La première vraie boite de vitesses entièrement automatique est une réalisation française, la boite Gyroflex inventée par notre grand spécialiste national des transmissions, Bridier Charon. Elle fait sa première apparition publique au salon de Paris de 1933, montée sur une Alcyon 350 cm3 SuperSport. Présentée en détail dans la fiche qui lui est consacrée, cette moto révolutionnaire eut droit à un essai dithyrambique dans Moto Revue, mais ne fut vraisemblablement commercialisée qu’à un nombre très limité d’exemplaires. Le convertisseur très sommaire provoquait sans doute beaucoup de glissement augmentant la consommation, tout en réduisant les performances. Ce dispositif associant un convertisseur à une sorte de demi différentiel était pourtant extrêmement ingénieux et on peut supposer qu’une réalisation faisant appel à tous les perfectionnements actuels dans ce domaine pourrait trouver sa place avec de beaux arguments de simplicité et d’encombrement face aux autres systèmes.
Le rêve de la boite auto au fil des ans en 5 familles
La boite de vitesses entièrement automatique (vraiment auto, sans la moindre intervention manuelle obligée) resta longtemps un rêve d’ingénieur. Elle se développera grâce à quatre technologies bien différentes, les variateurs à courroie, les boites dotées d’un embrayage automatique centrifuge pour chaque rapport, celles à double embrayage, les convertisseurs hydrauliques et les pompes hydrauliques variables. Chacune a ses avantages et ses inconvénients.
Tour d’horizon des 6 grandes familles de transmissions automatiques en moto : Les variateurs à courroie – Les convertisseurs, à commencer par le Gyroflex associé à un différentiel – Le système Kreis avec un embrayage centrifuge pour chaque rapport – Les pompes hydrauliques variables système Badalini et dérivés – Les boites type DCT à simple ou double embrayage.
Le convertisseur
Seul, parfois sur des scooters, comme le Ducati 175 Cruiser en 1953 ou le Yamaha 175 SC1 en 1960, le convertisseur a séduit beaucoup de constructeurs qui l’associeront souvent à des boites de vitesses simplifiées : Guzzi 1000 Convert en 1974 puis Hondamatic 750 en 1975 puis 400 de 1978. La première marque à tenter ce mixage est cependant BSA en 1933 en associant sur une moto un convertisseur à une boite préselective Wilson avec laquelle ils avaient beaucoup de succès en automobile.
Ces exemples composites ne peuvent toutefois être considérés comme totalement automatiques ce qui n’est pas le cas de l‘Alcyon Gyroflex (convertisseur associé à un différentiel) de 1933 qui est, sauf erreur, la première moto au monde à boite automatique ne requérant aucune action manuelle.
Quelques mois avant la Gyroflex, une BSA révolutionnait le salon de Londres et beaucoup la présentent comme la première moto automatique. C’est pourtant une erreur, car, si elle a bien un convertisseur (comme sur le Gyroflex), il est associé à une boite présélective Wilson à trois rapports commandés par un petit levier au guidon. On ne peut donc considérer cette BSA comme une moto entièrement automatique.
Vraie révolution en 1952, la première production de Ducati après les fameux moteurs adaptables Cucciolo 50 cm3, est le Ducati 175 cm3 Cruiser, à changement de rapport assuré par un double convertisseur hydraulique extrêmement moderne avec un verrouillage automatique à partir d’un certain régime pour éviter tout glissement, un embrayage centrifuge et manuel.
Dans les années 70, où les constructeurs planchent déjà beaucoup sur le sujet, apparaissent quelques exemples industrialisés de dispositifs hybrides couplant un convertisseur et une boite deux rapports. Ce fut le cas en 1974 de la 1000 Guzzi Convert, avec un convertisseur, un embrayage de séparation et une boite 2 vitesses commandées par sélecteur. Les Hondamatic 750 Four à partir de 1975 et 400 bicylindre en 1978 sont basées sur même principe, mais sans embrayage de séparation. Suzuki tentera aussi timidement l’aventure avec une disposition similaire sur sa GS 450 G Suzukimatic (non importée en France). On ne peut toutefois considérer ces modèles comme de vraies automatiques, car toutes sont associées à une boîte 2 rapports commandés par sélecteur.
Alcyon 350 SuperSport à boite Gyroflex 1933
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Une conception très ingénieuse qui combine les fonctions d’un convertisseur et d’un différentiel. L’ensemble du boîtier vert est entraîné en A depuis le moteur, l’entraînement de la roue arrière est assuré par le pignon bleu. Entre les deux, la rotation des aubes D et D’ (qui baignent dans l’huile) fait tourner les satellites C et C’ qui entraînent le planétaire P. L’effet de variation est continu, et il suffit de greffer au tout une commande d’embrayage/débrayage pour permettre à la fois la mise en route du moteur et le découplage au ralenti (car demeure toujours un brassage résiduel). L’ensemble demeure léger, compact et pas trop coûteux, contrairement au système BSA. Notez que sur le dessin de gauche l’entrée et la sortie de boite sont du même côté, comme sur la version utilisée sur l’Alcyon, tandis qu’à gauche l’entrée est d’un côté et la sortie de l’autre.
La BSA Fluid Flywheel Transmission de 1933


Ducati 175 Cruiser – 1953
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Variateurs à courroie
Il faut attendre 1938 pour voir apparaître les scooters Salsbury Motor Glide équipés d’un double variateur à courroie et d’un embrayage centrifuge, comme le seront tous les scooters modernes, bien que la technologie ait entre temps notablement évolué. En Europe, le système sera popularisé par le DKW-Manurhin « Beltomatic » avec un système sous licence Uher. On verra aussi des convertisseurs sur certaines motos comme l’Aprilia 850 Mana en 2007.
Salsbury Super Glide 193
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Motobécane 50 cm3 Mobylette AV 37 Mobymatic 1954
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Présenté dès 1954 sur la Mobylette AV37, le système Mobymatic basé sur un brevet déposé par René Mangin est particulièrement ingénieux en ce sens qu’il n’y a qu’une seule poulie variable en sortie moteur et que la courroie garde une tension constante grâce à la rotation du moteur qui pivote autour de son axe d’attache au cadre. Grâce à ce système aussi efficace qu’économique, Motobécane gardera longtemps une longueur d’avance sur tous ses concurrents.

DKW/Manurhin 75 cm3 SM Hobby – 195
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Le DKW-Manurhin 75 cm3 Hobby, produit dans la seconde moitié des années 50, est basé sur un variateur à courroie réialisé selon les brevets Uher. Produit à partir de 1954 par DKW puis par Manurhin à partir de 1956, ce Hobby ne devient vraiment pleinement automatique à partir de la version SM 75 Beltomatic de 1958 qui a perdu sa manette d’embrayage.

Hägglunds 350 XM – 1972
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Étudiée pour l’armée suédoise en 1972, la 350 Hägglunds révolutionne autant le monde de la partie cycle avec un cadre coque et des suspensions monobras, que celui des transmissions avec un double variateur suivi d’un arbre.

Aprilia 850 Mana 2007
Système Kreis : Un embrayage pour chaque rapport
Ce dispositif fort intéressant, efficace et peu onéreux, est basé sur des brevets déposés dans les années 30 par Fritz Kreis avec un embrayage centrifuge pour chaque rapport. Son principal défaut est qu’il n’y a pas de frein moteur et qu’on se retrouve en roue libre en coupant les gaz.
Bernardet 125 Guépar monocylindre 1955 et 85 Cabri 1956
La boite Servomatic développée sur cette base par le motoriste Le Poulain équipera les scooters Bernardet, Cabri présenté en mars 1954 avec 2 vitesses et le Guépar à 4 vitesses qui apparaît au salon de 1955 en 125 cm3. En 1956, ce sera le tour du nouveau Cabri 98 cm3 type L6 série2. Si le Servomatic, à 2 vitesses et double embrayage centrifuge, fait des Cabri de vrais scooters automatiques, ce n’est pas tout à fait le cas des Guépar 125 et 200 cm3 dont la boite « Servomatic » à 4 rapports fonctionne par paires, 1ere et 2e pour la vile et 3e– 4e pour la route. Chaque paire se débrouille sans intervention, mais il faut actionner une pédale pour passer de l’une à l’autre.
Husqvarna 250 WR 1972
Bien après cela, en 1972, un appel d’offres de l’armée suédoise exigeant l’automatisme donnera naissance à la Husqvarna 250 WR automatique en 1972, boite Fritz Kreis 4 embrayages centrifuges.
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Pompe hydrostatique, système Badalini et dérivés
Ce système complexe développé et breveté par l’ingénieur italien Franco Badalini, fut employé par Honda en 1961 et 62 sur ses scooters Juno 125 M80 et 170 M85. Il ne s’agissait toutefois pas de vrais automatiques, car la variation de la pompe était commandée par poignée tournante à main gauche. Têtu, Honda continua toutefois à perfectionner le système, l’utilisa en course sur des quads et, enfin, le commercialisera, cette fois totalement automatique et entièrement géré par électronique, sur l’improbable 700 cm3 DN 01 en 2008 qui n’aura pas de suite.
Chez NSU le Dr Ebert a travaillé sur les transmissions hydrostatiques dès 1950 et, en 1957, NSU présente un dérivé du même système encore plus complexe, car mettant en œuvre deux pompes hydrostatiques à 9 pistons. Il est monté sur son scooter Prima V type 20 Automaticqui sera produit à 120 exemplaires en 1957, mais il semble que seuls 2 ou 3 aient survécus.
Efficaces et bien adaptés aux régimes de rotation rapide des motos, les pompes hydrauliques variables n’avaient pourtant guère de chance de se répandre, car la grande précision d’usinage requise les rendait très onéreuses. Honda l’a bien compris en abandonnant totalement ce système au profit des boites à double embrayage. Les pompes hydrauliques variables, dont le principal avantage est de n’avoir pratiquement pas de glissement, continuent d’être utilisées sur le matériel de travaux public et, en Allemagne, sur les tracteurs Fendt sous le nom de variomatic et avec une gestion électronique.
NSU/Lambretta type V automatic – 1957
NSU étudie cette transmission dès 1956 et il sera produit quelques exemplaires de ce scooter en 1957 avec, soyons précis, une transmission à convertisseur de couple hydrostatique intégrant deux moteurs à plateau oscillant neuf cylindres à angle variable.


Honda 170 cm3 Juno M85 – 1962
Etudiés en 1961 par le service Research & Development de Honda les scooters Juno 125 M80 et 170 M85 utilisaient une pompe hydraulique variable système Badalini fort efficace, mais à commande manuelle par poignée tournante à gauche.
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Honda 700 cm3 DN-01 – 2008
46 ans après ses premières transmissions hydrostatiques sur le scooter Juno M80 et M85, Honda présente une ultime évolution du système, cette fois entièrement géré par électronique.

Boites auto à double ou simple embrayage
Honda en fut le premier avec ses NC 700 S et X apparues en 2012 puis élargit leur usage aux CRF 1000 F Africa twin en 2016 suivies par les NT 1100 et les Gold Wing. Il s’agit sans conteste du système le plus abouti, mais il est lourd, cher et ultraprotégé par de nombreux brevets de blocage pris par Honda. Des dispositifs d’automatisme plus simples, apparus récemment chez BMW ou Yamaha, commencent à lui faire concurrence.



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