Quelques tranches d’histoire de la moto
avec une forte prédilection pour ce qui est curieux,
innovant ou inconnu et les dernières nouvelles de notre petit monde
Dick Shepherd, grand collectionneur de Triumph a racheté la moto de la seconde tentative de record puis retrouvé toutes les pièces de celle du premier record pour reconstituer l’original.
Marius Winslow est pilote (avec un nom prédestiné Win : gagner, Slow : lentement !), Ivan Wicksteed, mécanicien et préparateur. Séduits par la présentation de la nouvelle 500 Triumph Seed Twin au salon d’Earls Court en 1937, ils sont convaincus qu’ils ont là la base idéale pour en faire une machine de record. iIs rencontrent son créateur, le big boss de Triumph, Edward Turner, et tentent de lui soutirer une machine ou au moins un prix spécial puis, comme Turner les envoie paître, les deux compères achètent la moto sur leurs propres deniers et vont se débrouiller sans la moindre aide de Triumph. Leur but : battre un record de vitesse dans la catégorie 500 cm3 sur les 4,43 km de l’autodrome de Brooklands.
Pour ce faire, ils greffent sur le moteur de la 500 Speed Twin un compresseur Arnott Concentric logé derrière les cylindres, entraîné par une chaîne simple avec un tendeur mécanique en bout de vilebrequin et gavé sur le côté droit par un carburateur Bowden à double cuve.
Pari tenu. Le 8 octobre 1938, en dépit d’un fort vent, ils établissent un record du tour en catégorie 500 cm3 à 189,93 km/h de moyenne sur le célèbre anneau ; un exploît qui ne sera jamais battu et pour cause. Déjà doté de règlements très contraignants en raison de sa proximité de Londres – silencieux obligatoires et horaires d’essais très limités – l’autodrome de Brooklands acceuille sa dernière course le 7 août 1939. Il est ensuite totalement affecté à la Royal Air Force dès le début de la seconde guerre mondiale en 1939. Partiellement détruit durant les hostilités, l’anneau est alloué définitivement à Vickers-Armstrongs, un conglomérat d’entreprises britanniques d’aéronautique, qui s’empresse de raser une grande partie de l’anneau surélevé pour construire la piste nécessaire à ses activités d’avionneur.
Marius Winslow et sa Speed Twin à compresseur (Photo prise sur internet sans source indiquée)
Toujours prompt à réagir Edward Turner s’excuse de son précédent refus et a fait publier de pleines pages de pub pour souligner la victoire de « sa » Speed Twin ! Désormais assistés par l’usine Triumph, Wicksteed et Winslow veulent alors tenter un nouveau record à plus de 120 mph (193 km/h). Ils modifient une partie cycle de la dernière Tiger 100 de 1939 pour y monter le nouveau moteur de la T100 avec la fixation du cylindre par huit goujons, une culasse bronze spéciale et, bien sûr, le compresseur Arnott Concentric
Ce moteur à culasse spéciale ne donna malheureusement pas les résultats escomptés et le projet tomba définitivement aux oubliettes en juin 1939. Entretemps, en mars 1939, Ivan Wicksteed et David Whitworth établissent un nouveau record à Brooklands et remportent le prestigieux Maudes Trophy pour Triumph, mais cette fois sur une T100 entièrement standard en roulant pendant six heures à une moyenne de 126,33 km/h avec un dernier tour à 142 km/h.
La Speed Tween original dans son édition 1939.
Pour la petite histoire nombre de motos ayant couru sur l’autodrome de Brooklands y revinrent dans les années 80-90 avec l’énorme collection de Brian Angliss (photos ci-dessous), qui avait repris la construction des automobiles Cobra. Une grande partie de cette collection aujourd’hui disséminée se retrouve au National Motorcycle museum de Birmingham et au Brooklands museum.
La partie subsistante de l’autodrome de Brooklands photographiée par John Chapman (Pyrope) en 2007.
A l’occasion du 6e Café Racer Festival à Montlhéry en 2018, j’avais organisé pour le compte de Café Racer une exposition dans le grand pavillon ovale «1924» de 18 motos ayant battu des records de vitesse sur cet autodrome, je vous laisse retourner aux articles publiés ici alors pour vous rafraîchir la mémoire, mais l’expo accueillait aussi [...]
Les premières automobiles s’étant inspirées des chariots et calèches hippomobiles, pourquoi le cheval mécanique qu’est la moto ne s’attelerait-elle pas à un sulky, vous savez, cet attelage très léger et sans caisse portant seulement le siège rudimentaire du jockey pour les courses de trot attelé.
C’est ce que semble avoir inventé le milanais S. Barattelli en 1914. Son attelage sur une Rudge se présente comme un double side-car. Chaque caisse s’appuie sur sa propre roue et chacune est reliée par une traverse flexible en bois qui s’appuie sur une grande lame de ressort en C. Une barre relie les nez des deux caisses et un tube en son centre vient se fixer sur le tube central de la moto par un joint de cardan. L’ensemble peut prendre les virages les plus serrés sans risque de se retourner et même s’il n’est chargé que d’un côté promet son inventeur. Cerise sur le gateau, le double side une fois détellé fait le plus original des canoés !
photo Hughes Desceliers - Barber museum-USA
Inspiré ou non par cette idée géniale, Harley Davidson présente en 1915 le « Cygnet rear cab ». Il s’agit cette fois d’une volumineuse caisse sur deux roues pouvant recevoir deux personnes ou des marchandises et qui vient s’atteler par deux bras extérieurs au niveau des repose-pieds pilote de la moto. Et pourtant ça tourne !L’Harley Davidson 1915 est animée par un bicylindre de 1000 cm3 à soupapes opposées (culbutée pour l’admission et latérale pour l’échappement). Alimenté par un unique carbu Schleber, il développe l’imposante puissance de 11 ch à 3000 tr/min, a une boîte 3 vitesses à main et un seul frein à l’arrière. Poids annoncé de la moto seule : 145 kg et vitesse 105 km/h.
photo Hughes Desceliers - Barber museum-USA
N’oubliez pas les commentaires à la suite de cet article ! Les lecteurs l’ont commenté et complété , le musée du side-car de Cingoli en particulier, avec quelques photos de ses archives.
Les premières automobiles s’étant inspirées des chariots et calèches hippomobiles, pourquoi le cheval mécanique qu’est la moto ne s’attelerait-elle pas à un sulky, vous savez, cet attelage très léger et sans caisse portant seulement le siège rudimentaire du jockey pour les courses de trot attelé. C’est ce que semble avoir inventé le milanais S. Barattelli [...]
Si la moto est concurrencée par les voiturettes, la meilleure réaction n’est-elle pas de faire participer la moto au boum des voiturettes. C’est le raisonnement que tinrent les motoristes Ydral et AMC et ce dernier ne fît pas les choses à moitié avec un moteur 280 cm3 à simple ACT dérivé du 250 de la moto. Exceptionnellement, ce blog sera donc consacré à une automobile !
Photos du moteur AMC : François-Marie Dumas – Doc. auto extraite de différents sites sur internet.
Difficile de reconnaître le 250 AMC sous cet angle montrant la turbine de refroidissement par air forcé et le différentiel.
Le beau bloc AMC a perdu son kick mais a gagné 30 cm3 et un démarreur électrique.
La vue aérienne montre bien l'ensemble des rajouts sur le 250 AMC original. Une bien grosse et onéreuse transformation pour un bien modeste résultat !
La soufflerie est constituée par une énorme pièce de fonderie et le démarreur sous le moteur.
Mauvais timing, manque de mise au point, le moteur 250 cm3 des Ateliers Mécaniques du Centre n’a pas connu le grand succès escompté, mais une nouvelle mode fait alors fureur, les voiturettes dont on ne compte plus les réalisations. L’un de ces multiples projet, la Galy, est réalisée par les Forges et Ateliers de la Vence et de la Fournaise (FACVF), 31 à 47 boulevard Anatole France en Seine-Saint -Denis, une adresse célèbre car ces batiments construits en 1915, acceuillirent successivement le constructeur Grégoire (1919), la société nouvelle pour l’automobile Amilcar (1924), la Société des forges et ateliers de la Vence (1940), Ettore Bugatti (1942), la Société d’emboutissage et d’usinage de Saint-Denis (1946), les Forges et Ateliers de la Vence et de la Fournaise auteur du Galy en 1954, les forges de Strasbourg puis Ameliorair ou encore les ateliers de travail du bois Guyon et Dernis (1960). Fort de cette expérience automobile, les petits coupés Galy de FACVF se différencient de la majorité des autres productions habillées de polyester par leur carrosserie tout acier en tôle de 8/10e.
Le très élégant coupé Galy Vibel dans sa mouture 1955.
Le 280 mis en place dans la voiturette. (photo issue du net, je ne sais pas d'où, mais j'aimerais bien que l'auteur me contacte !)
La Galy se présente au salon 1954 comme unélégantpetit coupé deux places à moteur arrière Ydral 175 ou AMC 250 qui promettait 15 chevaux à 6000 tr/min 80 km/h. Pour la production, qui débute en 1955, AMC a porté son moteur à 280 cm3 et annonce dorénavant 18 ch et 96 km/h.
AMC n’y a pas été à l’économie en transformant la base mécanique du moteur de la moto avec une énorme turbine de refroidissement par air forcé en aluminium coulé. Un court carter de transmission par chaîne entraîne un différentiel. La boîte ne comporte plus que trois vitesses avant, mais s’offre une marche arrière tandis qu’un volumineux démarreur type automobile prend place sous l’avant du moteur. Il semble malheureusement que cette belle mécanique, baptisée Guépard, n’ait pas séduit d’autre marque que Galy et la voiturette n’aura qu’une production très confidentielle de 1955 à 1957. Galy listera pourtant trois modèles, les coupés jumeaux Vibel et Visport avec le 280 AMC et la Vistand, une mini jeep présentée en 1956 avec un moteur Ydral de 175 cm3
Annoncée à 257 000 F sur le prospectus 1955, la belle Galy passe à 337 000 F en 1956 soit le même prix que la Voisin construite en Espagne avec un moteur Gnome & Rhône, mais plus chère que l’Isetta Velam à 297 000 et la Paul Vallée à 285 500 (source Wikipedia)
Au moins trois AMC 280 cm3 ont survécu, l’un est exposé au musée de Guy Baster à Riom n° 1021 et un autre est chez une bande d’amateurs d’AMC à Beaune-le-Froid (n°1018) et il me semble qu’il y a un coupé Galy au musée automobile du Mans. La numérotation laisse supposer que la production a été vraiment limitée !
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Au salon de Paris en 1956 . Au premier plan la Vistand à moteur Ydral de 175 cm3 tandis que la Vibel, au fond, s'offre une nouvelle calandre.
Si la moto est concurrencée par les voiturettes, la meilleure réaction n’est-elle pas de faire participer la moto au boum des voiturettes. C’est le raisonnement que tinrent les motoristes Ydral et AMC et ce dernier ne fît pas les choses à moitié avec un moteur 280 cm3 à simple ACT dérivé du 250 de la [...]
Les tentatives des constructeurs de motos français de monter en cylindrée n’ont décidément pas eu de chance. Fort de ses succès mérités en 125/175 cm3 avec ses moteurs quatre temps culbutés, AMC, les Ateliers Mécaniques du Centre à Clermont-Ferrand, lancent en 1952 un très moderne 250 cm3 à ACT entraîné par chaîne. Nos marques nationales sont enthousiastes. Hélas, l’AMC 250 manque de mise au point, coute fort cher et arrive bien mal dans un marché en pleine dégringolade.
Les historiques et caractéristiques techniques de la plupart des motos équipées du 250 AMC sont accessibles en cliquant sur les liens en bleu
De gauche à droite Henri, Gilbert et Louis Chartoire inspectent la version prototype de leur nouveau moteur 250. La dynamo est encore derrière le cylindre.
Un bloc massif et très moderne avec un simple ACT entrainé par chaîne. Il développe la puissance alors fort honnête de 15 ch à 6000 tr/min
AMC, les Ateliers Mécaniques du Centre spécialisés au départ dans les machines-outils, sont créés avant-guerre par Louis et Henri Chartoire. Ils lancent leurs premiers moteurs de motos 125 cm3 quatre temps culbutés en 1942 et leur plus grosse cylindrée, la 250 qui nous occupe aujourd‘hui, est présentée au salon de Paris en 1952 . De 1942 à leur fin d’activité en 1959, AMC motorisera près de 10 000 motos, vélomoteurs et scooters.
Conçus et fabriqués dans le Puy-de-Dôme, 9 rue Agrippa d’Aubigné à Clermont-Ferrand, les moteurs AMC quatre temps 125 150 et 175 cm3 ont vite acquis une belle réputation et ont été utilisés par 17 marques, en France bien sûr, mais aussi en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Grande-Bretagne. Dopé par ce succès les frères Chartoire assistés par Gilbert, fils de Louis, qui prendra d’ailleurs une part active au développement du cette nouveauté, décident de passer à la cylindrée supérieure avec ce moderne 250 cm3 à simple ACT à chaîne. Il arrive malheureusement trop tard sur le marché, fin 1952, au moment où tous les petits constructeurs assembleurs commencent à avoir bien du mal à joindre les deux bouts et ceux qui verront dans ce moteur une planche de salut le paieront chèrement à commencer par AMC.
En prélude au salon 1952, la 250 Guiller Frères pose devant l'équipe de la marque. Son moteur prototype est encore équipé d'une dynamo entraînée par chaîne derrière le cylindre. Les frères Guiller se séparent en 1954 en René Guiller et Guiller S.A.
Un si beau brouillon
Le massif bloc-moteur 250 AMC peut aisément passer pour un 500 et, visuellement, cette stature est plus qu’appréciée par le marché. On chuchote d’ailleurs qu’AMC en projette une version 350 cm3. Rançon de sa taille, il est lourd pour un 250 cm3 et pèse 48 kg à sec. Une plus longue mise au point en aurait sans doute fait une excellente mécanique, mais en l’état le 250 a quelques faiblesses, il vibre aux moyens régimes, manque de souplesse et ne révèle son caractère qu’au-dessus de 4500 tr/min. Il est aussi assez bruyant et révèle plusieurs défauts qui ne seront jamais corrigés, dont une commande d’embrayage trop dure, un kick qui attaque à mi-course et une pompe à huile qui n’est plus entraînée lorsqu’on débraye. Passage au point mort obligatoire aux feux rouges !
Il a pourtant évolué depuis le prototype de 1952. La dynamo entraînée par chaîne derrière le cylindre a été remplacée par un volant dynamo Morel en bout de vilebrequin et la commande des soupapes par poussoirs et patins sur l’ACT sera vite remplacés par des rouleaux.
Le prospectus Guiller au salon de Paris 1952
La DS Malterre présentée en 1952 avec une suspensionnsion coulissante adopte en octobre 1953 une toute nouvelle partie cycle.
DS Malterre a adopté sur sa 250 sa fameuse suspension à progressivité variable développée sur sa 175 course pour le Bol d’Or. Le dessin, emprunté à Moto Revue, en explique bien le fonctionnement qui amène un amortissement de plus en plus raide au fur et à mesure de l’enfoncement et un débattement, inconnu à l’époque, de 140 mm.
Pas solide le 250 AMC ?
Pas si fragile quoiqu’on en dise le 250 AMC, car dans les quatre premiers mois de 1956 alors que les derniers contingents français vont quitter l’Indochine, David Williams et Bernard Colomb reliaient Saigon à Paris sur deux Guiller 250 chargées de 120 kg de bagages. L’aventure se termine le 21 avril à Téhéran faute de pouvoir y trouver une roue arrière de rechange et les deux compères rentrent à Paris par avion, mais ils ont traversé sans autre ennui moteur d’un linguet d’embrayage cassé, le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande et la Malaisie. Le trajet via la Birmanie a du être abandonné car il n’y a plus de routes depuis la guerre. Après un saut en avion jusqu’en Inde, à Calcutta, les deux Guiller 250, passent par Benares, New Delhi où ils cassent justement leur linguet qui leur est renvoyé par AMC et qu’ils reçoivent 6 jours plus tard. Ils partent à l’assaut du Tibet à plus de 3000 mètres, dans la neige et la boue, et arrivent au Pakistan. Si les moteurs ronronnent sagement, les parties cycle n’apprécient que modérément la piste, les cailloux et la tôle ondulée. Le cadre de David se fend vers Téhéran tandis que Bernard doit rerayonner sa roue arrière après de multiples crevaisons.
Encore un emprunt à Moto Revue dans le n° 1314 de 1956.
Marcel Pahin 1er au Bol d'Or 1956 devant une NSU avec son coéquipier Bordas dans la catégorie 250 course. Un titre plutôt fallacieux car il ne sont que 2 dans cette catégorie ! La 250 Automoto est par contre classée 35e au général derrière les 8 autres 250 (des deux temps Pannonia en tête ) en Cie Sport et série, mais devant la meute de onze 175
De gauche à droite, Marcel Pahin avec son pull Automoto, Marcel Violet et Henri Chartoire en veste de cuir.
Chères, chères, les 250 à moteur AMC en 1955
Chères, chères, les 250 à moteur AMC et la vie est encore bien difficile au milieu des années 50. Jugez-en sur quelques chiffres pour 1955. Le Smic mensuel est de 20 700 F, la 2CV vaut 465 100 F, un 50 cm3 aux alentours de 50 000 F et les 125 cm3 de 100 à 190 000 F. En gros cubes, il faut débourser 316 000 F pour une Triumph 500 Speed Twin, 259 000 F pour la Terrot 500 RGST et 211 000 pour la nouvelle 250 OSSD ; la placide Motobécane 350 L4 est à 239 000 F et la Peugeot 250 deux temps bicylindre à 214 000 F. Dure concurrence pour les 250 AMC « offertes » par ordre de prix décroissant à 266 500 F pour l’Alcyon, 258 500 à 260 500 en version standard ou sport pour la DS Malterre, 259 pour l’Automoto, 255 pour la Gima et 250 000 pour la Guiller.
Influenceur de concepts
Pas facile de se faire une place et de créer une personnalité dans le marché foisonnant des petits constructeurs des années 50. Tous ont les mêmes fournisseurs, moteur Ydral ou AMC, réservoirs de chez Mottaz, freins Ideal, Saperli ou les chers Collignon, poignées Saker et selles Aurora. Contraints par cette homogénéité forcée, chaque marque rivalise d’inventivité pour se différencier sur ce qui leur reste, les cadres et leurs suspensions. Admirez donc tout particulièrement la suspension arrière semi-oscillante à flexibilité variable de la DS Malterre et le somptueux cadre coque en aluminium du prototype AGF.
Celles qui ne furent pas produites
L’AGF 250 de 1953, ici présentée par le regretté André Kiéné, est restée à l’état de prototype. Son habillage très enveloppant est l’un des plus réussis dans ce genre qui faisait alors, fureur. Toute la partie arrière est constituée d’une coque en fonderie d’alu qui se sépare longitudinalement en deux parties et qui intègre feux et plaque arrière. Le réservoir se prolonge par le phare avec une console regroupant voyant de point mort, compteur et compte-tours. La suspension avant, ici croquée par Gedo, fait travailler deux blocs de caoutchouc en compression.
Le 250 AMC faillit être importé en Grande Bretagne, mais ce beau prototype de DMW Dolomite ne vécut que le temps d’un salon.
Favor présente cette belle 250 fin 1953, mais elle ne sera jamais commercialisée.
Les 6 marques qui commercialisent le 250 AMC
On dénombre plus d’une quinzaine de marques ayant utilisé les 125/150 et 175 AMC. Belle réussite et le 250 aurait bien aimé avoir le même succès, mais si beaucoup l’envisagèrent, cinq seulement passèrent à l’acte, principalement les marques auvergnates voisines. Les premières 250 sont présentées au salon d’octobre 1952 par Guiller Frères avec une suspension arrière oscillante et DS Malterre qui a encore à ce salon une suspension arrière coulissante. Le moteur en disponible en mai 1953 et on le verra chez Gima, la marque auvergnate de Chamalières qui se regroupera avec Favor de Clermont-Ferrand en 1955 et qui ne vendra dit-on que 30 AMC 250 en un an ! Ce moteur est aussi choisi en 1953 par Automoto, une autre marque stéphanoise, Alcyon (et sa sous-marque La Française) avec les types 39 puis B2 et par la marque nantaise Syphax. AGF et Favor dévoilées aux salons de Paris en 1953 et 54 restèrent à l’état de projet tout comme le DMW britannique.
En 1953 est célébré le mariage de mademoiselle Levron fille du constructeur nantais des motos Syphax et de Gilbert Chartoire. Leur premier bébé sera, bien évidemment, une Syphax 250 AMC Elle est présentée au salon de Paris 1953, magnifiquement parée d’une robe en chrome et laque, noire, blanche ou bleu métallisé. Le seul exemplaire survivant connu est exposé au musée Baster à Riom.
L’Alcyon type 39 produite de depuis octobre 1953 est remplacée au salon de 1955 par la 250 B2 qui en diffère principalement par sa fourche avant à roue poussée.
L'Automoto 250 CHL de 1954 dans sa version monoplace.
La Gima dessinée comme les autres modèles de la marque par l’ingénieur Paul Josué qui rejoindra Automoto en 1953. Le carénage arrière de la Gima est en alliage léger.
Après le prototype du salon 1952, Guiller commercialise sa 250 AMC en 1953 et assure sa promotion en la photographiant Bourvil au guidon.(archives Jean Bourdache)
En 1955, Guiller abandonne son bras oscillant arrière en tubes fins triangulés (à l'image de la DS Malterre, mais avec des amortisseurs classiques)pour revenir à un bras oscillant conventionnel. La partie arrière de la nouvelle mouture est allégée de son carénage enveloppant.
Les tentatives des constructeurs de motos français de monter en cylindrée n’ont décidément pas eu de chance. Fort de ses succès mérités en 125/175 cm3 avec ses moteurs quatre temps culbutés, AMC, les Ateliers Mécaniques du Centre à Clermont-Ferrand, lancent en 1952 un très moderne 250 cm3 à ACT entraîné par chaîne. Nos marques nationales sont [...]
La Yamaha 650 twin XS1 dévoilée au salon de Tokyo de 1969 est certes, une excellente machine, mais elle ne fait pas le poids.
Nouvelle claque au salon de Tokyo en 1970 où Suzuki tient la vedette avec sa 750 trois cylindres deux temps. Kawasaki donne le coup de grâce en commercialisant fin 1971 aux Etats-Unis, sa dernière bombe, la 750 H2 Mach IV.
Yamaha perd la face. La marque qui s’est forgé, depuis ses débuts en 1955, une solide réputation d’innovateur dans le deux-temps de course comme de route, doit réagir d’urgence.
C’est chose faite au salon de Tokyo 1971 avec cette GL 750 dont le monde entier des motards rêve encore. Trop tard, malheureusement. Le plus gros marché d’alors est aux États-Unis où l’apparition des premières normes de bruit et de pollution compromet définitivement l’avenir des gros deux-temps routiers. Après de longues hésitations et diverses moutures, Yamaha ne prendra pas le risque et se tournera, à retardement, vers le quatre-temps en dépit de l’insistance de notre importateur favori, Jean-Claude Olivier, dont on connaît la passion pour la course. Il arrivera quand même à décider l’usine à nous envoyer l’unique GL qui sera présentée en France à la première réunion des importateurs européens puis au salon de Paris 1972… en même temps que la 750 TX bicylindre quatre temps ! Ce sera la dernière sortie publique de la GL et seule la compétition profitera (oh combien !) des fabuleux projets de quatre cylindres deux temps du début des années 70.
Pré-maquette de la GL qui se présente alors signée GL 800. Comme d'usage avant de prendre l'ultime décision de mise en construction, il s'agit d'une sculpture en argile peinte. Les pièces censées être chromées sont recouvertes de papier alu. L'argile utilisée pour ces maquettes, la "Clay" est une sorte de pâte à modeler marron qui devient souple à 40 °C puis durcit à température ambiante ce qui permet de finaliser la forme avec une série de petits racloirs. Notez enfin que l'alimentation est encore assurée par des carburateurs, mais avec des clapets et qu'il n'y a qu'un disque avant.
GL 750 (Données usine au salon de Tokyo) :
4 cylindres 2 temps face à la route refroidis par eau – 743 cm3 (65 x 56 mm) – 70 ch/7 000 tr/min – 7,5 mkg/6 500 tr/min – Injection électronique – Échappements 4-en-2 – Boîte 5 rapports – Transmission par chaîne – Cadre double berceau – Suspensions av. télescopique, ar. oscillante – Pneus av. 3,50 x 19″, ar. 4,00 x 18″ – Freins av. double disque, ar. à tambour – Réservoir 17 l – 205 kg.
Masayasu Misoguchi en 1994 : "Sur la GL, l'injection était factice, mais nous avons continué d'y travailler …"
Quel impact !
Magnifique, superbe, enthousiasmant ; la GL 750 a tout pour plaire et réunit tout ce dont peut rêver le motard sportif des années 70. Le bureau de design de GK et les ingénieurs ont fait un travail extraordinaire aux côtés duquel les autres gros cubes du moment paraissent patauds et surannés. L’arme absolue de la GL est bien sûr son bloc-moteur d’une compacité jamais vue jusqu’alors avec allumage et générateur reportés derrière les cylindres. Cerise sur le gâteau, le prototype de salon est équipé d’une alimentation par injection : une grande première. On avait déjà vu des deux-temps à injection mécanique, en particulier chez MV Agusta avec un monocylindre deux temps de route équipant une moto et scooter au milieu des années 50, mais Yamaha allait beaucoup plus loin avec son quatre-cylindres à gestion électronique de l’injection. Il semble toutefois que ce développement n’ait jamais donné les résultats escomptés, « On avait des problèmes de surchauffe, un mélange non homogène que la pompe n’arrivait pas à contrôler et de moins bons résultats qu’avec des carburateurs avec un total manque de progressivité« nous dira Masayasu Misoguchi qui dirigea longtemps le service course des Grands Prix « Sur la GL du salon l’injection était factice, mais nous avons continué d’y travailler et nous l’avons utilisé en 1977 en trial sur la machine de Mick Andrews« . Les fausses pièces d’injection avaient, parait-il, été empruntées à un modèle de snowmobile Yamaha.
Les corps d'injection factices étaient dit-on empruntés à un snowmobile de la marque
Le moteur paraît encore plus étroit que sur la TZ 750 !
Outre son impact technologique, la GL 750 apportait un sang vraiment neuf dans le domaine du style avec des formes et des couleurs très étudiées. Première encore : la GL 750 peut être considérée comme le premier « Show model » car, s’il est aujourd’hui courant de voir exposés dans les salons des prototypes uniquement destinés à tester le public et sans plan de commercialisation immédiate, comme cela se fait depuis longtemps dans le monde automobile, ce phénomène n’avait jusqu’alors jamais vraiment existé dans le monde la moto. L’usine annonçait 70 ch au régime de 7000 tr/min. Une puissance bien en phase avec la concurrence : 67 ch à 8000 tr/min pour la Honda, 67 à 6500 pour la Suzuki 750 GT, 60 à 8000 pour la Kawasaki 500 H1 et 74 à 7800 pour la 750 de 1971, avec en prime un poids nettement plus flatteur : seulement 205 kg à sec annoncés.
Octobre 1972 : c'est inscrit sur le tableau derrière M. Misoguchi qui fixe l'objectif, les 500 OW 20 et 750 0W 19 participent à l'essai.
Photo archives Jarno Saarinen/Jean Huppert.
TZ 750 et GL : La poule et l’œuf
S’il est possible de retracer grossièrement, la genèse des quatre cylindres TZ 750 0W 20 et YZR 500 0W19, celle des prototypes de versions routière reste un mystère. Est-ce l’œuf qui a fait la poule ou l’inverse ? Je me garderai bien de mettre des dates sur la plupart des documents récoltés et leur discret fournisseur ne répond plus à l’appel depuis des années. Il est permis de supposer que l’idée d’une version routière a germé vers 1970 pour donner la GL, d’abord siglée GL 800, puis présentée dans sa version finalisée en GL 750 au salon de Tokyo de fin 1971. Avant que ne soit conçu ce show model rutilant de 1971, qui n’a jamais roulé sous cette forme, même sans injection, il est probable que les premiers moteurs de 700 cm3 destinés à la TZ ont été testés dans des partie cycles double berceau classiques. D’après l’ingénieur Saito-san, ce moteur 700 cm3 fut, chronométré à plus de 200 km/h à Tsukuba dès 1970.
Les évolutions suivantes de la GL, et il y en eut, n’ont jamais été dévoilées, mais il semble que le développement de la TZ 750 et celui du projet routier aient été menés de concert sans qu’on sache lequel a précédé l’autre. Tout juste sait-on qu’il fallait que 200 moteurs de la TZ 750 aient été produits pour que la moto soit homologuée pour Daytona. Ce n’était peut-être pas la seule raison. Il est aussi tout à fait possible que Yamaha ait pensé à réitérer le coup de ses 250 nées en versions routières puis devenues, sur la même base mécanique, les motos de course les plus fameuses de leur temps. La TZ 750 a bien eu une sœur jumelle, à peine plus civilisée qu’elle. Il ne fait aucun doute que la production et commercialisation d’une GL/TZ a été très sérieusement envisagée comme le prouvent les photos divulguées ici des essais en équipement routier et, surtout, celle d’une maquette très finalisée. La parenté avec la TZ 750 s’étend cette fois à la partie cycle avec le même cadre presque périmétrique (ici élargi devant la colonne de direction) qui annonce le futur Deltabox. Et il faut jouer au jeu des sept erreurs pour voir toutes les différences : la première qui saute aux yeux est le réservoir raccourci pour la position de conduite et laisser place à une vraie selle pour deux. Une étude plus approfondie de la maquette montre que les carters moteurs réalisés en bois diffèrent totalement de ceux de la version course. La pompe à eau est derrière les culasses et non devant, les cylindres n’ont pas la même forme, les carters moteur sont un poil plus volumineux avec une fenêtre de vision du niveau d’huile et… un démarreur électrique. Il y a aussi une boîte à air, un autre type de carburateur toujours avec une admission à clapets et, évidemment, un système d’échappement homologable… enfin, jusqu’aux drastiques mesures anti-pollution qui conduisirent tous les constructeurs à abandonner définitivement leurs projets en deux-temps en 1974.
TZ & GL 750 : de la course à la route et réciproquement
Les sources éventuelles sont indiquées entre parenthèses – Les versions routières sont en rouge.
1970 : Développement du concept 4 cylindres 2 temps en ligne refroidi par eau
1971 : fin 1971 Hatta-san donne le feu vert pour la 700 YZ 648, les dessins sont prêts (F. Brouwer). M. Misoguchi annonce le développement de 500 et 750 four pour la course. Saito-san parle de premiers essais avec un cadre conventionnel
1970-1971 : Étude de style de la GL
1971 : GL 750 au salon de Tokyo en octobre.
1971-1972 : Étude d’une version route de la TZ 750
1972: Dessins du moteur de la 500 YZ 648 A datés du 29 janvier (F. Brouwer) – Juillet : Kanaya teste la 700 YZ 648 (sans admission à clapets) (F. Brouwer) – Octobre : essais discrets par les pilotes d’usine Saarinen et Kanaya et Motohashi à Fukuroi de la TZ 750 0W 19(ex YZ 648) et de la 500 YZ648 A. Peut-être déjà avec des Reed valves.
1973 : Janvier Saarinen rejoint le team –11 janvier : dessins finaux du moteur de la 500 0W 20 –Février : Yamaha annonce son retour à la compétition en 500 cm3 avec Saarinen et Kanaya – Essais privés sur le circuit de Zolder – 22 avril : Saarinen remporte le GP de France avec la 500 0W 20 , Kanaya est 3e – Août, présentation de quatre TZ 750 au 2e Yamaha Grand Sports Festival du mont Fuji pilotées sur le circuit par Hideo Kanaya, A. Motohashi, S Mimuro et H. Kawasaki. Aucune caractéristique précise n’est dévoilée – Novembre : Présentation officielle de la TZ 750 au salon de Tokyo
1974 : Mars, la TZ 750gagne les 200 miles de Daytona avec Agostini
La vraie sœur jumelle de la TZ 750. Cette fois, la maquette en clay n’est pas peinte et il ne s’agit pas d’une préparation pour un modèle de salon, mais d’une vraie maquette de pré-production. Le meilleur témoin en est le moteur sculpté dans du bois et bien différent de celui de la TZ : cylindres et culasse différents, pompe à eau passée de l’avant à l’arrière, fenêtre de viseur d’huile, gros carter en bout de vilebrequin, etc. Les éléments de ces maquettes de superbes moteurs en bois servaient ensuite à la réalisation des moules. On note aussi la boîte à air, le réservoir très raccourci pour permettre la selle biplace. Il est probable que le cadre soit celui de la TZ élargi avec de la clay sur sa partie supérieure pour laisser place à l’équipement électrique d’une moto de route. On voit aussi que deux appellations commerciales sont proposées : « 750 Electric » comme indiqué sur le carter latéral ou « GP 433 F » comme on peut lire sur le sticker posé à côté par terre. La cylindrée finale n’était peut-être même pas définie ?
Un des premiers dessins de style de la TZ/GL 750 "de route" sorti tout droit des bureaux de GK Design.
L’aventure ne s’est pas terminée à la maquette. La sœur jumelle a bel et bien roulé sur le circuit privé de Yamaha comme en attestent ces photos. Ces quelques photos des tests sur le circuit privé de Yamaha extorquées à l’un des essayeurs sont bien floues, mais elles ont le mérite de confirmer que la GL 750 de route, dans sa dernière mouture très proche de la version course, a bien été jusqu’au stade des essais, en 1972-1973.
Vous noterez que les guidons sont différents d'une moto à l'autre.
Grand Prix de France 1973 au Castellet : fabuleuse première ligne au départ avec Hideo Kanaya, Jarno Saarinen sur les nouvelle 500 quatre cylindres 0W20 Yamaha devant Agostini et Phil Read sur les MV Agusta. Une course mémorable qui signera la fin de la suprématie des quatre temps en course même si Agostini, revenu en 1976 sur MV Agusta, gagne encore deux Grand Prix en 1976 (au Nürburgring en 500 et à Assen en 350)
On en rêve encore ! Au salon de Tokyo de 1971, Yamaha ripostait enfin aux Honda 750 quatre cylindres quatre temps et aux Kawasaki 500 et Suzuki 750 trois cylindres deux temps en annonçant son entrée dans le monde des gros cubes sophistiqués : Quel impact ! Une 750 cm3 deux temps à quatre cylindres en ligne et face à [...]