Du 3 au 6 mars 2022 a lieu le Salon du 2 roues à Lyon où on attend quand même, en plus des motos modernes qui sont aussi de la partie, près de 1500 motocyclettes de collection. Parmi elles (stand 6B23), une exposition magistrale et unique réalisée par Alain Nibart, moi-même et moto-collection.org qui réunit une sélection des grandes œuvres de Lino Tonti. De 1949 à 1979, cet ingénieur a conçu quelques-unes des plus fabuleuses motos italiennes, du très utilitaire Cigno pour Aermacchi à la V7 Sport Moto Guzzi en passant par nombre de machines de course, et, sous sa propre marque Linto (comme LIno TOnti) la Linto 500 et une autre Linto restée inconnue, la Dama 200 de 1953.
Drôle de Dame, un étonnant prototype unique de moto-scooter “flat one” quatre temps de 200 cm3 dont l’unique modèle est sur la région parisienne… au grand dam des Italiens !
Texte et photos François-Marie Dumas / moto-collection.org sauf mention contraire
Trop beau pour être vrai
Réalisé par lino Tonti en 1953 à 1954 à la commande d’industriels turinois qui ne donnèrent finalement pas suite, la 200 Linto Dama est certainement l’un des scooters à grandes roues les plus intelligents jamais construits et cet exemplaire est le seul existant.
Quel dommage qu’un concept aussi fascinant soit resté à l’état de prototypes d’étude. J’ai bien écrit prototypes avec un S car le même moteur fut aussi essayé sur deux motos dont une seule a survécu, et cette belle mécanique a été développée dans plusieurs cylindrées de 200 à 270 cm3 et même en version diesel. (Chut, il est, paraît-il, mal vu d’oser même penser à ce type de moteur aujourd’hui !). Une étude superbe, mais mieux vaut ne pas imaginer ce qu’une telle débauche technologique aurait pu couter, face, par exemple au très simpliste Moto Guzzi Galetto, qui eut été le concurrent direct de la Dama.
Flat One
Ce moteur pour reprendre une terminologie qui me paraît fort explicite, est un “flat one” c’est-à-dire avec un cylindre horizontal et transversal, une disposition idéale pour un scooter de par sa compacité et la facilité d’avoir une transmission acatène directement le long de la roue arrière. C’est un atout majeur, mais il ne s’applique bien sûr qu’à des scooters sophistiqués et chers, ce qui a limité sa diffusion. On le vit successivement le Ducati 250 Cruiser à transmission hydraulique en 1952-54, le BSA 200 Beeza en 1955 et le NSU Prima 5 de 1957 à 1960. Pour une compacité absolument maximale sur sa Dama, Lino Tonti a disposé sa boîte de vitesses parallèlement au cylindre. La transmission, dans le même alignement, s’effectue par arbre, cardan et flector. Le moteur est suspendu sous le cadre constitué d’un simple tube de gros diamètre avec des suspensions oscillantes avant et arrière amorties sur blocs caoutchouc.
En moto scooter ou moto, au choix
Monté sur des roues de 15 pouces (aux pneus quasi introuvables aujourd’hui !), la Dama a été étudiée dans ses moindres détails avec des petits coffres sur les flancs du garde-boue avant, un large capot couvrant le tunnel central qui, une fois ôté, donne un plein accès à la mécanique, la câblerie entièrement dissimulée sous le guidon en tube et tôle emboutie chromée, etc.
La version moto est bâtie exactement sur la même base et l’ailettage complet du bloc côté moteur comme côté boîte lui donne un aspect de gros cube bien qu’elle se limite à moins de 300 cm3.
Linto 200/270 Dama 1953
Bloc moteur 4 temps – 269, 232, 218 ou 197 cm3 (alésage 70, 65, 63 ou 60 mm, course 70 mm) – Soupapes culbutées – Vilebrequin sur 1 palier et bielle en porte-à-faux – Graissage sous pression et carter d’huile sous le moteur – Carburateur Dell’Orto ø 24 mm – Allumage par volant magnétique – Boîte 4 rapports et sélecteur double branche à droite – Embrayage multidisque humide – Transmission finale par arbre, flector et cardan – Cadre poutre tubulaire – Suspensions avant à roue poussée, arrière oscillante amortissement sur blocs caoutchouc – Freins à tambour simple came ø 175 mm – Pneus 3,50 x 15″ – env 100 km/h.
Décidément les “tiroirs de l’inconnu” renferment encore bien des merveilles oubliées !
Merci de nous les faire découvrir