CNRTL : incompétence lexicale !

Curieux, j’ai demandé à Google de me chercher une définition du scooter: une bien mauvaise idée, car la réponse de notre très docte portail officiel, le CNRTL donne une réponse aussi stupide que mal informée. Je vous laisse juge !ure d’écran 2017-05-19 à 16.45.43


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Notez aussi que, pour suivre la définition de « Moto », la première référence choisie est une citation de l’histoire des transports de P. Rousseau en 1961 qui ignore la Guillaume Perreaux de 1871 et contribue à affirmer que la Daimler de 1885, montage d’essai sur deux roues dans un châssis en bois d’un moteur destiné à l’automobile, est la première moto.Capture d’écran 2017-05-19 à 11.37.58

Encore une petite couche…Capture d’écran 2017-05-19 à 14.02.35

Si certains cherchent en ce moment des fonctionnaires inutiles… Bingo, ils ont gagné.

Curieux, j’ai demandé à Google de me chercher une définition du scooter: une bien mauvaise idée, car la réponse de notre très docte portail officiel, le CNRTL donne une réponse aussi stupide que mal informée. Je vous laisse juge ! Notez aussi que, pour suivre la définition de « Moto », la première référence choisie est une citation de l’histoire des […]

BSA 200 Beeza 1955 : le “flat one” Briton

BSA fait son entrée sur le marché du scooter au salon de Londres en novembre 1955 avec deux modèles aussi novateurs qu’originaux, le Dandy, 70cm3 deux temps et le Beeza, 200 cm3 quatre temps à soupapes latérales dont le cylindre est couché coté gauche: intéressant, mais stupide !

Cliquer sur les images pour les agrandir et accéder aux légendes

Erreurs politiques : Très actifs et créatifs lors du premier âge d’or du scooter de 1913 à 1923, nos amis britanniques manquent totalement le coche des années 50, en voulant trop bien faire pour les grandes marques ou par manque de moyens financiers pour les nombreux petits constructeurs qui ne connaissent qu’un succès modeste et exclusivement national. Le marché du scooter n’explose pas en Grande-Bretagne comme il l’a fait en Italie, au Japon puis en France, en Allemagne et en Espagne, car la Grande-Bretagne est en effet beaucoup plus riche que les pays latins au sortir de la guerre. Bien aidés par les milliards du plan Marshall, les constructeurs automobiles ont commercialisé rapidement des petites voitures économiques tandis que les BSA, Triumph, Velocette et consorts, qui ont fourni les armées et n’ont pas arrêté leur production durant la guerre, reviennent avec de vraies motos. Au milieu des années 50 les grandes marques de motos anglaises commencent quand même à s’intéresser à ce marché des scooters ; c’est le cas entre autres de Velocette avec son Viceroy flat twin deux-temps et de BSA fin 1955 avec le 200 cc Beeza et le 70 cc Dandy. Faux départ. Les deux grands spécialistes de la moto présentent des mécaniques sophistiquées et aussi intéressantes qu’originales, mais ces choix vont contribuer à créer leur perte.

La palme revient au Beeza qui nous occupe ici: luxe et débauche technologique à tous les étages. C’est beau, logique, intelligent et totalement impossible à produire, car bien trop cher. Les dirigeants de la firme le comprendront et feront même publiquement leur autocritique, ce qui ne les empêchera pas de réitérer quelques années plus tard avec la BSA 250 bicylindre Sunbeam. BSA rejoint avec la Beeza le petit clan très fermé des constructeurs de « flat one » c’est-à-dire de moteurs avec un cylindre horizontal et transversal. Une disposition qui prend tout son intérêt en scooter où la compacité de la mécanique est une priorité. Le premier scooter à opter pour ce concept fut le Ducati Cruiser de 1951, BSA le suit en 1955 puis l’idée est reprise en 1957 par NSU avec son Prima V. Pour une compacité maximale, BSA a non seulement disposé son cylindre transversalement, mais il a aussi opté pour une distribution à soupapes latérales. Le Beeza peut ainsi s’enorgueillir d’avoir failli être l’un des derniers quatre-temps à soupapes latérales de l’histoire. Une exclusivité qu’il eut partagée avec plusieurs scooters américains et japonais de la même période, une Ratier 750 produite jusqu’en 1957 et bien entendu quelques Harley Davidson et copies chinoises des BMW R12.

Une inclinaison des soupapes à 45 ° permet de conserver une forme rationnelle de la chambre de combustion tandis que l’alignement du vilebrequin, de la boîte à quatre vitesses commandée au pied et de la transmission finale par arbre aide encore à la compacité en ne nécessitant qu’un seul couple conique. Comble du modernisme il y a un démarreur électrique. La partie cycle est tout aussi originale avec un cadre plutôt simpliste constitué d’un simple tube dédoublé auquel est suspendu le bloc moteur transmission oscillant. Les superbes roues de 12 pouces en tôle ajourée sont interchangeables. Suspension avant et arrière font appel à des blocs caoutchouc qui travaillent en torsion. La mariée était hélas trop belle… sa mise en production aurait coûté beaucoup trop cher et elle ne vivra que le temps des salons fin 1955. Les quelques exemplaires construits seront ferraillés.

Fiche technique BSA 200 Beeza 1955

Moteur 4 temps monocylindre à plat transversal – Alésage x course : 66 x 58 mm – Soupapes latérales inclinées de 45 ° – Boîte 4 vitesses par sélecteur au pied – Transmission par arbre et couple conique – Démarreur électrique – Allumage batterie-bobine – Cadre en tubes et tôle emboutie – Suspension avant à roue poussée et ressorts en épingle, arrière bloc moteur oscillant monoamortisseur– Roues interchangeables en tôle d’aluminium – pneus 3,50 x 12 – 123 kg à sec

BSA fait son entrée sur le marché du scooter au salon de Londres en novembre 1955 avec deux modèles aussi novateurs qu’originaux, le Dandy, 70cm3 deux temps et le Beeza, 200 cm3 quatre temps à soupapes latérales dont le cylindre est couché coté gauche: intéressant, mais stupide ! Cliquer sur les images pour les agrandir et accéder [...]

Vintage Revival Montlhéry 2017

La quatrième édition du Vintage Revival Montlhéry vient tout juste de se terminer que nous rêvons déjà tous à la prochaine, le problème est qu’il va falloir attendre deux ans. Hé Vincent Chamon & Co, pas moyen d’annualiser la chose ?

Pas de chance cette année, il a fait froid et il a plu surtout le samedi et les effets conjugués de la pluie et de l’huile perdue sur la piste ont singulièrement calmé les ardeurs des courageux qui tournaient…  surtout en deux roues, car cyclecars et voitures profitaient au contraire des éléments pour faire le spectacle.

Deux jours pour tout voir, quasi pas possible tant les plateaux étaient riches en deux, trois et quatre roues. En voici un panorama très incomplet en quelques photos avec un accent tout particulier sur les ABC, la marque à l’honneur cette année en moto. Cela nous valut, si j’ai bien compté dix ABC exposées dont une version type C de 1914 avec son flat twin disposé en long dans le cadre, quatre britanniques classiques et cinq ABC-Gnome et Rhône dont la Barthélémy spéciale avec un cadre de Gnome CM2 de 1936. Rajoutez à cet incroyable tableau de chasse trois/quatre Skootamota du même constructeur et puis une surprise : “Nice bike, you have!” me dit un Anglais d’un certain âge alors que j’amenais mon ABC Gnome & Rhône personnelle au pesage, et il se présente “je suis Adrian Bradshaw, le neveu du constructeur Grandville Bradshaw !”  et comme si cela ne suffisait pas je découvre que ce neveu passionné et son fils ont amené avec eux une automobile ABC avec, à l’échelle près, le même moteur flat twin culbuté que sur les motos, mais en 1280 cc !  Restons dans les série et bougeons de quelques tentes pour voir une tout aussi incroyable réunion de sept Koelher Escoffier 500 Mandoline des années vingt, et puis un peu plus loin trois Jonghi, la 350 TJ4 latérale  de 1931, la même TJ4 en version culbutée et un 125 simple arbre de l’après-guerre présentées par Patrick Delli, le spécialiste incontesté de la marque qui avait exceptionnellement quitté la Grande-Bretagne où il réside, mais impossible de tout décrire en quelques lignes, je vous laisse aux images… Pour en voir plus encore et en particulier toutes les automobiles, je vous renvoie au diaporama concocté par le Vintage Revival, c’est ICI

Cliquez sur les photos pour accéder au diaporama et aux légendes

photos © F-M. Dumas moto-collection.org

 

La quatrième édition du Vintage Revival Montlhéry vient tout juste de se terminer que nous rêvons déjà tous à la prochaine, le problème est qu'il va falloir attendre deux ans. Hé Vincent Chamon & Co, pas moyen d'annualiser la chose ? Pas de chance cette année, il a fait froid et il a plu surtout le samedi [...]

Čas: Le premier flat twin à transmission par arbre est un scooter !

Les scooters à moteur boxer se comptent sur les doigts d’une main : Velocette LE 200 quatre temps et 250 Viceroy deux temps, et Honda 125/170 Juno M80-M85. Bien avant eux, il y eut le Čas tchèque de 1921 qui, en plus, avait une transmission par arbre… deux ans avant BMW !

L’unique exemplaire survivant du scooter Čas de 1921 offert par sa pilote Maria Utĕšilová au musée des Techniques de Prague en 1988. (photo© F-M. Dumas/moto-collection.org)

Techniquement la solution du moteur flat twin transversal disposé juste derrière la roue avant a des avantages indiscutables en offrant à la fois une bonne répartition des poids avec une prépondérance sur l’avant qui manque tant aux scooters, et un possible dégagement total de l’espace devant la selle. Reste bien sur le problème de la transmission du mouvement à la roue motrice si loin derrière.

Curieusement le tchèque Čas, premier exemple du genre en 1921, sera aussi le seul à exploiter pleinement les avantages de la disposition en offrant un plancher rigoureusement plat. Les autres et rares exemples de scooters flat twins n’utilisent ce type de moteur que pour d’autres raisons ou ne prêtent tout simplement pas attention aux avantages annexes qu’ils auraient pu en tirer.

Dans l’ordre d’apparition, le Velocette LE de 1949 à moteur animé par un bien placide 200 cc quatre temps à soupapes latérales et refroidissement liquide s’apparente plus à une moto carrossée qu’à un scooter avec ses grandes roues de 19 pouces et son très volumineux châssis central en tôle pliée. La deuxième expérience de la marque en 1960, le Velocette Viceroy, est cette fois un vrai scooter à roues de 12 pouces et profite pleinement de la répartition idéale des masses offerte par ce type de moteur grâce à un curieux découplage du moteur relié par un arbre d’une trentaine de centimètres à l’ensemble boîte-embrayage transmission accolé à la roue arrière. Le flat twin surmonté du tube du cadre forme hélas un bloc très encombrant entouré d’un volumineux tunnel central.

Reste l’extravagant Honda M80 présenté en 125 en 1961 et vite transformé en M85 de 170 cc pour sa commercialisation en 1962. Le choix d’un moteur flat twin quatre temps culbuté est ici du au fait que c’était la seule solution possible pour que Honda puisse caser sa très longue transmission hydraulique système Badalini qui remplit comme un œuf tout le très haut tunnel central.

Bravo donc au Čas Tchèque qui, non content d’être le premier et le seul à utiliser pleinement les avantages de son concept, est aussi le premier, deux ans avant BMW, à offrir un bicylindre à plat accouplé à une transmission par arbre. Čas, acronyme de  Českà Automobilovà společnost est créé à Prague en 1919 par l’ingénieur Edvard Rechziegel et Miloś Śmejkal. Faute de pouvoir vendre le fameux Skootamota, inabordable en ce pays, le jeune Edvard Rechziegel s’en inspire pour réaliser en 1920 un premier scooter-patinette tout à fait dans la tendance de l’époque et bien plus sophistiqué que son modèle. Il en reprend la disposition curieuse du moteur sur le porte-bagages arrière à ceci près qu’il ne s’agit plus cette fois d’un monocylindre, mais d’un flat twin Walter à soupapes latérales ici monté en long au-dessus de la roue qu’il entraîne par chaîne. Un moteur conçu au départ par le grand ingénieur tchèque Josef Walpetr pour servir de générateur. Cette curieuse patinette de 180 ou 248 cm3 a d’ailleurs les honneurs d’un dessin dans la presse spécialisée française en 1922 alors que Čas a déjà révisé sa copie. La firme a en effet homologué le 24 septembre 1920 une nouvelle patinette motorisée qui se distingue cette fois par le montage central de son flat twin (toujours en long) juste derrière la roue avant entre les tubes d’un cadre ouvert et rigide composé de deux doubles berceaux superposés. La transmission est tout naturellement confiée à non pas à une, mais à deux chaînes l’une derrière l’autre avec un double pignon d’accouplement au centre. (Pas si bête ; on trouve d’ailleurs la même disposition sur tous les 500 T-Max Yamaha de 2000 à 2012 !). On note enfin que les roues en tôle de la première version sont dès lors remplacées par des classiques jantes rayonnées.

Edvard Rechziegel finalise son projet en 1921 en disposant son moteur en travers du cadre avec une transmission directe par arbre et vis sans fin. Une grande première (deux ans avant la première BMW 500 R32 de 1923, mais en plus simple quand même puisque notre petit Čas n’a toujours ni boîte de vitesses ni embrayage et démarre à la poussette.

Qu’importe ce premier scooter tchèque connaît un beau succès d’autant plus qu’il s’affiche en public aux mains de la très belle Maria Utĕšilová qui remporte d’ailleurs à son guidon en 1922 la course Zbraslav-Jílovištĕ dans la banlieue Pragoise où Čas a engagé six machines dont deux motos 285cc de la marque pilotées par les frères Edvard et Georges Rechziegel.

Comme tout finit bien dans les histoires, Maria Utĕšilová épousera Edvard l’ingénieur créateur et gardera en l’état son Cas jusqu’en 1988 où elle en fait don au Musée des Techniques de Prague.

Pour voir le Čas et près d’une centaine d’autres rares motos Tchèques c’est dans le Musée des Techniques national de Prague : www.ntm.cz

Et pour tout savoir sur les marques tchèques, mais en tchèque, une seule solution : les magnifiques livres de Libor Marčik dont sont extraites la plupart des photos d’archives illustrant cet article. À découvrir et commander sur www.libormarcik.cz

Fiche technique : Moteur Walter bicylindre à plat – 180 cc [48 x 50 mm] – 1,75 ch – Soupapes latérales – Allumage magnéto Bosch – Démarrage à la poussette – Transmission directe par arbre et vis sans fin – Cadre treillis tubulaire composé de deux doubles berceaux – largeur 55 cm – hauteur 100cm – empattement 123 cm – 48 kg – 35 km/h

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Les scooters à moteur boxer se comptent sur les doigts d’une main : Velocette LE 200 quatre temps et 250 Viceroy deux temps, et Honda 125/170 Juno M80-M85. Bien avant eux, il y eut le Čas tchèque de 1921 qui, en plus, avait une transmission par arbre… deux ans avant BMW ! L’unique exemplaire survivant du scooter Čas de 1921 [...]

Félix Millet: 5 cylindres et 1900 cm3 il y a 120 ans

Une moto française de 1900 cm3 à cinq cylindres, vous y croyez, vous ? Ce fut pourtant vrai, il y a maintenant 130 ans avec la Félix Millet, seconde version, un ancêtre étonnant qui cumule les inventions : moteur multicylindre en étoile, suspensions avant et arrière oscillantes et bien d’autres choses. Découverte.

Ce premier prototype de 1895 de la Félix Millet est exposé au musée des Arts et Métiers à Paris et la version de 1897 dort dans les caves du lycée technique Hyppolyte Fontaine à Dijon où il n'est malheureusement pas visible pour le public. 

Seize ans après le vélocipède à vapeur de Louis-Guillaume Perreaux, premier deux roues à moteur visant la commercialisation, et deux ans après que Gottlieb Daimler installe le premier moteur à explosion dans un rudimentaire cadre en bois avec deux roues de charrette et deux roulettes latérales, le génial Félix Millet construit, en 1887, sa « Roue Soleil » avec un fabuleux cinq cylindres en étoile et, même, un embryon de suspension sous la forme d’un montage du moteur sur quinze anneaux souples formant ressorts ! Il l’installe l’année suivante à l’avant d’un tricycle et en dépose le brevet fin 1888 officialisant ainsi son titre d’inventeur du moteur en étoile rotatif (le vilebrequin est fixe et c’est le moteur qui tourne avec la roue) à ne pas confondre avec le moteur fixe en étoile. (En ces temps bénis, on construisait d’abord et brevetait ensuite).

Le bon Félix est convaincu que l’avenir est aux deux roues motorisés et il y travaille sec. Il faut dire que la concurrence est rude. Paul Daimler, le fils de Gottlieb, a roulé sur 3 km avec la « brouette à moteur » de son père le 10 novembre 1885, et la Hilldebrand & Wolfmuller, brevetée en 1894, a fait ses premiers tours de roue en juin de la même année.

Félix Millet construit sa première bicyclette à pétrole  (L’appellation Motocyclette n’est inventée qu’en 1898 par les frères Werner) en 1894 avec sa fameuse « Roue Soleil » à cinq cylindres dans la roue arrière (cet exemplaire est conservé au musée des Arts et Métiers). Elle sera l’une des sensations du deuxième Salon du Cycle organisé en décembre 1894 par la Chambre Syndicale à Paris. Ce salon des pionniers réunit 350 exposants et, pour la première fois, un tricycle à vapeur de Dion Bouton et deux motos : La « Pétrolette », présentée par Duncan & Superbie qui est en fait une Hildelbrand et Wolfmüller allemande francisée pour la circonstance et, sur le stand des cycles Gladiator, la formidable Félix Millet. Sa Roue Soleil a évolué par rapport à celle du tricycle et délaisse le montage suspendu du moteur dans la roue, car Millet vient d’inventer la suspension avant avec une fourche à roue poussée qui joue sur la flexibilité des bras horizontaux supportant la roue et s’appuie via un pontet sur une lame de ressort formant garde-boue. La direction déportée agit via un système de biellettes et la chaîne de transmission du pédalier est sous carter !

Rien de tel que la compétition pour tester un produit et justement un certain Marquis de Dion organise le 11 juin 1895, la première grande course internationale, le Paris-Bordeaux-Paris : 1200 km d’une traite à couvrir en moins de 100 heures. La Félix Millet qui a fait ses premiers tours de roue en public au printemps prend le départ en confiance. Aucun deux ni trois roues n’en réchappera pourtant, mais la Millet couvrira, quand même, 54 km en 3 heures et 8 minutes avant de déclarer forfait.

Satisfait de son expérience Félix Millet entend bien commercialiser sa motocyclette à cinq cylindres et il fait réaliser chez Alexandre Darracq (le très important constructeur des cycles Gladiator) la seconde version « industrialisée » qui est présentée en 1897 (et qui est actuellement conservé dans les caves du Lycée Technique Hippolyte Fontaine à Dijon).

Cette extraordinaire machine cumule les innovations : moteur en étoile, allumage batterie-bobine et trembleur, graissage par mélangeur automatique, guidon basculant vers l’avant qui met automatiquement en place une double béquille latérale, embrayage commandé par poignée tournante ou par rétropédalage avec frein. Et plus encore : une partie arrière du cadre en caisson qui sert de réservoir d’essence et de garde boue, des suspensions avant et arrière oscillantes, une chaîne de transmission du pédalier d’assistance et de démarrage qui passe dans les tubes du double bras oscillant arrière… un délire d’ingénieur comme on les aime. Le tout pèse 60 kilos et sera chronométré à 53 km/h en 1898.

Trop en avance, trop sophistiquée, trop bien en un mot, cet extraordinaire engin n’est pourtant produit qu’à un ou deux exemplaires dans l’usine de Suresnes. Le pragmatique Alexandre Darracq, s’étant sans doute dit qu’un simplissime monocylindre à la façon de Werner ou de Dion avait plus d’avenir qu’un 5 cylindres en étoile, laisse tomber le projet de fabrication de la Félix Millet. Bien des solutions techniques inaugurées sur cette machine révolutionnaire connaitront le succès dans les décennies suivantes, mais il était décidément trop tôt.

Sans succès en moto, la Millet aura toutefois une descendance glorieuse, car les frères Seguin, fondateurs de la société Gnome & Rhône (qui deviendra SNECMA puis Safran) vont reprendre et développer le concept du cinq cylindres rotatif en étoile et présenter, en 1907 leur première réalisation, l’Omega, un moteur aéronautique rotatif à 7 cylindres en étoile.

La fiche technique complète est ICI.

La “Roue Soleil” de ce premier prototype a une cylindrée de 1925 cm3 et annonce 1,2 ch à 180 tr/min avec un régime maxi de 325 tr/mn. La moto pèse 60 kg dont 10 kg seulement pour le moteur, dont 4 kg pour la bobine d’induction et 8 kg pour la pile dont il faut changer les acides à peu près aussi souvent qu’on fait le plein ! La suspension avant, première du genre, est à roue poussée avec deux bras déformables en acier ressort qui supportent la roue et un arceau qui vient s’appuyer sur une lame de ressort supérieur jouant le rôle d’amortisseur. Cette vue  montre bien le système de direction déportée à biellettes, la chaîne de transmission sous carter du pédalier d’assistance, le garde-boue arrière qui fait, déjà, office de réservoir et les béquilles commandées par un levier sous la selle se déploient latéralement. (Clic sur les photos pour les agrandir)

Photo dédicacée par Félix Millet lui-même de sa première réalisation. Le tricycle “dos-à-dos” a été construit en 1869 et la “roue soleil” montée à l’avant date de 1887. On y notera la suspension par anneaux ressort du moteur qui compense l’absence totale de pneumatique.

Quel imbroglio, tous les éléments sont intégrés et le fonctionnement bien ardu à comprendre ! Le cadre coque en tôle rivée sert aussi de garde-boue, de boîtier d’admission et de réservoir d’essence sur l’arrière. Au centre, le gros moyeu blanc en porcelaine devant le pédalier est la pile d’allumage (brevet Millet) qui est mise en fonction en la faisant tourner d’un demi-tour pour mettre en contact ses constituants (acides nitrique et sulfurique). La suspension avant reprend le modèle inauguré avec la version de 1895, mais cette fois le même principe est aussi utilisé pour l’arrière avec un bras oscillant articulé sur l’axe du pédalier qui cumule lui aussi les fonctions. Ce bras s’appuie sur un arceau guidé par deux biellettes et relié au garde-boue par un ressort amortisseur qui travaille en traction. Les deux tubes de gauche servent de carters pour les brins de la chaîne. Le tube central du même côté sert à la fois d’échappement et de barre de torsion pour la suspension. (collection lycée technique Hyppolyte Fontaine, Dijon)

Comment ça marche ?  L’air admis sous l’avant de la selle (réglable sur un coulisseau) est réchauffé au niveau du pédalier par les gaz d’échappement qui arrivent par le tube central-barre de torsion. Il passe ensuite par le tube supérieur du droit du bras oscillant pour être mélangé à l’essence et vaporisé à l’arrivée vers les clapets d’admission. Enfin, au centre de la roue apparaît le doseur du graissage dont on vous laisse deviner le circuit… intégré bien sûr . (collection lycée technique Hyppolyte Fontaine, Dijon)

Un truc génial : relever le guidon amène l’abaissement des deux béquilles latérales reliées par une cordelette. Deux poignées tournantes commandent respectivement les gaz et l’embrayage (également actionné par rétropédalage couplé avec le frein). Sous le guidon, à gauche la bobine de l’allumage haute tension à droite, un ancêtre du graissage séparé des deux temps modernes, avec un réservoir qui contient trois différentes sortes d’huiles et pétrole pour le graissage « automatique » réglé par les pointeaux qu’on distingue en dessous.

Félix Millet sur un tricycle Autofauteuil au Tour de France 1906 (BNF-Gallica)
Une moto française de 1900 cm3 à cinq cylindres, vous y croyez, vous ? Ce fut pourtant vrai, il y a maintenant 130 ans avec la Félix Millet, seconde version, un ancêtre étonnant qui cumule les inventions : moteur multicylindre en étoile, suspensions avant et arrière oscillantes et bien d'autres choses. Découverte. Ce premier prototype [...]