux avec de la tôle pliée et rivetée alors que la version définitive présente des courbes tout en douceur et rajoute une grosse nervure de renfort et ‘L’ inversé au-dessus du moteur. Il y a aussi le sabot de protection du moteur qui finit droit avec des dents de pelleteuse, pour mieux se planter sans doute, sur le proto alors qu’il s’enroule vers le haut sur le modèle final. La selle elle-même est à peu près pareille, c’est déjà ça, et l’élément télescopique de la fourche est toujours dans la colonne de direction (un technique rappelons le inaugurée par Marcel Violet dès 1919 avec sa Bi-Temps.). On note quand même que la fourche définitive est notablement renforcée, que le guidon n’est pas démontable en deux parties sur le proto et que le phare n’y est pas fixé de la même façon. Les freins avant sont montés différemment et la 280 a un tambour arrière standard au lieu du si complexe frein étanche à commandes coaxiales de la 330.

Ça, c’était au premier coup d’œil et tout se complique au second en abordant le moteur. Comme les dessins des brevets nous en avaient déjà prévenus, les deux blocs sont bien différents. Au niveau de l’alimentation pour commencer. Sur la 280, le carburateur de 18 mm est quasi standard à ceci près que le corps est monté horizontal et sa cuve verticale. Un dispositif de graissage séparé, semi-disparu sur la moto retrouvée, distillait un goutte-à-goutte d’huile au-dessus du cornet d’admission ou sur, une autre version, directement dans le corps du carbu. Le mélange admis est ensuite distribué dans chaque chambre par des transferts dans le vilebrequin sur deux paliers qui joue le même rôle que le boisseau rotatif sur le modèle final. Le schéma s’est singulièrement sophistiqué sur la 330 avec un carburateur Violet tout à fait spécifique et ce fameux distributeur rotatif à boisseau rotatif (système cher à Violet qui l’utilisa sur un moteur d’avion quatre cylindres à plat en 1930). Le vilebrequin tourne cette fois sur trois paliers renforcés pour l’occasion. La disposition générale du moteur conçu par l’ingénieur Achille Vincent tout comme la moto pour la société SÉVITAME ne change guère à l’exception du dispositif de sélection des vitesses. La commande qui pointe à l’arrière gauche du bloc est actionnée par une biellette et un petit levier droit situé derrière le carburateur.  Voilà en gros vous savez tout pour pouvoir différencier rapidement deux SÉVITAME si vous en croisez en chemin. Ah non une ultime particularité : la marque peinte sur le proto retrouvé n’est pas SÉVITAME, comme chacun sait Société d’Études de Véhicules Issus de la Technique Automobile Moderne et Économique, mais SÉVITAM … et un mystère, car aucun des brevets, des comptes rendus d’essais de l’Armée ou des articles parus n’évoque ce nom … prototype !

Photos et archives © F-M. Dumas / moto-collection.org

Plus de renseignements sur la fiche consacrée à la Sévitame ou dans le long article écrit par Marc Defour et moi-même dans la revue du Motocyclettiste n°93 disponible chez Chambrier ICI.

Il ne faut jamais désespérer, on trouve encore des sorties de grange exceptionnelles comme ce prototype unique de SÉVITAME de 1938. J’avais en fait connu son existence lorsque la première SÉVITAME que j’ai possédée m’a été volée le 24 décembre 1980. Le regretté Jean Lalan m’avait alors dit qu’il était sur la piste d’une autre et j’ai fini par trouver le téléphone du propriétaire après une très longue et fastidieuse recherche. Clap de fin, la discussion m’a permis de vérifier que l’autre SÉVITAME était un prototype et pas celle qui m’avait été dérobée, mais son propriétaire voulait rester anonyme et son adresse était introuvable. C’est pourtant lui qui m’a rappelé 37 ans plus tard. Il a toujours la moto soigneusement conservée au sec et en l’état, et veut cette fois la restaurer tout en la laissant esthétiquement dans son jus. À bientôt peut-être pour un essai comparatif.

Quel plaisir de retrouver une moto aussi complète et en aussi bon état.

Pas de numéro sur ce moteur de 1938.

Les seules pièces manquantes sont le carburateur, la dynamo et le système de graissage par goutte-à-goutte avec son viseur. Le cadre assemblé en tôles rivetées et non en une seule pièce en embouti et le compteur de vitesse est intégré au moteur.

La même vue à l’origine et sur le prototype retrouvé. Le guidon est en une seule pièce (en deux parties démontables sur la version 330).

Sur le prototype de 1938, le garde-boue arrière est un modèle standard découpé et ressoudé sans trop de soins.

Ce premier dessin de 1937 apporte aussi son lot de différences. Le levier de vitesse est direct sur l’avant du bloc.

Vue d’origine du moteur 280 de 1938.

Le bloc finalisé sur la 330 cm3 de 1939.

Coupes des moteurs 280 de 1938 et 330 de 1939. On notre entre autre différence l’absence de distributeur par boisseau rotatif (c’est le vilebrequin qui en fait office) et l’entraînement des magnéto et dynamo par chaîne sur le premier et par engrenages sur le second. La petite bille en bas de la cuve de carburateur de la 330 est un dispositif qui coupe l’essence automatiquement en cas de chute.

La version de 1938 en cours d’essais à Satory. Il est fort possible qu’il s’agisse du modèle retrouvé.

Vue d’usine de la 280 cm3 de 1938.

Un lot d’autres photos d’usine que j’ai dénichées il y a quelques mois montre une version encore plus finalisée que la mienne avec une tôle de recouvrement du moteur…

… et même un support de sacoches en tôle qui se rajoute sur le réservoir.


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Pour compléter cet article avec des photos, merci de me joindre sur info@moto-collection.org

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5 commentaires sur “Sévitame 1937-1939 : Du brouillon à la production

  1. Salut à toi. Félicitation pour cette belle découverte. Je vais tenté d’allé voie votre site de motos. Merci.

  2. motocine dit :

    L’accouplement roue et vis sans fin dans la transmission finale est une grossière erreur de concept .

    Une bonne transmission par arbre aurait été bien plus robuste 🙂

  3. motocine dit :

    Le cahier des charges est typiquement militaire . Alors il ne faut pas s’étonner de son côté extravagant . Fonctionnement sous eau peut être possible ?

    J’ai connu cela chez DUCELLIER avec les Peugeot 4×4 armée. Les allumeurs étanches avaient un schnorkel pour dégazer sous eau, une prise d’air en haut pour le carburateur et un collecteur d’échappement anti retour et toute l’électricité particulièrement soignée ! …

  4. fmd dit :

    Le musée de Clères est de fait fermé depuis bien longtemps et leur Sévitame est devenue la mienne vers 1982. Y-en a t-il d’autre ? j’en doute mais un miracle est toujours possible.

  5. didier leroux dit :

    bonjour, je me souviens en avoir vu une en 1981 au musée de Cléres en Seine maritime
    le musée est fermé depuis quelques années . je ne sais pas ce qu’est devenue cette Sévitame , peut être que vous en aviez connaissance ?

    cordialement

    Didier