Motos d’alu #3 – Side-Motor 1923-25

Les  Suisses inventent la poutre

Vite, fonçons vers la Suisse, à Moutier, où naît en 1923 en même temps que notre R.M. nationale, une autre partie cycle en alliage léger tout aussi étonnante et qui élargit un peu le cadre de notre étude des motos à cadre aluminium puisqu’il s’agit d’un side-car : le Side-Motor d’André Bechler, un engin étonnant et hors normes déjà présenté ici dans les fiches et plus longuement dans mon livre “Motos Insolites“.

André Bechler en personne pose sur son étrange moto sans moteur.

André Bechler, ingénieur, mécanicien, hommes d’affaires avisé, grand spécialiste de l’industrie horlogère de Moutier et motocycliste convaincu délaisse un temps ses tours automatiques pour s’adonner à sa seconde passion : la moto et plus précisément, le side-car dont il résout élégamment les problèmes inhérents à son asymétrie, en montant le moteur dans le panier. Pas bête, mais notre ingénieur Helvète ne se contente pas de revoir totalement l’agencement des différents composants de l’attelage (les brevets datent de 1917 et la première réalisation sur une base de vélo est de 1919), il lui invente une partie cycle absolument révolutionnaire entièrement réalisée en fonte d’aluminium qui apparaît sur le premier Side-Motor commercialisé en 1923 par la société Motosport qu’André Bechler vient de créer à Moutier. Entre autres projets Motosport fabriquera aussi dans les mêmes années que le Side-Motor, une intéressante voiturette qui ne sera jamais commercialisée.

À cinq sur un Side-Motor ! André Bechler aurait-il inventé le véhicule familial idéal ?

Le vélo “à side-car auxiliaire” des débuts

Lorsqu’il dépose son premier brevet de Side-Motor en 1917, André Bechler pensait surtout à réaliser un attelage le plus économique possible. Le prototype, réalisé en 1919, n’est en fait qu’un vélo à cadre ouvert accouplé à une structure légère en tubes supportant une troisième roue qu’un moteur, surdimensionné pour un tel engin, entraîne par l'intermédiaire de deux chaînes et d'un arbre.

L’histoire débute vers 1917. Plutôt que d’adapter péniblement un petit moteur auxiliaire sur un vélo, André Bechler invente et brevette le vélo à side-car auxiliaire motorisé. Un nouvel assemblage qui ne cherche sans doute pas (encore) à améliorer la répartition des masses d’un side-car, mais simplement à réaliser un véhicule le plus économique possible où un vélo à cadre ouvert est accouplé à un châssis de side-car léger en tubes où est installé le moteur qui entraîne la roue arrière du vélo par deux chaînes et un arbre intermédiaire. Bien qu’aucune indication ne soit donnée sur la cylindrée, la photo laisse supposer un MAG monocylindre à soupapes latérales qui devait s’avérer surpuissant sur une structure aussi légère ! Cocoricio (ou plutôt, Cou-Cou, car nous sommes en Suisse), ça marche. Il ne reste plus à André Bechler qu’à se lancer dans la construction de sa vraie moto à side-car moteur, que sa société Motosport ne produira qu’à 7 exemplaires de 1923 à 25.

De la Suisse dans les idées

L’idée de base est d’une logique tout helvétique : mieux répartir les masses en plaçant le moteur et ses accessoires dans le side plutôt que dans la moto. Logique matérielle doublée d’un beau slogan commercial « Un véhicule stable à trois roues, pour le prix d’une motocyclette » Le moteur, un excellent bicylindre MAG, fabriqué à Genève par Motosacoche, est ainsi disposé le long de la roue arrière de la moto. Une chaîne primaire le relie à la boîte de vitesses transversale, qui comprend un embrayage et deux rapports commandés par levier, et entraîne directement la roue de la moto. Celle-ci est la seule roue motrice, mais la roue du side est toutefois disposée dans le même axe (contrairement à l’usage en side-car qui voudrait qu’elle soit plus avancée). Cette roue libre du side est également suspendue sur deux éléments télescopiques comportant quatre ressorts hélicoïdaux. Le réservoir, naturellement disposé au-dessus de la mécanique, est même surmonté d’une selle passager qui paraît aussi haut perchée qu’inconfortable.

Les dessins du brevet: Tout y est en une planche.
Le premier prototype vu ici n’a pas encore de suspension avant,…
Cette photo du prototype de 1923 montre bien la disposition du MAG V twin et de sa boîte très spécifique.
La version définitive pose pour la photo du catalogue.

La nouveauté de cette disposition fait déjà du Side-Motor un véhicule unique dans l’histoire, mais son constructeur a été plus loin encore en concevant pour sa moto une partie cycle totalement révolutionnaire. Moteur et réservoir étant dans le side-car, André Bechler, libéré de toutes contraintes pour le dessin du cadre de la moto, s’est inspiré du vélo à cadre ouvert de ses premiers essais en remplaçant le simple tube par une très robuste poutre ajourée en alliage d’aluminium coulé qui semble être et de loin la première réalisation du genre dans l’histoire du motocyclisme. Elle a été testée, nous dit sa publicité, pour supporter sans faillir une charge statique de 1600 kg. Deux fers plats boulonnés de chaque côté de la poutre derrière la selle soutiennent la roue arrière qui s’inclue elle même dans toute une robuste triangulation boulonnée sur le châssis de la moto pour le side-car moteur. La boîte de vitesses à deux rapports commandés par levier est aussi volumineuse que spécifique. Elle est placée à côté du moteur qui l’entraîne par une chaîne primaire et se fixe directement sur le porte-moyeu de la roue de la moto. La boîte est supportée par un tube d’acier qui vient se fixer sous la selle. Sur l’avant du « side » un très long tirant relie le support moteur au niveau de la roue du side à la colonne de direction de la moto (il sera doublé dans certaines versions) et un tirant inférieur fixé au même niveau sur le side vient se boulonner sur le repose-pied droit de la moto. La partie side-car et moteur peut ainsi facilement se désaccoupler et il ne reste plus à gauche qu’un monumental vélo qui conserve même un pédalier et une chaîne, bien qu’on doute fort de son côté pratique en vélo solo !

Le Side Motor est l’une des plus curieuses tentatives de redonner un équilibre au side-car en y disposant la mécanique. Et les arguments du catalogue sont imparables : un véhicule à deux traces a beaucoup moins de chance qu’un tricycle à trois traces d’avoir une roue dans les pierres !

Une suspension unique en son genre

Quitte à réinventer le cadre autant réinventer aussi la suspension avant s’est sans doute dit André Bechler et sa fourche avant à parallélogramme est tout aussi novatrice que son cadre. Un unique té de fourche sous la colonne de direction ne maintient non pas deux mais quatre tubes. Sous ce té en fonderie deux tubes “arrière” sont dans l’axe de la colonne de direction. Au bas de ses tubes s’articulent deux biellettes reliées à la fourche avant. Des ressorts supérieurs et inférieurs sont enfermés dans ces tubes avant dans lesquels coulisse un support central qui prolonge vers l’avant le té de fourche.

Vous l’aurez remarqué, avec cette demi-parallélogramme l’articulation basse des tubes avant est soumise lors de ses mouvements à l’arc de cercle décrit par les biellettes tandis que les coulisseaux de la partie haute n’autorisent qu’une rotation d’avant en arrière

Une allure étonnante côté moto. Ne manquerait-il pas quelque chose ?

Le side-car à complications

Après les montres à complication, l’industrie horlogère suisse a inventé le side-car à complications, mais la clientèle helvète ne sera malheureusement guère séduite. La réalisation et sa technicité étaient certes superbes, mais dérangeantes par son anormalité et d’autre part fort peu performante avec ses 50 km/h annoncés . Sept exemplaires seulement auraient été vendus dont deux subsistent soit 28 % de la production. Quelques autres constructeurs audacieux tenteront plus tard l’expérience du cadre en alliage léger, mais, sauf erreur de ma part, il faudra attendre les années 50 en scooter et 70 en moto pour voir réapparaître des cadres poutre en fonderie d’aluminium, à une demi-exception près, la Greeves qui adopte en 1953 un simple berceau constitué d’une poutre avant en aluminium, tout le reste du cadre étant en tubes.

Side-car à complication… une certaine logique, restée incomprise.

Fiche technique

Moteur MAG bicylindre en V à soupapes latérales refroidi par air et disposé en long, sous le siège passager, dans le side-car – 495 cm3 (64 x 77 mm) – 4 ch – Boîte séparée transversale à 2 vitesses – Embrayage monodisque – Transmissions primaire par chaîne, secondaire directe sur le moyeu de roue arrière de la moto – Démarrage par kick-pédalier – Cadre moto : berceau ouvert en aluminium coulé – Suspension av. par fourche à parallélogramme spéciale – Châssis side-car constitué d’une triangulation en tubes d’acier rectilignes boulonnés – 150 kg – 50 km/h.

Cet article n’aurait pas pu être écrit sans la très aimable collaboration du musée du Tour Automatique de Moutier qui nous a confié ses archives et que je remercie très vivement.

Musée du Tour Automatique, 121 rue Industrielle, 2740 Moutier (CH) – Tel 41 0 324 936 847


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Pour compléter cet article avec des photos, merci de me joindre sur info@moto-collection.org

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2 commentaires sur “Motos d’alu #3 – Side-Motor 1923-25

  1. fmd dit :

    Bon, je vois que cette logique suisse ne te convainc pas et je partage ton point de vue, mais n’oublions pas le sujet principal de cette série d’article qui est l’histoires des motos à cadre en aluminium, une saga où le Side-Motor se doit de figurer.

  2. François Arsène dit :

    Faut-il commenter une pareille compilation de c … stupidités ? Tout ça pour arriver à un engin dont on ne voit pas la finalité : ou tu promènes un passager sur le tan-sad ou tu y mets des marchandises en hauteur puisque la faculté d’emport du side-car est mobilisée par la mécanique. Mais tiens, pourquoi le citoyen Bechler s’est-il privé d’un siège passager dans le col de cygne ? Il n’a pas osé ? Pourtant, au point où il en était … Je note que, sur le prospectus, le zinzin est qualifié de “véhicule le plus stable, le moins encombrant et le meilleur marché ” pour 14 professions comportant inspecteurs, agents d’assurance, ferblantiers, géomètres etc. mais pas de motocycliste dans la liste : un sursaut de lucidité sans doute !