Habits d’hiver : souvenirs de campagne

C’était il y a bien longtemps. Ni monsieur Tex Gore, ni madame Ni Lon n’étaient encore nés, le casque n’était qu’une calotte et les pauvres motocyclistes se débrouillaient en attendant. Cuirs imbibés d’eau, Barbours froids, offrant la viscosité glacée de leur graisse figée… sans oublier la rigole d’eau perverse qui coule lentement dans le cou ou derrière la fermeture non étanche, les gants, trempés gelés qui s’enroulent autour de la poignée de gaz, la première goutte que l’on sent infiltrer votre chaussette en sachant que ça va empirer et qu’il reste 300 bornes. Avec un peu de chance, en remuant les orteils, on évitera l’onglée, enfin, peut-être. Le masque ou le foulard est imbibé, voire givré, et, comme on ne voit déjà plus rien, il ne reste qu’à monter les Baruffaldi ou les Climax sur le Cromwell et à plisser les paupières… ça pique, mais, plus que 100 bornes… et ça va sûrement s’arrêter… et puis, ce putain de camion suivi d’un brouillard opaque. Un enfer liquide, froid et mouvant. La moto vacille dans les turbulences et je suis aveugle. Allez, on ouvre et on double au juger… c’est tout droit…

Pour les nostalgiques des hivers froids, on en avait déjà parlé ICI avec des motos à ski et à clous.

Souvenir d'une randonnée hivernale en 1978…

Rallye des Millevaches 1969. Un record pour cette première édition où le thermomètre descendit jusqu’à moins 18 °C… et on ne vous parle pas du froid “ressenti”. En Cromwel, foulard, canadienne de l’armée et pantalon de parachutiste déniché aux puces, je pose fièrement aux côtés de mon Aermacchi 250 Ala Verde, si pratique sur la neige avec guidons bracelets ET manchons ! J’avais du emmailloter le carburateur pour ne plus qu’il gèle tandis que mon ami Yves, au guidon de mon ex Terrot 175 Super Ténor, devait régulièrement jouer du camping-gaz lampe à souder pour ôter la gangue de glace qui bloquait la commande de l’embrayage sous le moteur ! Tranquille, Jean-Thierry en pardessus doublé journaux, ne posait même plus les pieds par terre pour rouler sur la glace avec sa Peugeot 350 P135 (un des rares modèles produits dans l’immédiat après-guerre). Nous avons même rencontré du côté de Châteauroux, une Mobylette attelée d’un side-car inclinable qui réparait avant de repartir vers l’innatteignable plateau des Millevaches. Quelques centaines de kilomètres sous et sur la neige donnant de l’assurance et, de retour à Paris en pleine nuit sur un périphérique enneigé nous, pauvres motards, étions stables, sûrs de nous et morts de rire, alors que les voitures paniquaient à 10 km/h.

 

Rallies d’hiver, une vraie maladie ! Méfiez-vous de ces randonnées hivernales et perverses, on prend vite goût à y souffrir… 1970 me vît ainsi de nouveau aux Millevaches, cette fois avec une Triumph 650 Bonneville de 969, accompagné du même Jean-Thierry qui avait troqué sa Peugeot pour une NSU 250 SuperMax. Les virées hivernales se poursuivirent par deux trois “Éléphants” et surtout une participation assidues aux “Croisières blanches” créées en 1978 par le regretté Philippe Jambert.

1000 kilomètres par essai minimum ! Ah, j’avais eu une bonne idée en ce début des années 70 à Moto Journal.  Et comme toutes les nouveautés arrivaient en plein hiver à Paris, pendant une bonne dizaine d’années avec Éric Maurice, Didier Ganneau, Paul Salvaire et plus épisodiquement Micou Monta,ge et d’autres membres de la rédaction, nous avons passé bien des semaines à faire des Paris-Côte d’Azur par le Massif central ou les Alpes et bien rarement par l’autoroute, mais dans un sens seulement. Quel calvaire… et quels souvenirs. C’est au milieu de ces années là qu’une nouvelle tête s’ajouta à notre bande, Christian Debarre, dit Bar2 qui allait créer et publier dans les colonnes de MJ pour commencer, son bientôt très célèbre Joe Bar Team. Curieux, le bar-d’en-face dans sa bande dessinée ressemble à s’y méprendre à celui au coin de la rue juste en face du journal à Boulogne où nous partagions plus souvent que nécessaire les mémorables souvenirs de nos essais… mais attention, toute ressemblance d’Édouard Bracame, Jean Manchzeck, Jean-Raoul Ducable ou Guido Brasletti avec des personnages existants, ou ayant existé serait pure coïncidence !

 

Et ce froid ! Vicieux, qui vous gagne lentement les doigts… pour commencer. Au prochain poste à essence, nous jouerons la danse des marionnettes, les mains en l’air en jurant sous la douleur de l’horrible onglée. Et puis le torse, les pieds, et les jambes qui mettront de si longues heures à se réchauffer qu’on aura l’impression d’avoir des glaçons à la place des os. Oui, bien sûr, il y avait le remède miracle du papier journal sur la poitrine, bien efficace ma foi… pendant un certain temps.

Le Barbour et autres Belstaff visqueux étaient déjà un progrès certain sur les “canadiennes” de mes débuts, chaudes certes, mais à peine plus étanche au vent qu’à la pluie. Au moins les tissus enduits et anglais vous laissaient-ils au sec un certain temps… à condition de les entretenir méticuleusement. Je me souviens avoir acheté une boîte de suint, pour regraisser, à chaud, mon Barbour et je me demande encore si s’il ne vaut pas mieux l’humidité que cette ignoble cuisine.

Attention, les yeux nos pauvres yeux de pauvres motards… que de souffrances en attendant le génial casque intégral et, plus récemment, nos jets actuels à visières qui ne s’embuent pas et ne se rayent pas ou presque, … après les petites lunettes à transparent en souple en mica, et les grosses Rod façon gendarme, nous eûmes droit aux fameuses “goggles” type RAF à pans coupés, très efficaces par temps sec. Plus snobs les Baruffaldi “comme Ago” avec un verre courbe, trop beau. Plus popu, les Climax, reprises de plus en plus économiques au fil des temps, des lunettes RAF. Bien entendu il fallait, pour jouer l’essuie-glace à temps continu, un gant dont un index était recouvert de chamois pour essuyer les verres. Un calvaire sous la pluie où je n’ai jamais trouvé la solution… La plus étonnante des lunettes essayées fut une paire de lunettes ovales des années 25 constituées simplement d’une plaque d’aluminium formée et percée de deux traits de scie en croix. Incroyable, mais efficace. On perd en champ de vision et en luminosité, mais on voit la route presque sans recevoir de gouttes de pluie.

Quel plaisir que la route hivernale d’aujourd’hui après tant et tant d’expériences cuisantes (est-ce bien le terme !). Au sec, au chaud et propre en dessous avec, en prime, des pneus qui tiennent même sur le mouillé, il ne nous reste plus qu’à profiter du voyage. D’accord, la pluie n’est toujours pas drôle, mais quel plaisir qu’une belle balade par un beau froid bien sec. Et même le cas échéant, sur la neige. Là, c’est comme pour les autos, mieux vaut un ancêtre léger et des petits pneus qu’une moto moderne. Même un gros trail à crampons ne vaut rien sur sol gelé !

Manchons :  sortes d’entonnoirs alors en cuir souvent doublés de la même fourrure que les tabliers Un vrai poème, une ode au manque d’imagination des constructeurs… et les modèles actuels n’ont guère évolué. La première fonction des manchons était d’actionner à temps continu l’embrayage et le frein avant. Il fallait donc, sur route, garder un doigt tendu pour éviter qu’il n’appuie trop sur les manettes. Le même doigt causait d’ailleurs immanquablement une gouttière. Pas vraiment grave, car, en général, vous aviez pris soin lors de l’arrêt précédent de laisser vos manchons gueule ouverte vers le haut de manière à bien se remplir de pluie ou de neige. C’est là qu’on apprécie à sa juste valeur les manchons en cuirs.  Bien imbibés et correctement refroidis, ils offrent une sensation à nulle autre pareille d’enfiler sa main dans un sac glaireux, gelé et visqueux qui s’enroule autour de vous en vous protégeant au moins quelques secondes d’une inéluctable onglée. Et malheur à qui avait des gants de couleur, elle tiendra mieux sur la peau vive que sur la morte !

C'était il y a bien longtemps. Ni monsieur Tex Gore, ni madame Ni Lon n'étaient encore nés, le casque n'était qu'une calotte et les pauvres motocyclistes se débrouillaient en attendant. Cuirs imbibés d'eau, Barbours froids, offrant la viscosité glacée de leur graisse figée… sans oublier la rigole d'eau perverse qui coule lentement dans le cou [...]

Top Mountain Museum : des nouvelles du feu

On en sait aujourd’hui un tout petit peu plus sur l’incendie qui a totalement détruit le Top Mountain museum, le musée le plus haut du monde à Hochgurgl en Autriche (et à quelques mètres de l’Italie qui s’appelle de ce côté Passo del Rombo).

Une video repiquée sur la page Facebook de Karol Burger montre les horribles restes des motos après l’incendie. Il n’a vraiment pas grand chose à récupérer.

Sur les 250 ou 270 motos d’exception visibles dans le musée seules quelques Indian de l’exposition temporaire ont pu être sauvées. Tout le reste a été détruit totalement dont une cinquantaine de motos prêtées par le Hockenheim museum. Une partie de ces motos rarissimes étaient au Top Mountain museum dans le cadre d’une exposition spéciale réunissant des motos ayant brillé aux mains de pilotes autrichiens. Il semblerait d’après les premiers rapports d’expertise que l’origine du feu vienne d’un moniteur de télévision.

Ci-après quelques unes des motos du Hockenheim museum qui ont disparu.

On a vraiment du mal à se remettre d’une telle catastrophe, pire encore que celle du National Motorcycle museum de Birmingham en 2003.

Zenith 1000 Super N JAP KTC 1923.

Cet exemplaire dans un superbe état d’origine est l’un des quatre construits en 1923 par le constructeur et pilote Freddie Barnes près de l’anneau de Brooklands. Elle appartint au champion autrichien Fritz Dirtl dit “der Blitz” (l’éclair) auteur à son guidon de nombreux records jusqu’en 1935.

NSU 125 Rennfox 1954.

Surnommée “Blauwal” (Baleine bleue), cette moto unique a remporté le championnat du monde 125 en 1954 aux mains de Ruppert Hollaus. Plus de détails ICI.

Imperia 350 GP Rudge Python 1933

Une rarissime Imperia à moteur Rudge Python à 4 soupapes radiales qui s’illustra aux mains du pilote allemand Ernst Loof.

Sunbeam 500 ACT-1925

John Greenwood ne construisit que quatre exemplaires de cette Sunbeam spéciale à simple ACT entraîné par arbre et couples coniques. Elle furent pilotées par le Suisse Francesco Franconi et l’Autrichien Rupert Kramer.

Horex Schnell 350 ACT 1953

Moins typiquement germaniques que leurs consœoeurs, les Horex conçues par Roland Schnell dans les années cinquante, associent le sérieux d’outre-Rhin à des concepts techniques faisant penser à l’Italie. L’explication est bien simple : le pilote-ingénieur responsable du développement des monocylindres de 1952-54, Roland  Schnell, venait de créer des merveilles chez Parilla. Pour en savoir plus sur cette unique 350 Horex-Schnell, c’est ICI.

Militaire 1126 cm3 1917

Cette très curieuse Militaire à roues d’artillerie en bois était d’une conception tout à fait moderne en dépit de son apparence. Pour en savoir plus c’est ICI.

Megola 640 Touren 1922

La Megola avec son moteur rotatif à 5 cylindres en étoile dans la roue avant est déjà un modèle rarissime, mais en voir une dans un tel état d’origine est totalement exceptionnel. Elle a malheureusement brulé comme toutes les autres motos exposées. Sa description complète est ICI.

On en sait aujourd'hui un tout petit peu plus sur l'incendie qui a totalement détruit le Top Mountain museum, le musée le plus haut du monde à Hochgurgl en Autriche (et à quelques mètres de l'Italie qui s'appelle de ce côté Passo del Rombo). https://www.facebook.com/motoFMD/posts/3618124904937242 Une video repiquée sur la page Facebook de Karol Burger [...]

Motos Standard : le simple ACT né du protectionnisme

A l’exception des plus grandes marques, on connaît assez peu les motos allemandes en France, et c’est parfois bien dommage comme en témoignent ces belles Standard à simples ACT des années 30 fort inspirées par les moteurs MAG. Ironie de l’histoire, ce sont les mêmes moteurs MAG A35 et A50 qui firent la gloire de Standard et de Monet Goyon. L’un va en profiter, pas l’autre.

Le superbe moteur de la Standard Rex Sport 1938. Dans les années trente, il existe beaucoup de monocylindres à arbre à cames en tête entraîné par arbre vertical et couples coniques, mais celui-ci est particulièrement moderne avec son graissage sous pression et sa culbuterie totalement enclose.

Wilhelm Gutbrod crée la Standard-Fahrzugfabrik GmbH à Ludwigsburg près de Stuttgart en 1925 et débute sa production de motos avec des 350 et 500 monocylindres et 750 bicylindre en V à moteurs JAP couplés à des boîtes Burman dans des cadres maison inspirés des HRD britanniques et dotés de freins avant et arrière couplés.

Il délaisse rapidement le motoriste anglais pour se tourner vers les moteurs suisses MAG fabriqués par Motosacoche à Genève associés à des boîtes de vitesses Hurth. Standard a même le privilège d’utiliser les moteurs MAG d’usine à simple ACT dessinés par Doug Marchant et avec lesquels Hermann Lang, futur champion automobile, est deux fois champion d’Europe en course de côte en 1929 et 30.

1930 : Standard a délaissé Jap pour se tourner vers les moteurs MAG avec, en haut de gamme, cette très luxueuse 1000 BT à soupapes semi culbutées.
Tout aussi touriste que la 1000, cette 500 BT à soupapes semi-culbutées de 1932 s’affiche toute prête pour le voyage lors du concours de la Villa d’Este en 2015.

L’Allemagne se referme au début des années 30 et il devient impossible, faute de devises, d’obtenir les moteurs helvêtes ; Standard développe donc ses propres mécaniques qu’il présente au salon de Berlin de 1933.

Standard a dessiné son moteur en s’inspirant du MAG simple ACT et en inclinant le cylindre vers l’avant. Les cotes restent identiques et l’entraînement de l’arbre à cames similaire, avec deux couples coniques, un arbre vertical renfermé dans un gros tube chromé du côté droit et des soupapes totalement enfermées et graissées sous pression comme BMW le fait depuis huit ans déjà et comme, au même salon 1933, les moteurs Bark qui équipent les Ardie. Contrairement à Motosacoche qui réservait ses ACT au circuit, Standard choisit la course en vente libre et ses superbes Rex 350 et 500 cm3 seront des modèles sport de 1933 à 1939, en versions routières ou tout terrain type ISDT (On dirait aujourd’hui scramblers). La fourche avant, caractéristique des Standard est à roue poussée type Castle (comme Harley-Davidson et Brough Superior). Elle fut utilisée sur le haut de gamme jusqu’aux derniers modèles1939. Le cadre à partie arrière rigide se dote (en option), au salon de Berlin 1938, d’une suspension arrière oscillante qui est la réalisation allemande la plus moderne d’alors.

Sensation au salon de Berlin de janvier 1933 où Standard présente cette étonnante 350 à simple ACT entraîné par arbre. Le levier articulé sur la fixation du repose-pied actionne la béquille centrale.
La 350 Standard de 1933 côté gauche : la transmission primaire vers la boîte Hurth à trois rapports s'effectue par chaîne duplex en bain d'huile et, bien que la distribution soit totalement enclose, le jeu aux soupapes peut être ajusté depuis l'extérieur. Le réservoir d'huile est intégré dans l'avant du carter et généreusement ailetté.
Le catalogue de 1937.
La 500 Rex Sport présentée au salon 1937. Extérieurement les versions 350 et 500 diffèrent essentiellement par leur transmission secondaire, à droite sur les 350 et à gauche sur les 500.
La 350 dans une nouvelle version apparue en 1938 avec les deux silencieux en position basse, coffre de réservoir et 4 vitesses à main (le sélecteur est en option) et la chaîne est à droite, Comme tout le haut de gamme Standard la fourche est une Castle à roue poussée et le freinage est couplé avant arrière.
Standard est l'une des rares marques qui insistait sur la vocation touristique de ses modèles à ACT.
Pour 1938, Standard propose en option cette suspension arrière oscillante où la rigidité est assurée par un guidage du bras dans un coulisseau intégrant les ressorts.

Dans le même temps, Standard avait diversifié sa production, avec des versions à soupapes latérales, elles-aussi d’un dessin fort original, et une voiturette 400 cm3 bicylindre deux-temps conçue par l’ingénieur Joseph Ganz et présentée à ce même salon 1933. Juste après la guerre, les dernières Standard seront distribuées en Suisse par Zehnder après que cette marque aît cessé, vers 1930, de produire sa célèbre petite Zehnderli deux temps.

Standard 500 Kurier 1938.
Standard 200 Rekord 1938.
Une des toutes dernières Standard 500 produites photographiée en France vers 1950.

Motoculture franco-allemande

Standard-Gutbrod qui fabriquait déjà des motofaucheuses à la veille de la seconde guerre mondiale s’installe à Bubingen, près de Saarbrucken dans la Sarre après 1945 et devient la Motostandard GmbH. La Sarre étant occupée par les français, la distribution se fait naturellement vers notre pays, et la firme au Puma développe de nombreux motoculteurs et de porte-outils,réputés, commercialisée en Allemagne sous le nom Farmax, ,Farmax standard, Gudbrod. … ou MotoStandard.

En 1958 MotoStandard s’associe à Monet Goyon pour la fabrication de motoculteurs et de moteurs légers de bateaux qui jusqu’en 1959, seront encore siglés par la marque de Mâcon. C’est hélas la fin pour Monet Goyon qui est totalement absorbé par MotoStandard. La marque se consacre dés lors exclusivement à la motoculture avec des moteurs MAG-Gutbrod, puis Faryman, Renault, Kubota et Isuzu.  Tué par la concurrence japonaise Motostandard licencie tout son personnel (1900 personnes en 1970) et se fait racheter par l’américain MTD.

Protectionnisme des années 30 : À qui perd gagne

Protectionnisme dans toute l’Europe au début des années trente et, ce sont paradoxalement ces mesures restrictives qui vont pousser à la diffusion des techniques les plus prisées.

L’un des meilleurs exemples est ce moteur 350 cm3 à simple ACT entraîné par arbre et couples coniques créé par Doug Marchant en 1926 pour Chater Lea sur la base de moteur Blackburne culbuté transformé par le maître. Doug Marchant franchit pour la première fois le cap des 100 mph (160,9 km/h) en septembre 1926 avec ce moteur dont le dessin deviendra sa marque de fabrique chez Motosacoche. Il y crée en 1928 les célébrissimes moteurs MAG A 350 et 500 qui, outre Motosacoche, vont faire le succès de Condor, OD, TWN, Standard et, en France, de New Map et Monet Goyon.

Précédant le protectionnisme allemand du début des années 30 (tout autant dicté par une volonté d’autarcie que par un manque de devises), notre pays crée en 1929 un championnat de France franco-français où ne concourent que des motos à moteurs, boîte, carburateurs, magnétos, cadre, fourche et roues de fabrication française montées par un pilote de même nationalité ! Enfin, nos motos et pilotes ont toutes leurs chances !!

Monet Goyon dont les 350 et 500 à moteurs suisses MAG à ACT ont raflé les podiums de notre Grand Prix National en 1928 avec Gaussorgues en 500, en 1929 avec Gaussorgues et Richard en 350 et 500 et en 1930 avec Debaisieux. (3e en 350 au Grand Prix de UMF le 21 septembre à Pau, puis 1er au GP de France à Montlhéry le 5 octobre 1930) continue en 1930 d’utiliser des MAG A 350 et 500 dans les courses internationales, et trouve par ailleurs la solution politiquement correcte en rachetant Kœhler Escoffier à Raymond Guiguet qui a développé (lui-aussi inspiré par Doug Marchant ?) des mono et bicylindres à simple ACT. Ces fort belles machines jusqu’alors fort fragiles en raison du manque de finances chronique de Raymond Guiguet peuvent enfin être fiabilisées grâce aux largesses de Monet Goyon et Marcel Château est promu champion de France 1930 en 500 cm3 avec sa Kœhler Escoffier en couvrant 150 km à 97,238 km/h de moyenne. Faut dire qu’il n’y avait que deux partants et que Durand sur une autre Kœhler abandonna ! Bonne idée que de promouvoir notre production nationale, mais l’élimination pure et simple de toute concurrence fait que ce Championnat de France disputé en une seule épreuve à Montlhéry le 31 aout 1930 sur le petit circuit de 5 km est une totale esbrouffe réservé aux motos 100% françaises alors que Norton, AJS, et moteurs MAG dominent les 350 et les 500 dans toutes les courses internationales. Dans le même temps les constructeurs allemands et Standard en particulier, ont mis à profit le même protectionnisme pour développer et améliorer leurs produits tandis que nos constructeurs n’en ont profité que pour courir entre eux avec des motos non concurrentielles au niveau international.

A l’exception des plus grandes marques, on connaît assez peu les motos allemandes en France, et c’est parfois bien dommage comme en témoignent ces belles Standard à simples ACT des années 30 fort inspirées par les moteurs MAG. Ironie de l'histoire, ce sont les mêmes moteurs MAG A35 et A50 qui firent la gloire de [...]

La Triumph Speed Twin à compresseur des records de 1938

A l’occasion du 6Café Racer Festival à Montlhéry en 2018, j’avais organisé pour le compte de Café Racer une exposition dans le grand pavillon ovale «1924» de 18 motos ayant battu des records de vitesse sur cet autodrome, je vous laisse retourner aux articles publiés ici alors pour vous rafraîchir la mémoire, mais l’expo accueillait aussi une intruse que je m’étais alors contenté de citer brièvement, car elle était de fait la seule à n’avoir jamais connu cet anneau. La Triumph Speed twin très spéciale de Wicksteed et Winslow s’était en fait rendue célèbre sur un autre anneau, l’homologue de notre autodrome en Grande-Bretagne à savoir l’anneau de Brooklands dans le Surrey à quelques kilomètres de Londres. Et bien la voici !

Photos François-Marie Dumas sauf mention contraire

Dick Shepherd, grand collectionneur de Triumph a racheté la moto de la seconde tentative de record puis retrouvé toutes les pièces de celle du premier record pour reconstituer l’original.

Marius Winslow est pilote (avec un nom prédestiné Win : gagner, Slow : lentement !), Ivan Wicksteed, mécanicien et préparateur. Séduits par la présentation de la nouvelle 500 Triumph Seed Twin au salon d’Earls Court en 1937, ils sont convaincus qu’ils ont là la base idéale pour en faire une machine de record. iIs rencontrent son créateur, le big boss de Triumph, Edward Turner, et tentent de lui soutirer une machine ou au moins un prix spécial puis, comme Turner les envoie paître, les deux compères achètent la moto sur leurs propres deniers et vont se débrouiller sans la moindre aide de Triumph. Leur but : battre un record de vitesse dans la catégorie 500 cm3 sur les 4,43 km de l’autodrome de Brooklands.

Pour ce faire, ils greffent sur le moteur de la 500 Speed Twin un compresseur Arnott Concentric logé derrière les cylindres, entraîné par une chaîne simple avec un tendeur mécanique en bout de vilebrequin et gavé sur le côté droit par un carburateur Bowden à double cuve.

Pari tenu. Le 8 octobre 1938, en dépit d’un fort vent, ils établissent un record du tour en catégorie 500 cm3 à 189,93 km/h de moyenne sur le célèbre anneau ; un exploît qui ne sera jamais battu et pour cause. Déjà doté de règlements très contraignants en raison de sa proximité de Londres – silencieux obligatoires et horaires d’essais très limités – l’autodrome de Brooklands acceuille sa dernière course le 7 août 1939. Il est ensuite totalement affecté à la Royal Air Force dès le début de la seconde guerre mondiale en 1939. Partiellement détruit durant les hostilités, l’anneau est alloué définitivement à Vickers-Armstrongs, un conglomérat d’entreprises britanniques d’aéronautique, qui s’empresse de raser une grande partie de l’anneau surélevé pour construire la piste nécessaire à ses activités d’avionneur.

Marius Winslow et sa Speed Twin à compresseur (Photo prise sur internet sans source indiquée)

Toujours prompt à réagir Edward Turner s’excuse de son précédent refus et a fait publier de pleines pages de pub pour souligner la victoire de « sa » Speed Twin ! Désormais assistés par l’usine Triumph, Wicksteed et Winslow veulent alors tenter un nouveau record à plus de 120 mph (193 km/h). Ils modifient une partie cycle de la dernière Tiger 100 de 1939 pour y monter le nouveau moteur de la T100 avec la fixation du cylindre par huit goujons, une culasse bronze spéciale et, bien sûr, le compresseur Arnott Concentric

Ce moteur à culasse spéciale ne donna malheureusement pas les résultats escomptés et le projet tomba définitivement aux oubliettes en juin 1939. Entretemps, en mars 1939, Ivan Wicksteed et David Whitworth établissent un nouveau record à Brooklands et remportent le prestigieux Maudes Trophy pour Triumph, mais cette fois sur une T100 entièrement standard en roulant pendant six heures à une moyenne de 126,33 km/h avec un dernier tour à 142 km/h.

La Speed Tween original dans son édition 1939.

Pour la petite histoire nombre de motos ayant couru sur l’autodrome de Brooklands y revinrent dans les années 80-90 avec l’énorme collection de Brian Angliss (photos ci-dessous), qui avait repris la construction des automobiles Cobra. Une grande partie de cette collection aujourd’hui disséminée se retrouve au National Motorcycle museum de Birmingham et au Brooklands museum.

La partie subsistante de l’autodrome de Brooklands photographiée par John Chapman (Pyrope) en 2007.
A l’occasion du 6e Café Racer Festival à Montlhéry en 2018, j’avais organisé pour le compte de Café Racer une exposition dans le grand pavillon ovale «1924» de 18 motos ayant battu des records de vitesse sur cet autodrome, je vous laisse retourner aux articles publiés ici alors pour vous rafraîchir la mémoire, mais l’expo accueillait aussi [...]

Harley et un italien inventent la moto à 4 roues

Les premières automobiles s’étant inspirées des chariots et calèches hippomobiles, pourquoi le cheval mécanique qu’est la moto ne s’attelerait-elle pas à un sulky, vous savez, cet attelage très léger et sans caisse portant seulement le siège rudimentaire du jockey pour les courses de trot attelé.

 

C’est ce que semble avoir inventé le milanais S. Barattelli en 1914. Son attelage sur une Rudge se présente comme un double side-car. Chaque caisse s’appuie sur sa propre roue et chacune est reliée par une traverse flexible en bois qui s’appuie sur une grande lame de ressort en C. Une barre relie les nez des deux caisses et un tube en son centre vient se fixer sur le tube central de la moto par un joint de cardan. L’ensemble peut prendre les virages les plus serrés sans risque de se retourner et même s’il n’est chargé que d’un côté promet son inventeur. Cerise sur le gateau, le double side une fois détellé fait le plus original des canoés !

photo Hughes Desceliers - Barber museum-USA

Inspiré ou non par cette idée géniale, Harley Davidson présente en 1915 le « Cygnet rear cab ». Il s’agit cette fois d’une volumineuse caisse sur deux roues pouvant recevoir deux personnes ou des marchandises et qui vient s’atteler par deux bras extérieurs au niveau des repose-pieds pilote de la moto. Et pourtant ça tourne !L’Harley Davidson 1915 est animée par un bicylindre de 1000 cm3 à soupapes opposées (culbutée pour l’admission et latérale pour l’échappement). Alimenté par un unique carbu Schleber, il développe l’imposante puissance de 11 ch à 3000 tr/min, a une boîte 3 vitesses à main et un seul frein à l’arrière. Poids annoncé de la moto seule : 145 kg et vitesse 105 km/h.

photo Hughes Desceliers - Barber museum-USA

N’oubliez pas les commentaires à la suite de cet article ! Les lecteurs l’ont commenté et complété , le musée du side-car de Cingoli en particulier, avec  quelques photos de ses archives.

 

Les premières automobiles s’étant inspirées des chariots et calèches hippomobiles, pourquoi le cheval mécanique qu’est la moto ne s’attelerait-elle pas à un sulky, vous savez, cet attelage très léger et sans caisse portant seulement le siège rudimentaire du jockey pour les courses de trot attelé.   C’est ce que semble avoir inventé le milanais S. Barattelli [...]