Motos d’alu #3 – Side-Motor 1923-25

Les  Suisses inventent la poutre

Vite, fonçons vers la Suisse, à Moutier, où naît en 1923 en même temps que notre R.M. nationale, une autre partie cycle en alliage léger tout aussi étonnante et qui élargit un peu le cadre de notre étude des motos à cadre aluminium puisqu’il s’agit d’un side-car : le Side-Motor d’André Bechler, un engin étonnant et hors normes déjà présenté ici dans les fiches et plus longuement dans mon livre “Motos Insolites“.

André Bechler en personne pose sur son étrange moto sans moteur.

André Bechler, ingénieur, mécanicien, hommes d’affaires avisé, grand spécialiste de l’industrie horlogère de Moutier et motocycliste convaincu délaisse un temps ses tours automatiques pour s’adonner à sa seconde passion : la moto et plus précisément, le side-car dont il résout élégamment les problèmes inhérents à son asymétrie, en montant le moteur dans le panier. Pas bête, mais notre ingénieur Helvète ne se contente pas de revoir totalement l’agencement des différents composants de l’attelage (les brevets datent de 1917 et la première réalisation sur une base de vélo est de 1919), il lui invente une partie cycle absolument révolutionnaire entièrement réalisée en fonte d’aluminium qui apparaît sur le premier Side-Motor commercialisé en 1923 par la société Motosport qu’André Bechler vient de créer à Moutier. Entre autres projets Motosport fabriquera aussi dans les mêmes années que le Side-Motor, une intéressante voiturette qui ne sera jamais commercialisée.

À cinq sur un Side-Motor ! André Bechler aurait-il inventé le véhicule familial idéal ?

Le vélo “à side-car auxiliaire” des débuts

Lorsqu’il dépose son premier brevet de Side-Motor en 1917, André Bechler pensait surtout à réaliser un attelage le plus économique possible. Le prototype, réalisé en 1919, n’est en fait qu’un vélo à cadre ouvert accouplé à une structure légère en tubes supportant une troisième roue qu’un moteur, surdimensionné pour un tel engin, entraîne par l'intermédiaire de deux chaînes et d'un arbre.

L’histoire débute vers 1917. Plutôt que d’adapter péniblement un petit moteur auxiliaire sur un vélo, André Bechler invente et brevette le vélo à side-car auxiliaire motorisé. Un nouvel assemblage qui ne cherche sans doute pas (encore) à améliorer la répartition des masses d’un side-car, mais simplement à réaliser un véhicule le plus économique possible où un vélo à cadre ouvert est accouplé à un châssis de side-car léger en tubes où est installé le moteur qui entraîne la roue arrière du vélo par deux chaînes et un arbre intermédiaire. Bien qu’aucune indication ne soit donnée sur la cylindrée, la photo laisse supposer un MAG monocylindre à soupapes latérales qui devait s’avérer surpuissant sur une structure aussi légère ! Cocoricio (ou plutôt, Cou-Cou, car nous sommes en Suisse), ça marche. Il ne reste plus à André Bechler qu’à se lancer dans la construction de sa vraie moto à side-car moteur, que sa société Motosport ne produira qu’à 7 exemplaires de 1923 à 25.

De la Suisse dans les idées

L’idée de base est d’une logique tout helvétique : mieux répartir les masses en plaçant le moteur et ses accessoires dans le side plutôt que dans la moto. Logique matérielle doublée d’un beau slogan commercial « Un véhicule stable à trois roues, pour le prix d’une motocyclette » Le moteur, un excellent bicylindre MAG, fabriqué à Genève par Motosacoche, est ainsi disposé le long de la roue arrière de la moto. Une chaîne primaire le relie à la boîte de vitesses transversale, qui comprend un embrayage et deux rapports commandés par levier, et entraîne directement la roue de la moto. Celle-ci est la seule roue motrice, mais la roue du side est toutefois disposée dans le même axe (contrairement à l’usage en side-car qui voudrait qu’elle soit plus avancée). Cette roue libre du side est également suspendue sur deux éléments télescopiques comportant quatre ressorts hélicoïdaux. Le réservoir, naturellement disposé au-dessus de la mécanique, est même surmonté d’une selle passager qui paraît aussi haut perchée qu’inconfortable.

Les dessins du brevet: Tout y est en une planche.
Le premier prototype vu ici n’a pas encore de suspension avant,…
Cette photo du prototype de 1923 montre bien la disposition du MAG V twin et de sa boîte très spécifique.
La version définitive pose pour la photo du catalogue.

La nouveauté de cette disposition fait déjà du Side-Motor un véhicule unique dans l’histoire, mais son constructeur a été plus loin encore en concevant pour sa moto une partie cycle totalement révolutionnaire. Moteur et réservoir étant dans le side-car, André Bechler, libéré de toutes contraintes pour le dessin du cadre de la moto, s’est inspiré du vélo à cadre ouvert de ses premiers essais en remplaçant le simple tube par une très robuste poutre ajourée en alliage d’aluminium coulé qui semble être et de loin la première réalisation du genre dans l’histoire du motocyclisme. Elle a été testée, nous dit sa publicité, pour supporter sans faillir une charge statique de 1600 kg. Deux fers plats boulonnés de chaque côté de la poutre derrière la selle soutiennent la roue arrière qui s’inclue elle même dans toute une robuste triangulation boulonnée sur le châssis de la moto pour le side-car moteur. La boîte de vitesses à deux rapports commandés par levier est aussi volumineuse que spécifique. Elle est placée à côté du moteur qui l’entraîne par une chaîne primaire et se fixe directement sur le porte-moyeu de la roue de la moto. La boîte est supportée par un tube d’acier qui vient se fixer sous la selle. Sur l’avant du « side » un très long tirant relie le support moteur au niveau de la roue du side à la colonne de direction de la moto (il sera doublé dans certaines versions) et un tirant inférieur fixé au même niveau sur le side vient se boulonner sur le repose-pied droit de la moto. La partie side-car et moteur peut ainsi facilement se désaccoupler et il ne reste plus à gauche qu’un monumental vélo qui conserve même un pédalier et une chaîne, bien qu’on doute fort de son côté pratique en vélo solo !

Le Side Motor est l’une des plus curieuses tentatives de redonner un équilibre au side-car en y disposant la mécanique. Et les arguments du catalogue sont imparables : un véhicule à deux traces a beaucoup moins de chance qu’un tricycle à trois traces d’avoir une roue dans les pierres !

Une suspension unique en son genre

Quitte à réinventer le cadre autant réinventer aussi la suspension avant s’est sans doute dit André Bechler et sa fourche avant à parallélogramme est tout aussi novatrice que son cadre. Un unique té de fourche sous la colonne de direction ne maintient non pas deux mais quatre tubes. Sous ce té en fonderie deux tubes “arrière” sont dans l’axe de la colonne de direction. Au bas de ses tubes s’articulent deux biellettes reliées à la fourche avant. Des ressorts supérieurs et inférieurs sont enfermés dans ces tubes avant dans lesquels coulisse un support central qui prolonge vers l’avant le té de fourche.

Vous l’aurez remarqué, avec cette demi-parallélogramme l’articulation basse des tubes avant est soumise lors de ses mouvements à l’arc de cercle décrit par les biellettes tandis que les coulisseaux de la partie haute n’autorisent qu’une rotation d’avant en arrière

Une allure étonnante côté moto. Ne manquerait-il pas quelque chose ?

Le side-car à complications

Après les montres à complication, l’industrie horlogère suisse a inventé le side-car à complications, mais la clientèle helvète ne sera malheureusement guère séduite. La réalisation et sa technicité étaient certes superbes, mais dérangeantes par son anormalité et d’autre part fort peu performante avec ses 50 km/h annoncés . Sept exemplaires seulement auraient été vendus dont deux subsistent soit 28 % de la production. Quelques autres constructeurs audacieux tenteront plus tard l’expérience du cadre en alliage léger, mais, sauf erreur de ma part, il faudra attendre les années 50 en scooter et 70 en moto pour voir réapparaître des cadres poutre en fonderie d’aluminium, à une demi-exception près, la Greeves qui adopte en 1953 un simple berceau constitué d’une poutre avant en aluminium, tout le reste du cadre étant en tubes.

Side-car à complication… une certaine logique, restée incomprise.

Fiche technique

Moteur MAG bicylindre en V à soupapes latérales refroidi par air et disposé en long, sous le siège passager, dans le side-car – 495 cm3 (64 x 77 mm) – 4 ch – Boîte séparée transversale à 2 vitesses – Embrayage monodisque – Transmissions primaire par chaîne, secondaire directe sur le moyeu de roue arrière de la moto – Démarrage par kick-pédalier – Cadre moto : berceau ouvert en aluminium coulé – Suspension av. par fourche à parallélogramme spéciale – Châssis side-car constitué d’une triangulation en tubes d’acier rectilignes boulonnés – 150 kg – 50 km/h.

Cet article n’aurait pas pu être écrit sans la très aimable collaboration du musée du Tour Automatique de Moutier qui nous a confié ses archives et que je remercie très vivement.

Musée du Tour Automatique, 121 rue Industrielle, 2740 Moutier (CH) – Tel 41 0 324 936 847

Les  Suisses inventent la poutre Vite, fonçons vers la Suisse, à Moutier, où naît en 1923 en même temps que notre R.M. nationale, une autre partie cycle en alliage léger tout aussi étonnante et qui élargit un peu le cadre de notre étude des motos à cadre aluminium puisqu’il s’agit d’un side-car : le Side-Motor d’André [...]

Motos d’alu #2 – RM 1923-25

L’acier est résistant et facile à travailler, mais lourd. Pourquoi ne pas utiliser les alliages légers pour nos cadres de moto. Le challenge a été tenté quelques rares fois sans grand succès commercial avant les progrès technologiques de la seconde moitié des années 80 qui ont vu le cadre alu se généraliser sous toutes ses formes. En attendant, après les Schickel américaines de 1912 à 1916, c’est la RM française qui ouvre le bal en Europe en 1923

 

Publicité de Robert Macé en 1922 dans la Revue Motocycliste pour son activité première, la vente à crédit de véhicules motorisés.
Le première moto RM présentée au salon de Paris en 1922 a un cadre coque enveloppant en tôle d'acier, tout comme la fourche avant.

1922 : de la tôle d’acier pour le brouillon

Les premières expériences de cadre en alliage léger feront appel à la fonderie et il semble bien que la RM vendue à Paris par Robert Macé soit non seulement la première en France, mais aussi en Europe à avoir tenté l’expérience de l’aluminium avec de surcroît un cadre coque tout à fait étonnant, dessiné et réalisé en 1921 par Jack Enders co-directeur et fondateur de la société Otom. Spécialiste par ailleurs des ventes de véhicules à crédit en tous genres RM ne semblait pas promis à une telle aventure. Et pourtant, si ! Tout commence avec une première mouture, présentée au salon de Paris de 1922, et dotée d’une coque en tôle d’acier d’une ligne très sobre qui ne choquerait pas sur un cyclo-scooter des années cinquante, cette élégante RM étant en outre pourvue de pare-jambes prolongés par des marche-pieds.

Son moteur deux temps monocylindre deux temps de 350 cm3 (76 x 76 mm) est disposé transversalement est accouplé comme sur la Ner-a-Car et la La Mondiale Belge, à un changement de vitesse à plateau. Ce plateau circulaire fixé en sortie du moteur, qui tourne rappelons le dans l’axe de la moto, entraîne un galet de friction qui assure ainsi la variation en se déplaçant du centre vers la périphérie du plateau. Un autre galet sur le même axe frotte entraîne la roue arrière par friction sur le pneu. Robert Macé était décidément intrépide et confiant et cette RM tôlée annonce 65 kg, 80 km/h en solo et 60 km/h avec side-car ! Le tout est proposé à 1 995 F, un prix fort abordable car la même année 1922 la populaire Terrot 270 E s’échelonnent de 2800 F pour la version à courroie directe à 3650 F pour le modèle à boîte 2 vitesses.

La première R.M. à coque en tôle est fort sommaire. Le levier de vitesses traverse le réservoir et le démarrage s'effectue par le levier manuel sur le côté gauche.
Comme sur La Mondiale et le Net-a-Car, le changement de rapport s'effectue par un plateau (A) qui entraîne par friction le rouleau B qui coulisse sur son axe cannelé pour s'appuyer sur le centre ou la périphérie du plateau. Le galet R entraîne la roue et le frein à patin (F) garantit la sécurité nécessaire. (doc. Jean Bourdache)

1923 : des demi-coques d’alu boulonnées

Un an plus tard et au même salon de Paris, RM devenu Société Anonyme des anciens établissements RM présente une toute nouvelle moto dotée d’un cadre coque aux formes torturées en fonderie d’aluminium ajourée de chaque côté de deux trappes rondes pour les opérations de maintenance et deux orifices ovales ouverts sur l’arrière qui peuvent être fermés par des couvercles percés d’évents. Cette première coque de Jack Enders est constituée de deux coquilles boulonnées et la fourche avant, qui est toujours du type pendulaire, est une massive coque-garde-boue en fonderie d’aluminium qui enveloppe toute la partie haute et supporte le ressort de suspension horizontal.

Le 15 octobre 1923, Automobilia encense la RM dans son numéro de compte rendu du salon : « Parmi les grosses motos, nous ne trouvons guère de nouveautés dignes d’être signalées » écrivent-ils « si ce n’est la conception fort originale d’un constructeur qui supprime le cadre et le remplace par un véritable bâti en aluminium sur lequel viennent se fixer les principaux organes ainsi que les roues… »
Une photo quasiment identique à celle ci-dessus, mais la RM a reçu une selle et son levier de démarrage logé derrière le tablier . L'éclairage est électrique et la coque intègre compteur de vitesse et montre. (Doc. Jean Bourdache)
Il semble ne plus subsister de ces futuristes R.M. que ces photos retravaillées, et ont-elles été vraiment produites ? (Doc. Jean Bourdache)
RM a abandonné le moteur à changement de rapport par plateau de friction pour ce deux temps original où le volant moteur fait office de disque rotatif gérant l’admission. (Docs Jean Bourdache)
La vue en coupe montre bien la construction de la coque en deux parties boulonnées qui va englober totalement la roue arrière.

La version “définitive” présentée au salon de Paris 1923, dans les publicités suivantes datées de 1924 et au salon de cette année-là montrent une coque bien différente constituée de deux parties boulonnées. Six ouvertures obturées par des caches boulonnés sont pratiquées de chaque côté de la coque pour les opérations courantes d’entretien (ronde avec le logo RM, ovale sous la selle, ronde au niveau de la boîte de vitesses et deux sur l’arrière qui sont munies d’évents de refroidissement).

Les moteurs fixés en trois points sur les flancs droit et gauche de la coque et facilement déposables, différent totalement sur les versions « salon 1923 » et “prototype définitif 1924”. mais tous deux abandonnent la disposition transversale et les changements de rapport et transmission finale par galets de friction utilisés sur la RM 1922. Le deux temps “définitif” n’en perd pas pour autant son parti-pris d’originalité. L’admission dans le carter est contrôlée par le volant moteur gauche qui fait office de disque rotatif et on trouve désormais un changement de vitesse épicycloïdal monté sur la soie droite du vilebrequin et commandé par câble au guidon. La transmission à la roue arrière s’effectue par chaîne.

Une autre étape du développement apparaît sur cette publicité parue dans le Moto Revue spécial salon de 123 où les trappes arrières n'ont pas leurs obturations.
Cette ultime publicité RM montre, enfin, le prototype de la version définitive qui ne sera finalement jamais produite. Pour le même prix que la version en tôle de 1922, cette révolutionnaire RM à cadre en fonderie d’aluminium annonce 85 kg, et 75 km/h pour à peine plus de 4 litres aux cent kilomètres de mélange à 8%.

Remarquable progrès cette RM en alliage léger a pris 20 kg et annonce 85 kg et 100 km/h et une consommation de 4 l/100 km de mélange à 8%. Eh oui, on n’avait pas peur de fumer à cette époque. Le plus étonnant est son prix affiché devenu totalement irréaliste qui est toujours de 1 995 F alors que, la même année, une Peugeot 350 vaut 3450 F et une bien modeste Terrot 175 deux temps type L, 2650 F ! C’est à se demander si RM était vraiment décidé à commercialiser sa moto ou si ce n’était qu’une coque vide ! Il semble, hélas, que les aventures de Robert Macé et de son copain ingénieur Jack Enders s’arrêtent là, car on en entend plus parler par la suite. Cocorico quand même, cette utopique RM semble bien avoir été la première moto en Europe à avoir un cadre en alliage léger. Il y en aura bientôt d’autres, en Suisse avec le Side-Motor à cadre poutre en fonderie d’aluminium et moteur 500 MAG en 1925, puis en Allemagne avec quelques Neander suivies par les Neiman et les Ardie à cadre en profilés de duralumin. On revient ensuite dans l’hexagone en 1929 pour redécouvrir les MGC et leur fabuleux double châssis-coque en fonderie et nous terminons ce voyage d’avant-guerre dans les motos d’alu en Grande Bretagne avec les rares Mercury.

Et même une publicité en couleur dans la revue "Motocyclisme" n°89 du 10 février 1923.
L'acier est résistant et facile à travailler, mais lourd. Pourquoi ne pas utiliser les alliages légers pour nos cadres de moto. Le challenge a été tenté quelques rares fois sans grand succès commercial avant les progrès technologiques de la seconde moitié des années 80 qui ont vu le cadre alu se généraliser sous toutes ses [...]

L’aventure JBB par Yves Kerlo

Bien souvent les bouquins sur la moto sont avant tout informatifs, sans briller par une plume alerte et peu mis en valeur par une mise en page vieillotte. Autant de raison de vous réveiller les sens avec le JBB concocté par Yves Kerlo avec l’assistance de Bruno des Gayets pour les images et Jérôme Paillet pour la mise en page. C’est beau, c’est vivant, l’histoire est passionnante et si bien racontée qu’on a l’impression d’une discussion en réel avec l’auteur. j’ai dévoré l’ouvrage en à peine deux heures… mais j’y reviendrai pour rentabiliser l’affaire et me pencher sur les détails.

au fil des pages toutes les réalisations de Jean-Bertrand Bruneau sont illustrées par ses croquis.

Voilà que l’impression générale me fait oublier de parler du sujet :  JBB. Dans cette période extraordinaire de la moto en France des années 70 à l’aube du 21e siècle, nous avons eu la chance d’avoir un foisonnement de concepteurs et techniciens géniaux dont le talent eut un retentissement mondial même si tous n’ont pas toujours eu les moyens d’exprimer totalement leur potentiel. Eric Offenstadt, Pierre Doncque, Bernard Droulhiole, Alain Chevallier, Claude Fior et Jean-Bertrand Bruneau furent les moteurs de ces feux d’artifice dans les motos de course françaises et il faut leur rendre hommage.

JBB, on se souvient surtout de son curieux train avant à triangles superposés, et des succès acquis avec cette technologie, mais le livre nous rappelle que pendant près de 50 ans JBB, le dentiste, a également conçu des moteurs, des cadres, des casques, des vélos et des motos électriques.

Le livre d’Yves Kerlo qui a notablement participé avec sa société Reflex aux réalisations de JBB nous fait aussi revivre toutes les rencontres et collaborations avec les ^personnages qui ont fait l’histoire de la moto française dans ces années : Jean-Sylvain Dupré, le brillant technicien associé à Yves, Jean Buchoux et son entreprise JPX, Jacques Bolle, Georges Martin, Michel Robert qui lance JBB dans le Championnat de France Protwin, Cyrill Bihr qui soutient le projet MetisS et puis des designers comme Yves Malka concepteur de la fabuleuse Atomo,  Jeann-Michel Tarallo auteur de la si belle et futuriste RenNa, moto routière unique sur base de Ducati 996 et Jeremy Faraud, auteur de la Temo (Terra Modena). Vous l’aurez compris, ce livre fait partie des indispensables.

La RenNa en cours de fabrication avec Stéphane Segretain dans l'atelier de Relflex et en photo studio par Bruno des Gayets.

Édité en 2022 et distribué par Café Racer: Les éditions du Dollar, 19, rue de l’Odéon, 75006 Paris – Format 26 x 28,5 cm, couverture cartonnée – 192 pages – 500 photos – 40 €

Le livre est à commander sur le site de Café Racer – ISBN 978-2-9576836-2-8

Et pour en savoir plus tous les autres ouvrages sur les motos françaises, reportez-vous à la rubrique livres dans le menu en haut de page.

Bien souvent les bouquins sur la moto sont avant tout informatifs, sans briller par une plume alerte et peu mis en valeur par une mise en page vieillotte. Autant de raison de vous réveiller les sens avec le JBB concocté par Yves Kerlo avec l'assistance de Bruno des Gayets pour les images et Jérôme Paillet [...]

Coupes Moto Légende 2022 : le plateau rajeunit

Les Coupes, enfin retrouvées, restent fidèles à leur réputation : monumentales ! Entre les clubs, la bourse, les participants installés tout autour du circuit et les motos de prestige dans les box…, on a du mal à faire un tour complet en une seule journée. Cela dit, on note d’année en année un rajeunissement progressif du plateau avec de plus en plus de motos des années 70-80 et de moins en moins d’anciennes. Il faut avouer que les avant-guerre n’étaient pas gâtées par le programme de roulage avec quelques tours de circuit le samedi à 8h50 pour les plus de 175 cm3 puis à 8 h 30 et à 17 h 05 le dimanche. Il est dur de contenter tout le monde avec autant d’engagés, mais le résultat risque fort d’être une désaffection croissante des avant-guerre à Dijon-Prenois. Les Coupes marquent aussi un peu le pas ; presque, autant de participants que les années précédentes et plus de visiteurs selon l’organisation, mais, tous comptes faits, moins d’exceptionnel, ou peut-être suis-je blasé, car j’ai l’impression de n’avoir rien découvert que je n’avais déjà vu. Il faut dire que les Anglais étaient beaucoup moins nombreux et cela fait un sacré trou. On apprécie enfin la part belle faite aux petites cylindrées avec un circuit qui leur était spécialement réservé.

Côté course

Côté course, admirons au passage cette belle 500 Paton vue sous un angle bien inhabituel.
C'est une règle absolue de toutes les réunions de motos anciennes importantes, l'une des grosses vedettes est l'exposition de motos de compétition réunies par Gérald Motos. Les coupes de cette année ne dérogeaient pas à la règle avec ce bel étalage et, en tête de gondole, la CZ d'usine avec laquelle Jean-Michel Hervé finit 3e dans sa catégorie au Bol d'Or 1970. La moto courut ensuite au Championnat de France les trois années suivantes.
Les collectionneurs de belles Italiennes anciennes sont toujours en majorité dans les stands de la pit lane. Ici une Gilera 500 Saturno Corsa de 1956.
Belle paire de Maico, non ? une 250 MD RS de 1974 pour monsieur Klink, et sa sœur jumelle pour madame Klink. C'est beau la vie de couple !
D'accord, ce n'est qu'une réplique, mais elle l'annonce clairement et les records du monde remportés par ce Guzzino 54 cm3 en 1948 valent bien cet hommage.
Côté moto, la bourse ne valait guère le déplacement, mais on pouvait acheter sur le paddock ce bitza d'époque avec un moteur Triumph 500 tout alu daté de 1945, et un furieux air d'Italienne pour le cadre et l'habillage.
Mini réplique à pédales de la MV Agusta 4 cylindres de Leslie Graham en 1954 réalisée en 1954 par le département course de MV Agusta à la demande du Comte Corrado Agusta (frère du comte Domenico Agusta qui tenait les rênes de l'usine) pour son fils Riccardo qui a alors 4 ans. La MV de "Rocky" pèse 16 kg avec une longueur de 1,10 m et des roues de 14". La précieuse relique fait partie de la collection du Moto club Bustese.

Du côté des anciennes et des clubs

Ambiance avec la Mobylette version 1960, la vraie Bleue, et son heureux pilote en pleine séance de mécanique devant les yeux émerveillés de sa dame de coeur.
Comme d'habitude le RMCE (Rétro Moto Club de l'Est) de Morvillars était venu en force : avec 29 motos, 19 personnes et 12 camionnettes !
Dans l'ordre chronologique c'est la Peugeot de 1901 à moteur ZL qui entame la longue rangée d'exposition.
Faute d'un vrai grand musée national, il est des musées privés qui bougent et c'est le cas de la Grange à bécanes qui expose depuis 2013 une centaine de motos à Bantzenheim. Pour les Coupes, la Grange à Bécanes avait consacré son chapiteau à sept motos Ravat (dont elle possède les 65 modèles produits, il ne lui manque que la 650 monocylindre dont il ne fut fabriqué que deux exemplaires).
Ravat 125 U pour Ecclésiastique 1923
Ravat 175 ER2 1929
Ravat 300 ER10 à moteur Blackburne à soupapes latérales, 1932
Fidèle lui aussi parmi les fidèles, l'Indian Club de France se désolait quand même que les avant-guerre soient de plus en plus délaissées.
Émotion, en redécouvrant la Terrot 175 Super Ténor comme neuve qui fut ma première moto, sur le stand d'Arbracam.
L'amicale MZ et des motos de l'est présentait toute la gamme routière de la marque avec, en vedette, cette bien rare 250 ES de 1959 appartenant à Louis Daniel.
C'était décidément l'année Ravat, car ce beau 50 R7 de 1952-53 faisait partie de la douzaine de cyclos exposés par le Club Français du Cyclo Sport.
Admirez le blocage du levier d'embrayage pour passer en mode vélo !
Le club Motobécane était consacré cette année à la course et aux modèles trois cylindres avec, entre autres, cette malheureuse version du Paris Abidjan Nice préparée par Yves Kerlo et Camino pour Remy Louvel en 1976.
Après sa nationalisation après-guerre la firme tchèque Ogar fabrique des Jawa-CZ simplement rebadgée à son nom comme ce bel exemplaire de 1948
Un duo de choc avec deux Honda des années 60 rarissimes dans nos contrées. En rouge la 250 CIII 72 de 1963 avec ses non moins rares accessoires d'usine et d'époque.
Cette Honda 305 cm3 CS77 de 1962 appartenant à Bernard Wisniewski est sans doute l'unique exemplaire en Europe.
Vraiment pas courante, la 125 GT Suzuki de 1976 avec son cadre coque en polyester dû à Jacques Roca.
Finalement les Yamaha RDLC 350 ont tellement couru et fait les 400 coups, qu'il devient rare d'en voir une "Mint" comme disent les british.
BMW, si souvent conservateur étonne aussi parfois par des produits surréalistes, aujourd'hui un scooter électrique et, en 1988-89, cette étonnante BMW 1000 K1. Un modèle fort rare que son club exposait à dix exemplaires !
Les Coupes, enfin retrouvées, restent fidèles à leur réputation : monumentales ! Entre les clubs, la bourse, les participants installés tout autour du circuit et les motos de prestige dans les box…, on a du mal à faire un tour complet en une seule journée. Cela dit, on note d'année en année un rajeunissement progressif du [...]

Motos d’alu #1 – Schickel 1912 : L’ancêtre absolu

Norbert Schickel

Une innovation absolue en moto créée en Amérique, c’est fort rare, et quand en plus il s’agit d’un moteur deux temps et d’un cadre coque en aluminium, cela relève de l’invraisemblable. C’est pourtant ce que nous devons à Norbert Schickel dès 1911.

Photos : archives Ken Anderson

La Schickel est le premier deux-temps américain et à ma connaissance le plus gros monocylindre deux temps jamais construit à cette époque. C’est aussi la première moto à cadre-coque en alliage léger et la première à offrir une gestion de la transmission par poignée tournante. Comme bien des ingénieurs illuminés, Schickel voulait faire de la qualité et de l’innovation… pour des clients qui n’en avaient malheureusement rien à faire
La Schickel 500 version 1912 à transmission directe par courroie plate.
La toute première Schickel présentée en 1911 au salon de Chicago.

Je pensais, comme vous peut être, que la moto RM présentée par les Ets René Macé au salon de Paris en 1923 était la première moto à cadre en aluminium et puis voilà que je découvre un livre écrit par Ken Anderson, le petit-fils du constructeur Norbert Schickel.

La première moto Schickel, présentée au salon de Chicago de 1911, et produite dès l’année suivante est bel et bien la première à cadre en aluminium, bien que il soit plus juste de dire en tubes et coques aluminium. Et si ce n’était que ça ! Ces belles Américaines sont également les premières motos d’outre-Atlantique à avoir un moteur deux temps, un 500 cm3 qui, passé à 695 cm3 en 1913, sera l’une des plus grosses cylindrées unitaires jamais construite dans ce cycle. On connaissait bien sur l’Evans de 98 cm3 en 1918 à 1924 avec un moteur fabriqué par Cycle Motors à partir de 1915, la Cleveland 270 et le flat twin dû à Johnson en 1918, mais ce gros Schickel de Norbert s’affirme, sauf erreur, comme le plus gros monocylindre deux temps construits à l’époque et il est bien singulier.

Norbert Schickel en train de contrôler les pièces dans son usine de Stramford en 1912.

Norbert Schickel, l’un des huit enfants d’un architecte d’origine allemande, naît à New York le 28 juillet 1886. Passionné par la mécanique il s’engage vite dans cette voie et il est encore étudiant à lorsqu’il dessine et réalise le moteur de ses rêves : un bien curieux deux-temps où il s’est acharné à réduire au maximum le nombre de pièces en mouvement : 3 seulement contre 33 pour un moteur quatre temps classique, affirme-t-il. Il a aussi déjà jeté les plans d’une partie cycle plus novatrice encore avec une coque supérieure en alliage d’aluminium faisant office de réservoir qui va s’avérer être la première du genre. Il dépose enfin, dans sa dernière année d’études, son premier brevet sur un système d’admission d’air forcé pour un moteur deux temps. Sitôt diplômé de l’université de Cornell, Schickel est engagé le 22 septembre 1909 par les automobiles Franklin à Syracuse (NY) où il occupe divers postes tandis qu’il passe la plus grande partie de ses nuits à dessiner les plans de sa future motocyclette. N’y tenant plus, il quitte Franklin en 1910 pour se consacrer à sa moto. Il en construira quatre versions différentes entre 1907 et 1911, et il présente la plus aboutie d’entre elles au Salon de la moto de Chicago en février 1911.

Le plus gros mono 2 temps au monde

Alors que toutes les grandes Américaines s’engagent dans la même voie des gros quatre temps, le prototype présenté par « The Schickel Motor Company » qui vient tout juste d’être créé est une vraie révolution ! Il est le premier deux-temps réalisé aux États-Unis, la première moto à commandes par poignée tournante du réglage de transmission, la première ayant une magnéto avec un réglage de l’avance par rotation de la magnéto, et surtout, la première à offrir un cadre-coque-réservoir en alliage d’aluminium. Une innovation brevetée tout comme sa suspension avant et son garde-boue arrière qui, vus de l’Europe, ne nous étonnent pas outre mesure.

Le moteur est un deux-temps conventionnel (pour l’Europe, pas pour les États-Unis !) à trois transferts lubrifié au mélange… à 20 % quand même ! Enfin, pas tout à fait conventionnel quand même. Dans son principe tout d’abord puisqu’il invente une admission réchauffée grâce à une pipe d’admission pratiquement enroulée autour de celle d’échappement. Dans sa construction ensuite avec un volant d’inertie-vilebrequin forgé d’une pièce qui supporte une bielle montée en porte-à-faux comme sur les fameuses Scott.

Ne vous laissez pas abuser, ce n’est pas la face droite du moteur, mais la gauche, car le carbu est vers l’avant est sa pipe d’admission est réchauffée par celle de l’échappement qui s’enroule autour.
Une publicité de 1912 montre clairement les éléments constitutifs du moteur.
Vue du moteur côté magnéto.

Un montage plus qu’original. (A) L’embiellage monobloc fixé sur le flanc du carter côté transmission (qui contient l’unique palier) vient s’encastrer et se boulonner sur le carter principal (B). La vue (C) montre l’ensemble monté. A l’opposé de la transmission, le boîtier cylindrique reçoit la magnéto entraînée par un toc fixé (avec une platine ressort intermédiaire) sur la bielle au point restant en constant alignement avec l’axe du vilebrequin (D). (un système similaire a existé sur les moteurs Moussard dans les années 20.) (E) La magnéto qu’on voit ici dans son logement (étanche) est par ailleurs montée sur un support et la rotation de l’ensemble commandée au guidon assure le réglage de l’avance.

Nous utilisons les plus grands roulements à billes jamais montés sur des motos proclame la publicité de 1912 et, c’est fort heureux, car le vilebrequin ne tourne que sur un palier ! À gauche, la queue de vilebrequin reçoit la poulie reliée à celle flanquant la roue arrière par une courroie plate de 4,45 cm. Le réglage de la tension et le désacouplage de la courroie sont assurés par un bras terminé par un rouleau qui s’articule sur la queue de vilebrequin et dont le déplacement est commandé par poignée tournante sur la branche gauche du guidon. À droite, la magnéto contenue dans un carter étanche est entraînée par un emboîtement à tournevis sur le point de la bielle restant constamment en ligne avec l’axe du vilebrequin, une lame de ressort intermédiaire assure l’isolation de la magnéto des vibrations. Le réglage de l’avance (± 6°) s’effectue par rotation d’un cadre rond sur lequel est montée la magnéto commandée par câble et manette à main droite.

Première mondiale révolutionnaire : le cadre coque en fonderie d’alliage léger de la Schickel. Les tubes avant et arrière du cadre s’emboîtent à l’avant et à l’arrière, le cylindre est boulonné au fond de la boîte à outils et la boucle postérieure du cadre boulonnée sur l’arrière.

Coque aluminum

Ce moteur hors normes s’accroche sous un cadre encore plus original puisque toute la partie supérieure est une coque-réservoir en alliage d’aluminium qui, sur le dessin, semble d’une assez invraisemblable finesse tant pour la résistance que pour les possibilités techniques de fonderie.. Cette coque-réservoir, façon MGC, mais douze ans avant, intègre la colonne de direction et deux manchons dans lesquels viennent s’emboîter les tubes avant et arrière en acier du simple berceau soutenant le moteur. La fourche supérieure du triangle arrière du cadre est boulonnée sur l’arrière du réservoir. Joli, non ? Sur le dessus de cette coque-réservoir cylindrique aux formes typiques des motos sportives américaines de l’époque, se trouvent deux gros bouchons vissés de 5 et 7,6 cm de diamètre ; le petit pour le mélange à 20 %, l’autre étant le couvercle d’une boîte à outils au fond de laquelle se boulonne la culasse du moteur pour rigidifier l’ensemble. Un bouton moleté derrière ces deux bouchons ouvre le robinet (comme sur les premières Mobylette). La fourche maison est à roue tirée suivant un brevet déposé par Norbert Schickel en juillet 1916 et il attaquera plus tard avec succès Indian qui lui paiera 15 € pour 10 000 machines construites utilisant sans accord une suspension de même dessin et 250 € pour les droits d’utilisations à venir

Convaincu par ses prestations au salon de Chicago, le jeune Schickel, qui n’a encore que 25 ans, loue une usine à Stamford (Connecticut) à une soixantaine de kilomètres de New York et promet les premières motos Schickel pour janvier 1912 ! Optimiste le garçon ? Même pas, ses premières motos s’exhibent au salon tenu à Madison Square Garden le 6 janvier 1912 et il se vend de 75 à 100 unités dès cette première année ; un résultat plus qu’honorable vu que la jeune marque n’a pas encore de réseau. La liste des heureux acquéreurs pieusement conservée par la famille indique même plus de vingt exportations dont une à Tokyo, trois à Londres, et un exemplaire à Anvers, Berlin, Dublin, Glasgow et Porto. On a les noms, elles y sont peut être encore !

1913 : Trois nouvelles Schickel

Norbert Schickel ne reste pas inactif et rajoute trois nouveaux modèles à celui existant pour 1913. La grosse nouveauté est l’apparition d’un moteur 6 HP principalement destiné au side-car avec la même course de 85,7 mm et un alésage qui passe à 101,6 mm pour donner une cylindrée, énorme pour un deux-temps de 695 cm3 ! Les côtes moteur carrées sur la 500 (85,7 x 85,7 mm) deviennent super carrées sur la Big 6  à 101,6 x 87,5 mm).  Whaouh ! plus de 10 cm d’alésage, ça fait quand même une grosse gamelle ! Comme la 500, cette « Big 6 » se décline en versions à chaîne et à courroie comme d’ailleurs la 500.

Il convient d’ailleurs plutôt de dire modèles à chaînes, car ces versions en possèdent trois ! Une courte chaîne de transmission primaire, sous carter aluminium, entraîne un embrayage « Eclipse » monté sur l’axe du pédalier puis une chaîne secondaire qui assure classiquement la transmission de l’embrayage à la roue arrière. L’embrayage reste commandé par poignée tournante à gauche comme pour les modèles à courroie où cette fonction était assurée par un relâchement de la tension. La troisième chaîne, vous l’avez deviné est, à droite, celle de la transmission vélo, un même axe recevant le pédalier et l’embrayage avec ses chaînes d’entrée et de sortie. Dernier raffinement, Norbert Schickel a pris soin d’utiliser la même chaîne 3/8 x ¼ in avec le même nombre de maillons pour la transmission secondaire et la transmission vélo… une panne peut toujours arriver !

Fin 1913, Schickel fait encore plus fort avec ce monocylindre de 695 cm3 (101,6 x 87,5 mm) ici dans s version de base à transmission moteur directe par courroie. On peut heureusement aider et démarrer avec le pédalier et sa chaîne ! le petit frein arrière à bande s'actionne soit par pédale soit par rétropédalage.
La Schickel de 1913 dans sa version à transmission par chaîne. L’axe de pédalier de la transmission vélo sert également d’intermédiaire en les transmissions primaire et secondaire et reçoit l’embrayage. En vignette, la très sophistiquée suspension de la selle.

1914 : Ford m’a tuer

Il n’y a pas de nouveau modèle pour 1914, mais la Big-6 est définitivement passée en tête des ventes et s’offre quelques options : une boîte deux vitesses, une nourrice d’essence, des repose-pied suspendus et une pédale de frein qui remplace la commande par rétropédalage. Les pneus passent à 28 pouces avec des garde-boue plus sportifs. Enfin le side-car Schickel est proposé à 85 $ ce qui fait un attelage à 325 $.

La concurrence vient pourtant d’ailleurs, en l’occurrence des automobiles d’Henry Ford qui cette même année 1914 a vendu 308 162 Ford T à 440 $ soit environ quatre mois de salaire moyen d’un employé.

La 700 cm3 Big 6 en 1914, avec son option side-car. On imagine sans peine le bruit de tracteur aux bas régimes !

1915 – 1916 : La Transcontinentale et la Lightweight

Norbert Schickel tire la conclusion qui s’impose et convertit sa production qui est entièrement axée dès l’année suivante sur sa nouvelle Lightweight, un petit 200 cm3 deux-temps utilitaire affichant 45 kg et 40 km/h avec une consommation de 2,36 l/100 km pour tout juste 100 $.

Pour lancer cette mobylette à l’américaine, Norbert Schickel, toujours très porté sur la publicité, finance le projet de M.E. Dale, rien de moins qu’une « “Transcontinentale” : la traversée des États-Unis depuis l’usine de Stamford à une soixantaine de kilomètres de New York dans le Connecticut, jusqu’à l’exposition de San Diego sur la côte Pacifique en Californie. 4 600 kilomètres que Gale, parti en juin 1915, espère couvrir en 100 jours au guidon d’une Big-6 à boîte deux vitesses tirant une réplique du chariot des pionniers de la conquête de l’ouest (avec des roues de moto quand même) qu’il a fait construire spécialement. Ses deux fils ont pour rôle de tourner autour de la caravane au guidon de Schickel Lightweight et de faire des démonstrations-vente dans toutes les agglomérations traversées. La presse ne dit malheureusement pas si cette épique traversée est arrivée à bon port.

En 1915, Schikel conscient que 3 millions de bicyclettes aux Etats-Unis n’on pas de moteur transforme le moteur de la Lghtweight en adaptable sur roue arrière de vélo (25 kg quand même !) Quoi qu’il en soit, les affaires, hélas, ne redémarrent pas et quand la Lightweight commence à avoir un certain succès en 1916, il est déjà trop tard pour sauver la compagnie d’autant plus que l’usine n’est pas en mesure d’assurer une assez grande production. Une augmentation de capital en décembre 1916 remet l’usine à flot et motos sont rebaptisées SMC pour Schickel Motorcycle Company ce qui évite les rejets de certains pour tout ce qui porte un nom allemand. Pas de chance pour Norbert Schickel, la remise sur pied de sa compagnie coïncide avec l’entrée des États-Unis dans le conflit mondial, en avril 1917. Pas de chance, ses motos n’intéressent pas l’armée, il va par contre fabriquer des culbuteurs et différentes pièces pour les fameux « Liberty aircraft ».

Pour lancer sa moto légère en 1915, Norbert Schickel engage M.E. Dale et sa famille qui lui ont proposé une traversée d’est en ouest des États-Unis, comme les pionniers à la différence près que leur roulotte montée sur roue de motos contient deux Schickel Lightweight avec lesquelles les fils Gale batifolent autour de la Big 6 attelée.
Petitesse et décadence avec la Schickel Lightweight de 1915.

Schickel n’est pas le seul constructeur de moto à souffrir de la guerre. On compte plus de 100 constructeurs avant 1905 et une dizaine seulement à la fin des hostilités ! Plus question pour Schickel d’aller affronter les grandes marques sur leur domaine, il décide donc de se cantonner à la moto très légère, passerelle entre le vélo et la moto. Ce sera son Get-out model T de 1918, un 290 cm3 deux temps qui continue à évoluer jusqu’en 1923. Norbert Schickel essaiera alors, sans succès, d’en vendre la licence de construction aux grandes marques qui refuseront son offre. Schickel ferme définitivement ses portes.

Vive internet et la collection mondiale !

Écrire un tel historique il y a quelques années relevait de l’impossible défi. Trouver les archives, en contacter les détenteurs, aller les voir, etc. Tant et si bien que la majorité des histoires de la moto faisaiente l’impasse sur quelques faits lointains et non médiatisés. Fini, aujourd’hui, et merci internet. J’ai pu, en trois clics, retrouver le petit fils de Norbert Schickel, qui m’a illico envoyé des photos  des réalisations de son ancêtre. Merci Ken, et merci et bravo à tous les amateurs, collectionneurs et historiens qui partagent ainsi leur savoir plutôt que de garder leurs secrets enfermés. Maintenant si vous voulez en savoir plus sur les Schickel, il est sans doute encore possible de se procurer sur internet son livre “The illustrated History of the Schickel Motorcycle 1911-1924” par Kenneth Anderson. ISBN‎ 978-0981704807

Ken Anderson, petit-fils de Norbert Schickel.
Norbert Schickel Une innovation absolue en moto créée en Amérique, c’est fort rare, et quand en plus il s’agit d’un moteur deux temps et d’un cadre coque en aluminium, cela relève de l’invraisemblable. C’est pourtant ce que nous devons à Norbert Schickel dès 1911. Photos : archives Ken Anderson La Schickel est le premier deux-temps américain [...]