Lube, Montesa, Torrot, Rieju : L’Espagne francophage

En Espagne l’industrie motocycliste naît après la Seconde Guerre et évidemment le pays manque cruellement d’infrastructures industrielles et il est impossible de s’y procurer les différents éléments constitutifs d’une moto : pistons, carburateurs, allumages, etc., et pour tout arranger les devises manquent tout autant. C’est donc vers le pays le plus voisin, la France, que se tournent les pionniers espagnols d’autant plus qu’ils sont juste de l’autre côté des Pyrénées : Lube à Bilbao et Torrot à Vittoria, sont en plein Pays basque tandis que Montesa à Barcelone et Rieju à Figueras près de Gérone sont en Catalogne. Et puis, cela tombe bien, nous sommes plutôt spécialisés dans les petites cylindrées utilitaires et que c’est justement, ce dont a besoin la population espagnole d’alors.

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Luis Bejarano démarre la fabrication en série de la motocyclette Lube en 1946-47 avec, déjà, une usine de 7000 m2 et 50 millions de pesetas. Le modèle de Lube, la 125 type A 99 est un clone de la Terrot 100 MT de 1939 qui a largement fait ses preuves en ayant été produit à 7000 exemplaires par la firme dijonnaise. Une petite machine robuste qui répondait bien aux mauvaises routes existantes dans la péninsule ibérique.

La Lube 100 type 99 de 1947 et son modèle, la Terrot 100 MT de 1939.
Lube 125 T - 1954

Dans la période de 1947 à 1954. Lube fut le plus grand fabricant des motos en Espagne. Sa production en 1 951 fut de 2 230 unités contre 825 seulement pour Montesa. Le prix de vente de Lube était aussi 20 % inférieur à celui de Montesa grâce à la fabrication de la plupart des composants dans ses installations alors que Montesa en sous-traitait la majorité. Cet avantage décisif de Lube tenait à un contrat signé en 1952 avec NSU qui obtint 10% du capital en échange de machine-outils transférées à l’usine espagnole.

La série des Lube 75S, 99S et 125S de 1957 sera la dernière héritière lointaine de l'inspiration du Terrot MT.

En 1954, le nouvel équipement de l’usine Lube lui permet de sortir des machines totalement nouvelles et plus personnelles, les 125 T, 125 P à habillage enveloppant et d’autres 125 et 150 à vocation toujours utilitaire, bien qu’animées par un nouveau moteur. La production culmine en 1958 avec 8500 exemplaires de la 125 T particulièrement économique, mais c’est le chant du cygne, Lube ne s’est tourné que trop tard, cette même année vers des modèles plus sportifs, les 125 et 150 Renn, Izaro et Yack et ne réussira pas à rattraper la concurrence dans un contexte de plus en plus difficile. Lube cessera son activité en 1967.

Un échantillonnage quasi complet de la production Lube. De gauche à droite: 150 T 1954, 125 P 1955, 125 E 1958, Lube-NSU 250 Max 1957 et 150 Izaro de 1964

Pedro Permanyer et Paco Bultó suivent le même parcours que Lube quand ils décident en 1944 de fabriquer des motocyclettes Montesa, mais la marque, qui deviendra l’une des plus importantes d’Espagne, débute avec le minimum vital en acquérant un petit local de 100 m2 et en créant une Société avec un capital de 2 310 000 Ptas. Tous les composants sont alors sous-traités et les prix de revient sont en conséquence beaucoup plus élevés que ceux de Lube, mais cela permet à Montesa de lancer sa fabrication de motos sans prendre le moindre risque économique.

La première Montesa, la 100 cm3 A45 de 1945.
Les modèles

C’est cette fois Motobécane avec son 100 AB1 qui a servi de modèles à la première Montesa A45 de 98 cm3 présentée en 1945 en version standard puis pour dames et surtout ecclésiastiques. Ces 100 sont suivis en 1946 par les 125 A46 et B46 conçues avec une grande élégance par Francisco Bulto, futur créateur de Bultaco en 1958. Comme le 98 et contrairement aux Lube, ces 125 Montesa débutent en affichant clairement leurs ambitions sportives et en participant avec succès aux épreuves locales. Elles donneront naissance à la fameuse série des Brio.

Montesa 125 A 46-49 de 1949
La série des Brio fit beaucoup de mal à Lube. ici le 125 Brio 9S au salon de Paris en 1957

Dans le Pays basque comme Lube, la firme barcelonaise Ossa (acronyme de Orpheo Sincronic Sociedad Anónima), spécialisée depuis 1924 dans le matériel de projection, prend une tout autre inspiration, celle de l’allemande DKW. En revanche, Terrot SAE plus tard rebaptisé Torrot prendra tous ses modèles de notre côté des Pyrénées. Fondé par Don Luis Iriondo en 1948. La marque commence par construire sous licence des cyclomoteurs Terrot dont il reprend le célèbre logo en losange frappé d’un double T, dans les années 50.

Encore sous le label Terrot SAR dà la fin des années 50.
Une gamme Peugeot sous label Terrot vers 1960.

La firme se nomme alors Terrot SAE, mais elle perd la licence en 1960 après le rachat de Terrot par Peugeot. Terrot SAE devient alors Torrot. Tout en gardant le fameux logo au double T. Quelques 50 cm3 Terrot-Peugeot sortiront sous ce label, mais Peugeot a aussi sa marque sœur en Espagne, Movesa, qui fabrique ses 50 cm3 et la 175 sous licence depuis 1952 et la collaboration cesse de fait avec Torrot qui se toure illico vers le concurrent direct de Terrot, Motobécane. Sortiront ainsi des Mobylette Torrot avant que la marque n’élabore ses propres produits dans les années 70 avec des moteurs Minarelli puis Sachs. Disparue dans les années 90, Torrot a fait un grand retour en 2011 avec des scooters et mini-motos électriques.

Après les Torrot-Terrot et Peugeot, les Torrot-Mobylette arrivent vers 1970.
Le haut de gamme avec allumage électronique et refroidissement par air forcé.
Prospectus de 1968, les Torrot sont sur base Motobécane avec, pour certains, une forte hispanisation.
Plus de Torrot-Peugeot, mais des Peugeot-Movesa dans les années 60.

Rieju, enfin, Catalan comme Montesa sera un très fidèle abonné aux semi-importations françaises. Semi-importations car les moteurs des Ateliers Mécaniques du Centre (AMC), seront entièrement fabriquées sous licence en Espagne par FITA à Figueres (Catalogne du Sud).

Le très intéressant petit moteur Serwa, 4 temps à soupapes culbutées de 38 cm3, que Rieju commença par monter sur des vélos…
…avant de le transformer pour le monter sur de vrais cyclomoteurs comme ce modèle de 1953.

La nouvelle marque Riera Y Juanola S.L. (RieJu) à Gérone née en 1942 fête aujourd’hui son 40e anniversaire. Elle débute dans le deux roues motorisé en 1945 en montant sur les vélos de sa fabrication le petit bloc moteur français Serwa, un quatre temps de 38 cm3 à transmission directe sur la roue arrière qui développait 1 ch et promettait 40 km/h. La grande originalité de ce petit bloc qui pesait 9 kg étant de proposer deux vitesses et un point mort. Le premier vrai cyclomoteur naît en 1949 et cette version est suivie de deux autres en 1951 et 1952 toujours avec le moteur Serwa, amélioré avec un embrayage et une boîte séparée à deux rapports conçue par Rieju.

Un groupe de Rieju - Serwa vers 1953.(photo Rieju)

Tout aussi francophile, la première moto, qui est présentée en 1953, est très inspirée par le 175 Gima. Elle utilise, comme lui, un moteur AMC ici dans sa version 175 cm3, et ce bloc quatre temps à soupapes culbutées est produit sous licence par FITA à Figueres. L’équipement est particulièrement moderne avec des suspensions, téléscopique à l’avant et coulissante à l’arrière, à amortissement hydraulique. Cette 175 connaît un fort succès et il en sera construit 5000 exemplaires de 1953 à 1961 avant que le moteur AMC ne laisse place à un Hispano-Villiers deux temps produit à 4000 exemplaires durant les les quatre années suivantes.

La première moto Rieju à moteur AMC 175 cm3 dans la cour en 1953. (photo Rieju)
Tout le personnel de l'usine est sorti pour présenter la petite dernière. (photo Rieju)

Rieju se tourne ensuite vers le deux temps, et toujours avec des productions AMC sous licence, avec le 125 Isard à cylindre horizontal. Il équipera le scooter à grandes roues du même nom de 1956 à 1960, puis la Tahon, copie presque à l’identique du Taon Derny. Ces deux modèles, trop chers et mal compris par le marché, seront des échecs complets et manqueront de mettre la marque en faillite. Elle se rattrape heureusement en 1959 avec le Jaca Sport 125, une petite moto sportive animée par le même moteur qui remet Rieju sur les chemins du succès et se vend à 3200 unités de 1959 à 1963. Hélas, comme partout en Europe la moto se meurt en cette fin des années 50 et Rieju se tourne vers le cyclomoteur en utilisant cette fois des moteurs Minarelli produits sous licence par Fita à Figuères comme l’étaient auparavant les AMC.

Le Tahon de Rieju, copie conforme du Taon Derny, mais avec un moteur AMC construit à Figueres.
Elégant et invendable, le Rieju Isard 125 de 1952.
Rieju se rattrape en 1958 avec le 125 Jaca animé par le même moteur AMC.

… et un plus final, suite à la demande de l’expert en Gnome & Rhône Daniel David, dans les commentaires, voici une photo de l’EFS portugaise qui débuta en 1967 à Ageda, avec des 125, 175 et 200cm3 animée par le moteur Gnome& Rhône R4D. La marque a ensuite été motorisée par Casal et Sachs en 50 cm3 et Puch en 125  avant de s’éteindre en 1979.

Portugal - type Police, existe aussi en 175 et 200 moteur Gnome R4D

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4 commentaires sur “Lube, Montesa, Torrot, Rieju : L’Espagne francophage

  1. Duquenoy Sébastien dit :

    Bonjour. Vous pourriez peut être m’aider j’ai une mobylette torrot de 1970 j’ai mon pédalier qui est cassé et il me manque les carters. Je ne trouve ces pièces sur aucun site. Avez vous un cite ou adresse où je pourrais les trouver. D’avance merci

  2. Carlos dit :

    Mes origines espagnoles ne peuvent qu’applaudir à la fin de la lecture de cet article sur les débuts d’une industrie qui finira, de 1965 à 1980, par prendre une place d’importance sur la scène internationale. Merci !

  3. fmd dit :

    Merci cher Daniel, j’ai donc rajouté à ta demande expresse l’EFS en question en fin d’article.

  4. Daniel DAVID dit :

    Super article.

    Si tu étend ton étude à toute la péninsule ibérique il y a eu des motos EFS au Portugal équipées de moteurs 125 Gnome & Rhône de type R4D.