Villa d’Este : une Guzzi chez les autos

Normalement les autos sont au concours d’élégance de la villa d’Este tandis que les motos s’exposent 800 mètres plus loin le long du lac de Côme, à la villa Erba. Sauf que cette année, la prestigieuse coupe d’or du concours d’élégance de la Villa d’Este a été décernée … à une Moto Guzzi, enfin presque!

Cliquer sur les photos pour les agrandir et accéder aux légendes.

La minuscule Lurani Nibbio de records de 1935 qui remporte la coupe d’or est en effet animée par un moteur moto Guzzi de 250 cm3 alimenté par compresseur qui développe 43 ch à 8000 tr/min. Construit avec la collaboration d’Ulisse Guzzi et à la demande de Giovanni Lurani Cernuschi, comte de Calvenzano et tout à la fois ingénieur, pilote et journaliste, le Nibbio est un petit vehicule ultra léger et très étroit ce qui lui permet de se passer de différentiel. Le châssis tubulaire construit par Quadrio à Milan est habillé d’une carrosserie en tôle d’aluminium et le pilote n’est assis qu’à 14 cm du sol. Il reçoit à l’origine un moteur Guzzi 500 cm3 bicylindre en V à 120 ° associé à une boîte à quatre rapports qui développe environ 50 ch à 7500 tr/min. Dans cet appareil, il signe le 5 novembre 1935 en Classe-1 (réservée aux quatre roues et cylindrée de 350 à 500 cm3) quatre records du monde de vitesse dont le kilomètre lancé à plus de 162 km/h dépassant ainsi pour la première fois dans cette cylindrée le cap des 100 MPH.

En 1939 le carrossier Riva améliore son profilage, ce qui permet au Nibbio piloté par le comte Giovanni Lurani d’établir huit nouveaux records en mai de cette année dont le kilomètre lancé à 171,68 km/h, record détenu successivement en 500 cm3 par une DKW bicylindre et une Fiat à compresseur. En 1947, enfin, il rajoute six records à son palmarès avec cette fois le moteur monocylindre de 250 cm3 suralimenté. (collection Federico Göttsche Bebert)

Normalement les autos sont au concours d’élégance de la villa d’Este tandis que les motos s’exposent 800 mètres plus loin le long du lac de Côme, à la villa Erba. Sauf que cette année, la prestigieuse coupe d’or du concours d’élégance de la Villa d’Este a été décernée … à une Moto Guzzi, enfin presque! [...]

Villa d’Este 2017: suite en images

Je vous ai présenté dans l’article précédent les grandes stars des motos du tour du monde présentées au concours de motocyclettes de la Villa d’Este, mais cinq autres classes s’exposaient aux côtés de cette catégorie phare. Résumé en images.

Un petit tour à la Villa d'Este voisine pour montrer au automobilistes enqcravatés qu'on sait aussi s'amuser côté moto.

Un petit tour à la Villa d’Este voisine pour montrer aux automobilistes encravatés qu’on sait aussi s’amuser côté moto.

Scooters des fifties : les autres

Cette catégorie réunissait quelques-uns des plus beaux scooters des années cinquante qui n’ont connu qu’un succès limité en dépit de leur valeur. La palme fut décernée à l’unanimité au 175 cc Bastert, le chef d’œuvre du designer français Louis Lepoix qui ne fut construit qu’à 1200 exemplaires. Ce superbe témoignage de la grande vogue des scooters GT dans l’Allemagne de l’après-guerre se distingue par une carrosserie entièrement en tôle d’aluminium et un grand luxe dans sa finition et tous les détails d’équipement. Il était présenté par le musée « Scooters & Lambretta » à Rodano près de Milan.  La seconde marche du podium fut occupée par le 175 Prina Oryx de 1951, une sorte de sculpture sur roulettes aux lignes très inspirées par l’aéronautique avec un petit côté sexy mis en valeur par le très bel emblème de la marque. À ses côtés et issu de la même collection Scarpetti, le 150 SAI Ambrosini de 1951, de lignes similaires et plus torturées, y ajoutait tout un kit d’accessoires d’époque dont un superbe transistor fixé au guidon. Si le Rumi 125 Scoiatolo, comme neuf, reçut le troisième prix, parce qu’il fallait bien faire un choix, les autres participants, le Salsbury 85, super scooter américain de 317 cc, le Gianca 100 Nibbio, concurrent malheureux du Vespa présenté en 1946 quatre mois avant lui, n’ont échappé aux podiums que par des détails.

Les liens en bleu renvoient aux fiches et descriptions techniques et, comme d’habitude, il faut cliquer sur les photos pour accéder au diaporama avec les légendes.

Scamblers nippons

La mode des scramblers qui revient aujourd’hui a inspiré cette rétrospective qui nous a permis de découvrir des versions fort peu courantes, car réservées pour la plupart au marché américain des années 60. La plus rare était sans conteste la Yamaha 305 cc bicylindre YM2C apportée par Peter Abelmann, qui ne fut produite qu’une année en 1967 avant d’être remplacée en 1968 par la 350 YR2C. Face à ce deux temps, la Honda 305 CL77 de 1967 est à mon sens l’une des plus belles machines de son époque. Ce modèle, introduit en version 250cc avec la CL72 en 1962, inaugurait un nouveau cadre en tube remplaçant ceux en tôle emboutie utilisés précédemment. Il laisse place en 1965 à cette 305 cc dont 66 757 exemplaires seront vendus en quatre ans. La comparaison était fort intéressante avec la Honda twin CL 350 beaucoup plus connue, exposée à ses côtés, mais c’est la Bridgestone 175 Hurricane bicylindre deux temps à distributeurs rotatifs de 1967 que nous retînmes pour la troisième place.

Japonaises rhabillées

Une bonne idée que cette catégorie réservée aux motos japonaises des années 70 revues et corrigées par les Européens, c’est pourtant celle qui prête le plus à la critique. Une exposition aussi prestigieuse que celle-ci ne doit admettre que des machines exceptionnelles et dans un parfait était d’origine et cette exigence doit être encore plus sévère pour les motos les plus modernes. Comme l’an passé, ce n’était malheureusement pas le cas pour certains des modèles présentés. La vedette était la rarissime Bimota HB1 de 1975, restaurée avec quelques accessoires d’époque dont on retient le beau réservoir d’huile en aluminium devant le carter moteur. On ne fera aucune critique à la Honda 750 Rickman, par contre la Egli 750 pêchait par un polissage un poil excessif.

Nouveaux Concepts

De nouveaux concepts et une nouvelle catégorie appelée à se développer dans le concours de la Villa d’Este, mais dont la définition gagnerait à être plus précise. Difficile de comparer une étude de style pour un modèle ayant été commercialisé depuis, une maquette futuriste préfigurant un avenir possible, ou une autre montrant une simple évolution d’une moto existante. Tous ces projets ont leur intérêt, mais ils ne jouent pas dans la même cour. En l’occurrence il était bien ardu de faire un classement dans cette catégorie qui ne présentait que quatre concurrents… cinq si l’on y rajoute le scooter électrique BMW hors concours. Le public qui lui aussi votait pour élire sa moto préférée (toutes catégories confondues) et le jury pour cette catégorie choisirent le Café Racer Ducati 800 réalisé par le bureau de design Ducati au sein de l’Audi Konzept Design de Münich. Une séduisante réalisation, attractive par ses détails, élégante et bien proportionnée sans toutefois apporter de révolution ou de réelle nouveauté. Le deuxième prix revient à un projet présenté par Kiska design de Salzbourg, le célèbre créateur des KTM qui signait ici une Husqvarna baptisée Aero Concept dont les lignes fluides tranchaient avec celles le plus souvent agressives et à angles vifs propres à ce bureau de dessin. Un drôle d’équilibre quand-même avec ce nez de carénage reporté très en avant tandis que l’arrière très court s’arrête au-dessus de l’axe de roue. Je ne suis personnellement guère séduit. Tous, par contre, s’accordaient à reconnaître la perfection du projet Desert Sled, concocté lui aussi par un bureau de design Ducati, mais cette fois chez le VW group of America. Parfait, fignolé dans les plus minimes détails, ce projet si sophistiqué en devenait irréalisable à un coût acceptable. Conçu et développé à peu près en même temps que le Scrambler Ducati récemment commercialisé, c’est un superbe exercice de style que ne peut prétendre être une vision d’avenir. Aprilia, enfin présentait une sorte de sculpture futuriste déjà vue dans les salons. Une magnifique expression des maîtres mots qui ont présidé à la naissance de la RSV4 : légèreté, mécanique, dynamique, cet exercice de style était toutefois trop loin de la réalité pour séduire.

Reste le scooter électrique BMW « Concept link » hors concours bien évidemment, car la marque est également organisatrice de l’évènement. Bien plus qu’un C-Evolution redessiné, c’est vraiment un nouveau concept qui nous laisse imaginer un gros scooter électrique plus tourné vers les besoins quotidiens des utilisateurs avec des rangements nombreux et pratiques même s’ils doivent se faire au détriment de la taille de la batterie, donc de l’autonomie. On aime ou non ses lignes futuristes et aiguisées, mais force est de reconnaître que le bureau de design BMW présidé par Edgar Heinrich a réussi un certain tour de force en arrivant à trouver un style autour d’un énorme caisson central contraint par l’électrique et de deux petites roues de scooter. On y trouverait même presque une certaine légèreté avec cette selle comme suspendue et les larges ouvertures dans le museau. Le jeu n’était pas facile.

Je vous ai présenté dans l’article précédent les grandes stars des motos du tour du monde présentées au concours de motocyclettes de la Villa d’Este, mais cinq autres classes s’exposaient aux côtés de cette catégorie phare. Résumé en images. Un petit tour à la Villa d'Este voisine pour montrer aux automobilistes encravatés qu'on sait aussi [...]

Villa d’Este 7e édition : Puch et Gillet autour du monde

Enfin 7e édition pour la moto, car en quatre roues, le célèbre concours d’élégance des bords du lac de Côme date de 1929. Le thème central cette année consacrait les motos et autos des années 20 et 30 illustrant le tour du monde en 80 jours de Jules Vernes. Étincelantes et lustrées, les voitures les plus prestigieuses firent certes grosse impression à la Villa d’Este, mais l’aventure vraie était du côté des motos, un peu plus loin à la Villa Erba, avec la Gillet 350 du Tour du monde de Robert Sexé en 1926 et la Puch 250 de 1933 sur laquelle Max Reisch et Herbert Tichy rallièrent Vienne à Bombay.

Photos F-M Dumas/moto-collection.org  –  Cliquer sur les photos pour voir le diaporama et les légendes et sur les liens en rouge pour accéder aux descriptions et fiches techniques des motos.

Autant dire que le choix fut difficile entre ces deux voyageuses vedettes pour le jury de sept personnes dont je faisais encore partie cette année sous la présidence de l’inoxydable Carlo Perelli directeur de Motociclismo d’epoca, assisté d’Edgar Heinrich, directeur du style des motos BMW, du Californien Paul d’Orléans, blogueur de la première heure dans le Vintagent, de Mick Duckworth la bible des motos britanniques, d’Arnost Nezmeskal, conservateur pour la section moto du musée des techniques de Prague et de la ravissante et non moins motarde Sara Fiandri, journaliste et essayeuse de moto pour Cosmopolitan-Italie. Bluffé par ces deux machines entièrement dans leur jus avec leurs sacoches, leurs accessoires et leurs blessures, j’en oublierais presque de vous parler des autres participantes de la catégorie qui ne déméritaient pourtant pas.  Après moult discussions nous décidions finalement de donner la palme de « Best of the show » à la Puch. Pour la spectaculaire conservation de tous ses bagages et accessoires, jusqu’au vaporisateur de fly-tox , pour son exploit réalisé en duo de Vienne jusqu’aux confins de l’Inde et enfin pour sa présentation par un très jeune collectionneur (une rareté dans ce monde de chauves et cheveux blancs) qui présenta la moto en roulant à son guidon. Pour plus de détails techniques sur la moto reportez-vous aux présentations de la 250T Colibri de 1929 à 32 qui précéda ce modèle et à celle de la 250 S4 de 1935 qui le suivit.

 

La palme du jury revenant à la Puch, le premier prix de la catégorie des grandes voyageuses des années 20 à 30 revenait de droit à l’autre star incontestée, la Gillet 350 Tour du Monde de Robert Sexé directement importée du musée auto, moto vélo de Châtellerault à qui son propriétaire la légua voici quelques dizaines d’années. Je vous invite vivement à découvrir ICI l’histoire et la technique de ce petit monocylindre deux-temps de la firme belge Gillet aussi sportif qu’indestructible. Non content de l’avoir emmené autour du monde avec son comparse Henri Andrieux sur une même machine, Robert Sexé continue d’utiliser la « Tour du Monde » jusque dans les années soixante.

… La suite bientôt avec les motos primées des autres catégories.

 

Enfin 7e édition pour la moto, car en quatre roues, le célèbre concours d’élégance des bords du lac de Côme date de 1929. Le thème central cette année consacrait les motos et autos des années 20 et 30 illustrant le tour du monde en 80 jours de Jules Vernes. Étincelantes et lustrées, les voitures les plus [...]

Čas: Le premier flat twin à transmission par arbre est un scooter !

Les scooters à moteur boxer se comptent sur les doigts d’une main : Velocette LE 200 quatre temps et 250 Viceroy deux temps, et Honda 125/170 Juno M80-M85. Bien avant eux, il y eut le Čas tchèque de 1921 qui, en plus, avait une transmission par arbre… deux ans avant BMW !

L’unique exemplaire survivant du scooter Čas de 1921 offert par sa pilote Maria Utĕšilová au musée des Techniques de Prague en 1988. (photo© F-M. Dumas/moto-collection.org)

Techniquement la solution du moteur flat twin transversal disposé juste derrière la roue avant a des avantages indiscutables en offrant à la fois une bonne répartition des poids avec une prépondérance sur l’avant qui manque tant aux scooters, et un possible dégagement total de l’espace devant la selle. Reste bien sur le problème de la transmission du mouvement à la roue motrice si loin derrière.

Curieusement le tchèque Čas, premier exemple du genre en 1921, sera aussi le seul à exploiter pleinement les avantages de la disposition en offrant un plancher rigoureusement plat. Les autres et rares exemples de scooters flat twins n’utilisent ce type de moteur que pour d’autres raisons ou ne prêtent tout simplement pas attention aux avantages annexes qu’ils auraient pu en tirer.

Dans l’ordre d’apparition, le Velocette LE de 1949 à moteur animé par un bien placide 200 cc quatre temps à soupapes latérales et refroidissement liquide s’apparente plus à une moto carrossée qu’à un scooter avec ses grandes roues de 19 pouces et son très volumineux châssis central en tôle pliée. La deuxième expérience de la marque en 1960, le Velocette Viceroy, est cette fois un vrai scooter à roues de 12 pouces et profite pleinement de la répartition idéale des masses offerte par ce type de moteur grâce à un curieux découplage du moteur relié par un arbre d’une trentaine de centimètres à l’ensemble boîte-embrayage transmission accolé à la roue arrière. Le flat twin surmonté du tube du cadre forme hélas un bloc très encombrant entouré d’un volumineux tunnel central.

Reste l’extravagant Honda M80 présenté en 125 en 1961 et vite transformé en M85 de 170 cc pour sa commercialisation en 1962. Le choix d’un moteur flat twin quatre temps culbuté est ici du au fait que c’était la seule solution possible pour que Honda puisse caser sa très longue transmission hydraulique système Badalini qui remplit comme un œuf tout le très haut tunnel central.

Bravo donc au Čas Tchèque qui, non content d’être le premier et le seul à utiliser pleinement les avantages de son concept, est aussi le premier, deux ans avant BMW, à offrir un bicylindre à plat accouplé à une transmission par arbre. Čas, acronyme de  Českà Automobilovà společnost est créé à Prague en 1919 par l’ingénieur Edvard Rechziegel et Miloś Śmejkal. Faute de pouvoir vendre le fameux Skootamota, inabordable en ce pays, le jeune Edvard Rechziegel s’en inspire pour réaliser en 1920 un premier scooter-patinette tout à fait dans la tendance de l’époque et bien plus sophistiqué que son modèle. Il en reprend la disposition curieuse du moteur sur le porte-bagages arrière à ceci près qu’il ne s’agit plus cette fois d’un monocylindre, mais d’un flat twin Walter à soupapes latérales ici monté en long au-dessus de la roue qu’il entraîne par chaîne. Un moteur conçu au départ par le grand ingénieur tchèque Josef Walpetr pour servir de générateur. Cette curieuse patinette de 180 ou 248 cm3 a d’ailleurs les honneurs d’un dessin dans la presse spécialisée française en 1922 alors que Čas a déjà révisé sa copie. La firme a en effet homologué le 24 septembre 1920 une nouvelle patinette motorisée qui se distingue cette fois par le montage central de son flat twin (toujours en long) juste derrière la roue avant entre les tubes d’un cadre ouvert et rigide composé de deux doubles berceaux superposés. La transmission est tout naturellement confiée à non pas à une, mais à deux chaînes l’une derrière l’autre avec un double pignon d’accouplement au centre. (Pas si bête ; on trouve d’ailleurs la même disposition sur tous les 500 T-Max Yamaha de 2000 à 2012 !). On note enfin que les roues en tôle de la première version sont dès lors remplacées par des classiques jantes rayonnées.

Edvard Rechziegel finalise son projet en 1921 en disposant son moteur en travers du cadre avec une transmission directe par arbre et vis sans fin. Une grande première (deux ans avant la première BMW 500 R32 de 1923, mais en plus simple quand même puisque notre petit Čas n’a toujours ni boîte de vitesses ni embrayage et démarre à la poussette.

Qu’importe ce premier scooter tchèque connaît un beau succès d’autant plus qu’il s’affiche en public aux mains de la très belle Maria Utĕšilová qui remporte d’ailleurs à son guidon en 1922 la course Zbraslav-Jílovištĕ dans la banlieue Pragoise où Čas a engagé six machines dont deux motos 285cc de la marque pilotées par les frères Edvard et Georges Rechziegel.

Comme tout finit bien dans les histoires, Maria Utĕšilová épousera Edvard l’ingénieur créateur et gardera en l’état son Cas jusqu’en 1988 où elle en fait don au Musée des Techniques de Prague.

Pour voir le Čas et près d’une centaine d’autres rares motos Tchèques c’est dans le Musée des Techniques national de Prague : www.ntm.cz

Et pour tout savoir sur les marques tchèques, mais en tchèque, une seule solution : les magnifiques livres de Libor Marčik dont sont extraites la plupart des photos d’archives illustrant cet article. À découvrir et commander sur www.libormarcik.cz

Fiche technique : Moteur Walter bicylindre à plat – 180 cc [48 x 50 mm] – 1,75 ch – Soupapes latérales – Allumage magnéto Bosch – Démarrage à la poussette – Transmission directe par arbre et vis sans fin – Cadre treillis tubulaire composé de deux doubles berceaux – largeur 55 cm – hauteur 100cm – empattement 123 cm – 48 kg – 35 km/h

Cliquez sur les photos pour les agrandir et accéder aux légendes

Les scooters à moteur boxer se comptent sur les doigts d’une main : Velocette LE 200 quatre temps et 250 Viceroy deux temps, et Honda 125/170 Juno M80-M85. Bien avant eux, il y eut le Čas tchèque de 1921 qui, en plus, avait une transmission par arbre… deux ans avant BMW ! L’unique exemplaire survivant du scooter Čas de 1921 [...]

Félix Millet: 5 cylindres et 1900 cm3 il y a 120 ans

Une moto française de 1900 cm3 à cinq cylindres, vous y croyez, vous ? Ce fut pourtant vrai, il y a maintenant 130 ans avec la Félix Millet, seconde version, un ancêtre étonnant qui cumule les inventions : moteur multicylindre en étoile, suspensions avant et arrière oscillantes et bien d’autres choses. Découverte.

Ce premier prototype de 1895 de la Félix Millet est exposé au musée des Arts et Métiers à Paris et la version de 1897 dort dans les caves du lycée technique Hyppolyte Fontaine à Dijon où il n'est malheureusement pas visible pour le public. 

Seize ans après le vélocipède à vapeur de Louis-Guillaume Perreaux, premier deux roues à moteur visant la commercialisation, et deux ans après que Gottlieb Daimler installe le premier moteur à explosion dans un rudimentaire cadre en bois avec deux roues de charrette et deux roulettes latérales, le génial Félix Millet construit, en 1887, sa « Roue Soleil » avec un fabuleux cinq cylindres en étoile et, même, un embryon de suspension sous la forme d’un montage du moteur sur quinze anneaux souples formant ressorts ! Il l’installe l’année suivante à l’avant d’un tricycle et en dépose le brevet fin 1888 officialisant ainsi son titre d’inventeur du moteur en étoile rotatif (le vilebrequin est fixe et c’est le moteur qui tourne avec la roue) à ne pas confondre avec le moteur fixe en étoile. (En ces temps bénis, on construisait d’abord et brevetait ensuite).

Le bon Félix est convaincu que l’avenir est aux deux roues motorisés et il y travaille sec. Il faut dire que la concurrence est rude. Paul Daimler, le fils de Gottlieb, a roulé sur 3 km avec la « brouette à moteur » de son père le 10 novembre 1885, et la Hilldebrand & Wolfmuller, brevetée en 1894, a fait ses premiers tours de roue en juin de la même année.

Félix Millet construit sa première bicyclette à pétrole  (L’appellation Motocyclette n’est inventée qu’en 1898 par les frères Werner) en 1894 avec sa fameuse « Roue Soleil » à cinq cylindres dans la roue arrière (cet exemplaire est conservé au musée des Arts et Métiers). Elle sera l’une des sensations du deuxième Salon du Cycle organisé en décembre 1894 par la Chambre Syndicale à Paris. Ce salon des pionniers réunit 350 exposants et, pour la première fois, un tricycle à vapeur de Dion Bouton et deux motos : La « Pétrolette », présentée par Duncan & Superbie qui est en fait une Hildelbrand et Wolfmüller allemande francisée pour la circonstance et, sur le stand des cycles Gladiator, la formidable Félix Millet. Sa Roue Soleil a évolué par rapport à celle du tricycle et délaisse le montage suspendu du moteur dans la roue, car Millet vient d’inventer la suspension avant avec une fourche à roue poussée qui joue sur la flexibilité des bras horizontaux supportant la roue et s’appuie via un pontet sur une lame de ressort formant garde-boue. La direction déportée agit via un système de biellettes et la chaîne de transmission du pédalier est sous carter !

Rien de tel que la compétition pour tester un produit et justement un certain Marquis de Dion organise le 11 juin 1895, la première grande course internationale, le Paris-Bordeaux-Paris : 1200 km d’une traite à couvrir en moins de 100 heures. La Félix Millet qui a fait ses premiers tours de roue en public au printemps prend le départ en confiance. Aucun deux ni trois roues n’en réchappera pourtant, mais la Millet couvrira, quand même, 54 km en 3 heures et 8 minutes avant de déclarer forfait.

Satisfait de son expérience Félix Millet entend bien commercialiser sa motocyclette à cinq cylindres et il fait réaliser chez Alexandre Darracq (le très important constructeur des cycles Gladiator) la seconde version « industrialisée » qui est présentée en 1897 (et qui est actuellement conservé dans les caves du Lycée Technique Hippolyte Fontaine à Dijon).

Cette extraordinaire machine cumule les innovations : moteur en étoile, allumage batterie-bobine et trembleur, graissage par mélangeur automatique, guidon basculant vers l’avant qui met automatiquement en place une double béquille latérale, embrayage commandé par poignée tournante ou par rétropédalage avec frein. Et plus encore : une partie arrière du cadre en caisson qui sert de réservoir d’essence et de garde boue, des suspensions avant et arrière oscillantes, une chaîne de transmission du pédalier d’assistance et de démarrage qui passe dans les tubes du double bras oscillant arrière… un délire d’ingénieur comme on les aime. Le tout pèse 60 kilos et sera chronométré à 53 km/h en 1898.

Trop en avance, trop sophistiquée, trop bien en un mot, cet extraordinaire engin n’est pourtant produit qu’à un ou deux exemplaires dans l’usine de Suresnes. Le pragmatique Alexandre Darracq, s’étant sans doute dit qu’un simplissime monocylindre à la façon de Werner ou de Dion avait plus d’avenir qu’un 5 cylindres en étoile, laisse tomber le projet de fabrication de la Félix Millet. Bien des solutions techniques inaugurées sur cette machine révolutionnaire connaitront le succès dans les décennies suivantes, mais il était décidément trop tôt.

Sans succès en moto, la Millet aura toutefois une descendance glorieuse, car les frères Seguin, fondateurs de la société Gnome & Rhône (qui deviendra SNECMA puis Safran) vont reprendre et développer le concept du cinq cylindres rotatif en étoile et présenter, en 1907 leur première réalisation, l’Omega, un moteur aéronautique rotatif à 7 cylindres en étoile.

La fiche technique complète est ICI.

La “Roue Soleil” de ce premier prototype a une cylindrée de 1925 cm3 et annonce 1,2 ch à 180 tr/min avec un régime maxi de 325 tr/mn. La moto pèse 60 kg dont 10 kg seulement pour le moteur, dont 4 kg pour la bobine d’induction et 8 kg pour la pile dont il faut changer les acides à peu près aussi souvent qu’on fait le plein ! La suspension avant, première du genre, est à roue poussée avec deux bras déformables en acier ressort qui supportent la roue et un arceau qui vient s’appuyer sur une lame de ressort supérieur jouant le rôle d’amortisseur. Cette vue  montre bien le système de direction déportée à biellettes, la chaîne de transmission sous carter du pédalier d’assistance, le garde-boue arrière qui fait, déjà, office de réservoir et les béquilles commandées par un levier sous la selle se déploient latéralement. (Clic sur les photos pour les agrandir)

Photo dédicacée par Félix Millet lui-même de sa première réalisation. Le tricycle “dos-à-dos” a été construit en 1869 et la “roue soleil” montée à l’avant date de 1887. On y notera la suspension par anneaux ressort du moteur qui compense l’absence totale de pneumatique.

Quel imbroglio, tous les éléments sont intégrés et le fonctionnement bien ardu à comprendre ! Le cadre coque en tôle rivée sert aussi de garde-boue, de boîtier d’admission et de réservoir d’essence sur l’arrière. Au centre, le gros moyeu blanc en porcelaine devant le pédalier est la pile d’allumage (brevet Millet) qui est mise en fonction en la faisant tourner d’un demi-tour pour mettre en contact ses constituants (acides nitrique et sulfurique). La suspension avant reprend le modèle inauguré avec la version de 1895, mais cette fois le même principe est aussi utilisé pour l’arrière avec un bras oscillant articulé sur l’axe du pédalier qui cumule lui aussi les fonctions. Ce bras s’appuie sur un arceau guidé par deux biellettes et relié au garde-boue par un ressort amortisseur qui travaille en traction. Les deux tubes de gauche servent de carters pour les brins de la chaîne. Le tube central du même côté sert à la fois d’échappement et de barre de torsion pour la suspension. (collection lycée technique Hyppolyte Fontaine, Dijon)

Comment ça marche ?  L’air admis sous l’avant de la selle (réglable sur un coulisseau) est réchauffé au niveau du pédalier par les gaz d’échappement qui arrivent par le tube central-barre de torsion. Il passe ensuite par le tube supérieur du droit du bras oscillant pour être mélangé à l’essence et vaporisé à l’arrivée vers les clapets d’admission. Enfin, au centre de la roue apparaît le doseur du graissage dont on vous laisse deviner le circuit… intégré bien sûr . (collection lycée technique Hyppolyte Fontaine, Dijon)

Un truc génial : relever le guidon amène l’abaissement des deux béquilles latérales reliées par une cordelette. Deux poignées tournantes commandent respectivement les gaz et l’embrayage (également actionné par rétropédalage couplé avec le frein). Sous le guidon, à gauche la bobine de l’allumage haute tension à droite, un ancêtre du graissage séparé des deux temps modernes, avec un réservoir qui contient trois différentes sortes d’huiles et pétrole pour le graissage « automatique » réglé par les pointeaux qu’on distingue en dessous.

Félix Millet sur un tricycle Autofauteuil au Tour de France 1906 (BNF-Gallica)
Une moto française de 1900 cm3 à cinq cylindres, vous y croyez, vous ? Ce fut pourtant vrai, il y a maintenant 130 ans avec la Félix Millet, seconde version, un ancêtre étonnant qui cumule les inventions : moteur multicylindre en étoile, suspensions avant et arrière oscillantes et bien d'autres choses. Découverte. Ce premier prototype [...]