Les raids fous de Monneret

Jamais à court d’idées, et toujours prêt à payer de sa personne pour qu’on parle de lui, de la moto en général et surtout de celles qu’il commercialisait, Georges Monneret a organisé les raids les plus fous de l’immédiat après-guerre aux années soixante. Traverser la Manche en Vespa, aller chercher un bidon d’huile à Hassi-Messsaoud, ou aller de Dunkerque à Monaco en famille et en plein hiver sur un 50 cm3, etc. Jojo était un as du marketing, et un sacré bonhomme qui n’avait pas froid aux yeux.

1948 février : Paris-Alpes d’Huez en D45

Le premier exploit de notre champion dans l’après-guerre, nous ramène en février 1948 où Georges Monneret, bouillant quadragénaire accompagné de ses jumeaux Pierre et Jean âgés de 17 ans et dont c’est la première épreuve officielle, fait le pari de battre le train sur un Paris-Alpes d’Huez au guidon de la toute récente et déjà très populaire D 45 Motobécane qui est alors seul quatre-temps de grande série.

Coup de pub monstrueux, le départ du trio Monneret est donné à Paris le samedi 31 janvier à minuit pétant par le célébrissime boxeur Marcel Cerdan, grand ami de Georges. La foule est au rendez-vous, de même que toute la grande presse quotidienne qui va rendre compte de l’exploit. Il fait froid, il fait nuit, la pluie menace, et la caravane s’ébranle suivie par un camion d’assistance et trois voitures bondées pour les contrôleurs, les amis et les journalistes. Georges en tête et les deux petits dans son sillage, les 125 moulinent inlassablement frisant parfois les 65 km/h ! Lassant et épuisant, certes, mais après 13 h 44 dont une heure de perdue en trois arrêts ravitaillement à Saulieu, Lyon et Grenoble, les trois Monneret gagnent leur pari avec pour seul ennui, une ampoule de phare grillée. L’arrivée est fêtée en grande pompe le dimanche un peu avant 14 heures à Alpes d’Huez qui est alors le rendez-vous d’hiver de tout le gotha parisien avec des champions sportifs de toutes disciplines dont Chevalier, Franconi pour la moto et même le très jeune Burgraff qui apparaît sur les photos.

Cette réussite va sans nul doute accroître encore la liste d’attente pour une D 45 car jusqu’en 1949, il faut toujours un bon d’achat pour acquérir une 125 et la liste est longue. On a du mal aujourd’hui à apprécier la portée d’un tel événement, mais il touche alors le rêve le plus intense de tous : voyager librement et à bas prix.  Le train est battu à plate couture, en temps et, surtout, en budget. En train puis en car, il faut en effet 15 h 30, soit deux heures de plus sur le même trajet. 

Nos trois D 45, elles, n’ont mis que 13 h 44 pour couvrir les 670 km à 48,73 km/h de moyenne et surtout elles n’ont consommé chacune que 16 litres du précieux carburant qu’on a encore bien du mal se procurer en 1948 (à 90 F/l soit env. 3,5 € alors qu’un ouvrier spécialisé gagne 100 F (3,6 €/h de l’heure). Cela donne 2,58 litres aux 100 km et 432 F (env. 16 €) d’essence, un prix dérisoire comparé au train qui, à 2,25 F/km en troisième classe début 1948, aurait coûté 1 507 F (env. 54 €) pour 670 km. 3,5 fois plus ! Oublions le car pour monter en station et les péages, mais en faisant le même calcul aujourd’hui, une 125 qui aurait miraculeusement la même consommation brûlerait 24 € de carburant pour 670 km alors le train + car pour l’Alpe d’Huez prend actuellement environ 3 h 40 et coûte de 22 à 80 € !

Le blog a déjà consacré ICI un article complet avec toutes les photos de cette équipée.

1950 : 21 au 27 mars les 6 jours des Monneret à vélomoteur

Quelques tours de Paris en vélomoteur à moteur Vélorêve fabriqué par Cicca  : 3088 km à 21,4 km/h de moyenne pendant 144 h avec un changement de pilote toutes les 8 heures.

Georges Monneret et ses deux fils Pierre (à droite) et Jean.

1952 : Paris-Alpes d’Huez en Vespa

Georges Monneret aime décidément bien Alpes d’Huez et, comme son premier raid de 1948 en D 45 Motobécane lui a rapporté une belle publicité, il remet ça le 26 février 1952 avec cette fois un Vespa ACMA 125 et la chanteuse de jazz Jenny Miller en tand sad.  Départ de Paris à minuit le 26 février 1952. Ils bravent évidemment tous les ennuis de saison, pluie, neige, verglas et brouillards, mais ils arrivent, frais, faute d’être dispos, à l’Alpe d’Huez à 12 heures le lendemain, soit 621 km à 51,53 km/h de moyenne, ravitaillements compris. Avec une consommation de 3 l/100 km le trajet a coûté cinq fois moins que le train et a pris moins de temps.

Monneret et Moto Revue ayant des liens étroits, le magazine publie un reportage et une publicité en pleine page.

1952 octobre : traversée de la Manche en Vespa

Sept mois plus tard et toujours en Vespa, Georges Monneret fait encore très fort en décidant de relier Paris à Londres, y compris la traversée de la Manche (Calais – Douvres), en attachant sa vespa sur une coque de type catamaran.

Départ le 8 octobre 1952 une nouvelle fois à minuit depuis la place de la Concorde à Paris. Il rallie Calais en 4 h 55 où sa Vespa est arrimée sur une plate-forme supportée par deux flotteurs. La roue avant fait office de gouvernail et la roue arrière actionne un rouleau qui entraîne une hélice à trois pales. Un réservoir supplémentaire de dix litres est également installé sous la selle arrière du Vespa. Calais n’est qu’à 32 km de Douvres, malheureusement « les éléments » ne sont pas de son côté, la mer est agitée ! Un des journalistes sur le bateau suiveur me racontait qu’ils avaient tous passé la traversée à… nourrir les poissons ! Monneret, lui ne décroche pas, à fond de seconde jusqu’à ce qu’une clavette sur la transmission cède à mi-parcours. La réparation est évidemment impossible sur place, et il retourne vers la France en remorque.

Pas question d’abandonner, Georges est têtu et il repart le lendemain à 8 heures. Pas d’ennuis cette fois et Douvres est rallié en 5 h 30

On peut revivre l'exploit sur un film de la BBC dans l'émission Men on the Move.

Janvier 1953 : Lisbonne-Paris-Montecarlo en René Gillet 250

Lisbonne – Paris – Clermont-Ferrand – Monte-Carlo, Une bien belle pub pour la nouvelle René Gillet 250 cm3 deux temps dont Georges Monneret vend une version rebadgée « Spéciale Monneret » dans ses magasins. Malheureusement si l’exploit est réussi, les ventes ne s’envoleront pas pour autant.

Le trajet Paris-Lisbonne se fait sur une remorque, et le départ est donné depuis la capitale portugaise. Dûment contrôlés par les commissaires de la FFM, Georges Monneret et son fils Pierre, qui se relaient, vont parcourir 3356 km en 65 h 39 minutes soit à 51 km/h de moyenne et en une seule étape avec pour seuls ennuis 4 quatre changements de bougie et un décalaminage.

Nous sommes fin janvier, il va pleuvoir, neiger, ils auront du brouillard à couper au couteau, du verglas et même un moins 17 °C à Burgos. Georges Monneret en profite pour tester et promouvoir la combinaison étanche que vendent ses magasins ! Rien ne se perd.  En voyant sur photos leurs têtes boursouflées par le froid et leurs mains qu’il tiennent en l’air en grimaçant lorsqu’ils arrivent à un relais, ces 3356 kilomètres n’ont pas dû être une partie de plaisir.  De Lisbonne à Hendaye en passant par Bajadoz, Merida, Maqueda, Madrid, Burgos -17° !), et Saint-Sébastien, Hendaye, Pïerre a couvert 1120 km à 55 km/h de moyenne arrêts compris. Georges prend la suite : Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, Belin, Talence, Bordeaux, Angoulême, Poitiers, Tours, Paris, Reims puis retour vers Paris. Pierre reprend le relais vers Fontainebleau, Saint-Flour sous la neige et Valence.  Georges finira ce grand tour par Gap, Sisteron, Digne, Grasse et Monte-Carlo.

1959 27 avril / 2 mai : Raid du Pétrole, Paris – Hassi-Messaoud

En 1959, les compagnies pétrolières alors au summum de leur puissance décident de réduire leur production, ce qui fait inévitablement monter les prix à la pompe. Georges Monneret se dit illico qu’il y a là une bonne occasion pour promouvoir la vente des Vespa qui remplissent ses trois magasins. Il quitte donc Paris le 27 avril 1959 en Vespa ACMA 150 cm3 pour rallier les puits de pétrole d’Hassi-Messaoud dans le Sud algérien. Ce pari, insensé en pleine guerre d’Algérie, est pourtant tenu et cinq jours plus tard, le 2 mai 1959, notre Jojo national revient avec un bidon du précieux or noir.

Mai/juin 1962, Dunkerque – Hazebrouck – Monaco en 50 cm3 Vap et en famille

Georges Monneret fait volontiers participer ses proches à ses exploits, on l’a vu précédemment avec ses fils Pierre et Jean et il fait mieux encore en mai-juin 1962 avec ce raid en 50 cm3 avec son épouse Dominique en tand sad et son dernier fils de 4 ans, Philippe, derrière, dans une petite remorque monoroue. Le 50 cm3 est le très beau Vap « Spécial Monneret » dans sa version vélomoteur à 4 vitesses par sélecteur, sans pédales, ni bridage à 50 km/h (contrairement à ce qui sera annoncé sur les publicités vantant l’expérience avec le Special Monneret à pédales et 3 vitesses !). Départ donné à Dunkerque, passage une cinquantaine de kilomètres plus loin à l’usine VAP d’Hazebrouck puis direction Monaco soit 1500 km que Monneret promet de couvrir avec un budget d’essence de 30 F (environ 50 €) . Le parcours est effectué en quatre jours dans des conditions climatiques épouvantables jusqu’à l’arrivée vers la Côte d’Azur. Dominique (qui sera plus tard l’épouse de Jack Findlay) tombe malade et est remplacée pendant une partie du trajet par Denise Rey, la femme de Christian Rey alors rédacteur en chef d’alors de Moto Revue. Elle remontera en selle pour l’étape finale. Philippe Monneret dans la remorque respire allègrement les fumées du 2 temps, ce qui ne le détournera pas de la moto, bien au contraire. Paris teni : le Vap Spécial Monneret avec son équipage finit avec une note d’essence 38,50 F soit 63 € pour 2,5 personnes sur 1500 km. Un record d’économie impossible à battre aujourd’hui.

Jamais à court d'idées, et toujours prêt à payer de sa personne pour qu'on parle de lui, de la moto en général et surtout de celles qu'il commercialisait, Georges Monneret a organisé les raids les plus fous de l'immédiat après-guerre aux années soixante. Traverser la Manche en Vespa, aller chercher un bidon d'huile à Hassi-Messsaoud, [...]

René Gillet : le livre référence

Jean-Yves Fenautrigues vient de publier son dernier livre : Motos René Gillet, Les bielles de Montrouge, un beau bébé de 425 pages et 1,9 kg bourré d’illustrations, d’époque à 99 % et inédites pour beaucoup. Comme on peut s’en douter avec une telle pagination, tous les modèles sont disséqués dans mes moindres détails avec un original classement par éléments : les moteurs, les boîtes de vitesses, les parties-cycle, etc.  tandis qu’une partie historique raconte l’histoire de la marque, ses exploits avec les grands raids, et  les grands évènements qui l’ont marqué. En bref un ouvrage de référence indispensable aux amoureux de la marque de Montrouge comme à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la moto française.

Le livre, comme tous ceux cités plus loin, est au format A4, il coûte 60 € + 12 € pour le port. Comme il est édité à compte d’auteur, vous ne le trouverez pas en librairie, il faut le commander en direct à :

Jean-Yves FENAUTRIGUES – 16 avenue Hébert – 95250 Beauchamp – 01 34 13 57 04 – j-y.fenautrigues@sfr.fr – ou sur son site internet.

Récidiviste, Jean-Yves Fenautrigues a publié le premier livre de sa série Moto Portrait en 1993 avec un ouvrage généraliste sur la restauration des motos anciennes. Il sera suivi de 14 autres, tous sur les motos françaises à deux exceptions près, et encore disponibles pour une bonne partie d’entre eux. Faites votre choix et contactez Jean-Yves pour lancer l’emballage et l’envoi.

n° 5.6.7 Restauration de motos anciennes, Tomes 1, 2 (épuisés) et 3 , 232 pages

n° 8 « Instants d’années » des décennies de photos sur 1, 2 ou 3 roues – 300 pages  550 photos inédites de 1878 à 1980 – 10 € + port.

n° 9 Les Gnome & Rhône de 1928 à 1940 : monocylindres monoblocs, tubulaires & tôle emboutie . 280 pages, 49,50 € + 12 € port.

n°10 Motos militaires allemandes 1939/45. 320 pages 55 € + 11 € port.

n° 11 Quand Terrot, Monet Goyon, René Gillet s’en vont en guerre -1939-45. 430 pages 60 € + 12 € port

n°12 Terrot 500 RGST 1947-1957.250 pages, 45 € + 10 € port.

n° 13 Les Monet-Goyon/Koehler-Escoffier types L, les motos de Raymond Guiguet. 325 pages, 60 € + 12 € port.

n° 14 Electricité motos BMW R51/3 à R69S. 160 pages, 39 € + 10 € port.

n° 15 BMW bicvlindres R11/16 et R12/17. 390 pages, 60 € + 12 € port.

-News-

Jean-Yves Fenautrigues vient de publier son dernier livre : Motos René Gillet, Les bielles de Montrouge, un beau bébé de 425 pages et 1,9 kg bourré d'illustrations, d'époque à 99 % et inédites pour beaucoup. Comme on peut s'en douter avec une telle pagination, tous les modèles sont disséqués dans mes moindres détails avec un [...]

Finie la pénurie… passez au bois !

En cette dure période de pénurie, nous ne saurions trop vous conseiller de modifier votre motocyclette pour passer au gazogène comme l'ont fait, il y a trois-quart de siècle les quelques motos montrées ici. La mode est aussi passée en Belgique avec une belle Gillet sous ce clic. Cliquez sur l'image affichée, puis sur les flèches [...]

René Gillet en Bohême et plein d’autres…

Les greniers se vident et j'ai trouvé récemment deux photos intrigantes sur plaques de verre notées "René Gillet au  Grand Prix de la Sarthe 1906"… j'aurais du les rendre pour publicité mensongère, car si ce sont bien des René Gillet il s'est avéré qu'elles sont ici en Bohême en plein préparatifs pour le Grand Prix qui s'y [...]

Les vacances d’avant…

Quelques photos de vacances en couple…  (les liens en bleu renvoient aux fiches descriptives des motos concernées  –  © Archives FMD-Moto-Collection.org sauf indication contraire) En 1926… en DKW en 1928… en Indian En 1932… en Dollar R2 En 1935… en René Gillet En 1937… en Motobécane 100 AB1 En 1945… avec des Motoscoot américains en 1957… […]