Louis Lepoix #2 : motos Horex 1951-1956

Pari gagné, la BMW R12 que Louis Lepoix a entièrement carrossée en tôle d’aluminium pour son usage personnel en 1947, a séduit la direction de Horex pour qui la société Form und Technic, nouvellement créée par notre styliste, va travailler de 1950 à 1956. Lepoix commence, en 1950, par moderniser les lignes de la très populaire 350 Regina née en 1935 qui, par autorisation exceptionnelle, est la première moto de plus de 250 cm3 produite en Allemagne après guerre et, pour le salon de Francfort de 1951, Horex commande au designer un habillage du même style que celui de sa BMW pour sa Regina renaissante.

Texte et photos couleur François-Marie Dumas, photos d’archives FTI Louis Lepoix

Ainsi parée la Regina-Lepoix sera la vedette du salon de l’IFMA 1951 à Francfort (soit à quelques kilomètres au sud de l’usine Horex sise à Bad Homburg). La bonne vieille 350 Regina, réhabilitée par Louis Lepoix, reprend une bonne partie des idées développées sur la BMW R12 que s’était préparée le styliste en 1947 en particulier l’habillage du phare et du guidon terminé par deux écopes protège-mains qui sont alors une vraie nouveauté. Il faudra d’ailleurs attendre nos années 2000 pour que ces éléments se généralisent. Difficile de dire si ces cache-menottes comme le reste de l’habillage sont toujours en tôle d’aluminium formée à la main, il semble plutôt que ces éléments soient réalisés en fonderie du même métal, une technologie que Lepoix va considérablement utiliser dans ses réalisations des années 50. Pratique avant tout le gros carénage arrière ovoïde comprend deux coffres latéraux et une trappe supérieure pour ôter la roue.

La course, par erreur. Toute l’oeuvre de Louis Lepoix, des années 50 aux années 80, sera marquée par une recherche des côtés pratiques, du confort et de la simplicité d’usage. Des concepts bien éloignés de la compétition et c’est presque par erreur, parce qu’il était en charge du style chez Horex à cette époque, que Louis Lepoix va exprimer son talent sur des motos de course et même de record, mais, chassez le naturel… il revient au galop et les 500 course Horex usine et client donneront naissance à la fin de 1954 à l’une des plus motos les plus modernes de son temps et seulement en Allemagne, la 400 Imperator bicylindre à simple ACT entraîné par chaîne.

Tout commence avec la 500 Renn Imperator de 1951 un bicylindre révolutionnaire face à la route à simple ACT pour lequel Louis Lepoix a dessiné un carénage arrière en fonderie d’aluminium qui alourdit plutôt la machine au propre comme au figuré. Elle apparait ici en deux variations de la même période, en photo d’époque en 1951 (n°26) et lors d’une rencontre d’anciennes en Allemagne en août 1993.

L’usine de Bad Hombug en pleine réflexion se penche, également en 1951, sur une version routière de sa 500 Imperator bicylindre où la coque arrière est encore plus lourde et sans aucun équilibrage par un habillage de l’avant. Heureusement l’évolution à suivre avec la version commercialisée de l’Imperator redescendue à 400 cm3 en 1954 fera oublier ces erreurs des premiers prototypes.

Le prototype de la 500 Imperator tel qu'annoncé par Horex.
Et sa version définitive aujourd'hui conservée dans une grande collection.

Quelques esquisses d’étude pour une moto de record en 1951 pour laquelle Lepoix renoue avec ses rêves d’aérodynamisme.

Horex, s’investira très sérieusement dans la course avec une superbe série de double ACT fort performants, très bientôt disséqués dans les fiches, mais en attendant, consacrons nous ici sur celles habillées par Louis Lepoix qui, après ses lourdeurs des débuts, semble plutôt s’inspirer de l’Italie avec un dosseret de selle-garde-boue sur la première version de 1951 puis un carénage tête de fourche venant s’intégrer au réservoir sur la 500 à double arbre destinée aux coureurs privés en 1952-53.

Une première mouture de la 500 double ACT pour pilotes privés en 1951.
Superbe exercice de style pour cette 500 bicylindre double ACT pour pilotes privés en 1952-53.
Et même un carénage "poubelle" en 1954 !

Le vrai design

Louis Lepoix était un vrai designer « à l’ancienne », qui créait des formes avant tout destinées à mettre en valeur les fonctions des produits, en les rendant à la fois plus beaux, plus désirables et plus pratiques. Cette définition de base du design paraît évidente, pourtant le design d’aujourd’hui s’en écarte allègrement. La finalité première n’est plus de rendre beau et pratique, mais de rendre désirable et à la mode. Le designer du XXIe siècle s’intéresse beaucoup plus à l’image qu’à la fonction qu’il habille. Il veut avant tout que son produit soit valorisant, à la mode, paraisse cher et évoque la qualité. Ainsi évolue-t-on et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles de nombreux consommateurs, de moto ou d’autres produits manufacturés, se retournent vers l’histoire pour y trouver des produits vrais alors que ceux qui arrivent chaque jour sont avant tout des images surfaites et souvent fallacieuses.

On pourrait grossièrement diviser l’histoire connexe des produits industriels et du design en trois périodes. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les premières approches de l’esthétique industrielle consistent en une imitation de l’ancien. Le moindre pied de machine à coudre en fonte reçoit ainsi des arabesques et des courbes rappelant les fauteuils de style. On enjolive et on rajoute du décor en s’inspirant du passé et sans aucune relation avec le produit.

Vient ensuite une période sans où les produits exposent leur technique toute crue et sans artifice. Pas besoin d’être beau, ça marche et cela suffit… Les pays de l’Est resteront (trop) longtemps les champions dans cette école.

Dans nos pays, c’est un peu plus compliqué. Le style est longtemps laissé aux bons soins des ingénieurs-concepteurs et, grâce au ciel, nombre d’entre eux ont le bon goût d’ajouter de réels talents artistiques à leurs compétences techniques. C’est à Pantin, chez Motobécane, avec le très talentueux Geo Ham, que naît l’une des toutes premières expériences dans le domaine de la moto, d’un désigner intégré à l’entreprise et en charge de la finalisation des formes et des couleurs de tous les produits y compris pour les moteurs. La 500 cm3 Superculasse de 1937 en est la meilleure et la plus célèbre illustration. Cette fonction intermédiaire entre l’ingénieur et la fabrication va devenir de plus en plus importante après guerre jusqu’à supplanter aujourd’hui la technique. Ce n’est plus au designer d’habiller une réalisation technique, mais c’est à l’ingénieur de créer sa tripaille mécanique ou électronique pour qu’elle s’inscrive dans les formes dictées par le designer.  F-M.D

L’Imperator est finalement commercialisée fin 1954 en 400 cm3 et elles ici sur un piédestal bien mérité au salon de Paris de 1955.

Au-dessous une magnifique photo de ce que la marque a vendu aux Etats-Unis sous l’appellation Zündapp Citation avec la désignation fallacieuse de 500 cm3 : Peinture bleu électrique avec filets dorés, pots d’échappements riquiqui et béquille latérale. Il ne manque que le crash-bar tubulaire et le grand guidon. L’importateur en France dans ces années devait déjà être Pierre Bonnet. La dernière photo montre le stand de la marque au salon de Paris en 1956. Les Imperator sont en bonne place, fourches Earles en avant, mais Horex expose aussi, à droite, le 50 cm3 sur qui elle compte bien pour sortir de ses ennuis financiers. Cela ne marchera guère !

 

Fini pour les motos, dont vous pouvez retrouver les descriptions techniques dans les fiches en cliquant sur les liens surlignés en bleu.

Avec le prochain article débutera la longue saga des scooters dessinés par Louis Lepoix et, pour commencer, le visionnaire 250 cm3 Horex Rebell de 1954 qui ne sera très malheureusement jamais commercialisé.

Pari gagné, la BMW R12 que Louis Lepoix a entièrement carrossée en tôle d'aluminium pour son usage personnel en 1947, a séduit la direction de Horex pour qui la société Form und Technic, nouvellement créée par notre styliste, va travailler de 1950 à 1956. Lepoix commence, en 1950, par moderniser les lignes de la très [...]

Louis Lepoix : Le designer qui a mené l’Allemagne #1

Révolution de l’après-guerre : il ne suffit plus qu’un produit soit bon, il faut, de plus en plus, qu’il soit beau, fonctionnel, attirant et valorisant… c’est là tout le travail du designer et, en Allemagne, les études de style et d’aérodynamisme d’un Français, Louis Lucien Lepoix, vont avoir une influence prépondérante sur toute l’industrie motocycliste de ce pays jusqu’au début des années 70.

J’ai eu la chance de rencontrer Louis Lepoix à plusieurs reprises et il m’a laissé scanner une grande partie de ses archives que je vais partager avec vous ici en plusieurs épisodes. Premier chapitre : les débuts et la sublime BMW 750 R12 carrossée de 1947.

La sublime BMW R12 carrossée, conçue et chaudronnée par Louis Lepoix en tôle d’aluminium en 1947. Pas de matériaux synthétiques à l’époque, il fallait soit former la tôle soit créer un moule et couler un alliage.

Des Beaux Arts à Lyon aux usines Zeppelin au bord du lac de Constance

Un téléphone, un tracteur, un système d’arrosage, une tondeuse à gazon, un pistolet de peinture, un Camping-Gaz, vous avez certainement tous un jour ou l’autre utilisé un objet dont le design était dû à Louis Lucien Lepoix et comme ce styliste visionnaire était aussi un motocycliste convaincu ses créations vont, pendant près de trente ans, avoir une influence déterminante sur le style des deux-roues, en particulier en Allemagne où Lepoix s’est établi en 1945. Né en 1918 d’un père mécanicien automobile, le jeune Lepoix hérite de la passion paternelle pour les belles mécaniques. Il suit des cours de dessin aux Beaux-Arts à Lyon dès 1934 et, subjugué par l’œuvre de Raymond Loewy, le Français dont les créations ont révolutionné l’Amérique, il décide de devenir styliste industriel. Tout juste âgé de 18 ans, il fait sa première demande de brevet en 1936 pour un pare choc de voiture amortisseur en caoutchouc. Le dépôt est hélas trop cher et il ne déposera son idée qu’en 1943. Avions, voitures aérodynamiques, moteurs turbo, radar détecteur d’avion révolutionnaire, le jeune Louis exerce son crayon dans tous les genres et s’attaque à la moto en 1938-39 avec, époque oblige, une étonnante moto militaire horizontale. Il reprendra et brevettera ce projet en 1945 en rajoutant deux mitrailleuses devant le pilote couché et deux lance-fusées au-dessus. En attendant, il commence la guerre sur la ligne Maginot et la finit en dessinant des avions et des voitures camouflés pour l’armée française. L’usine est découverte par les Allemands en 1942, Louis fuit en vélo et devient maquisard. En octobre 1945, le jeune officier part en stage en Allemagne chez Dornier puis Maybach avant de rejoindre le Centre de Réparation Automobile Sud (CRAS) installé par l’armée française dans les anciennes usines Zeppelin Friedrichshafen, au bord du lac de Constance.

 

La moto horizontale, est-elle l’avenir de la moto et du scooter ? Elle est en tout cas très aérodynamique et pas sous motorisée. On retrouve sur ces esquisses de du side-car “AirCar” entièrement carrossé et profilé en 1942, puis de la moto horizontale conçue par Louis Lepoix en 1943-44 autour d’un moteur d’Harley-Davidson, divers éléments qui réapparaitront en 1951 sur ses motos de record pour Horex et sur le scooter Bastert.

Les premiers projets naissent au fond d’une cave

Le “stage” allemand va durer 43 ans, car, désespérant de trouver des clients intéressés par ses projets avant-gardistes en France, Louis s’installe à Friedrichshafen où il monte son premier atelier. “Si l’industrie française ne veut pas de vous, commencez donc ici” lui a conseillé le directeur technique de la société ZF qui lui loue pour 15 Reichsmarks par mois une cave plus une terrasse de 9 m2 à laquelle on n’accède que par une échelle. Sitôt dit, sitôt fait, et Louis réalise sa première œuvre, la Champion, une voiturette façon Lotus 7 animée par un moteur Hirth bicylindre de 400 cm3, avec une transmission de faucheuse et un châssis monotube. Elle pèse 350 kg et atteint 90 km/h.

Louis Lepoix, par lui-même en 1947 au guidon de l'Harley Davidson WLA 750 de l'armée qu'il utilisait lors de son stage au CRAS dans les usines Zeppelin.

Louis Lepoix crée la moto de ses rêves

Motocycliste convaincu, fervent partisan de  l’aérodynamisme et sensible aux morsures du froid Louis Lepoix va réaliser la moto de ses rêves , une monture qui allie la beauté des formes à une protection la plus parfaite possible. Il achète aux enchères une ancienne BMW 750 R12 de la Wermacht qui lui semble tout à fait parfaite pour réaliser son projet d’une moto entièrement carrossée. “J’ai pu recruter trois artistes tôliers venant de la construction aéronautique des usines Zeppelin totalement bombardées” raconte-t-il “J’ai fait des dessins en perspective et par la suite quelques dessins techniques et avec mes trois compères nous avons réalisé des moules en plâtre et “tapé” la tôle d’aluminium selon la formule consacrée”. Créé sans aucune contrainte commerciale, ce chef-d’œuvre unique résume à lui seul toute la philosophie et les principes auxquels le designer restera fidèle sa vie durant. Un design “humain” avec une parfaite adaptation des formes à la fonction.

Octobre 1947. Louis Lepoix a 29 ans et présente à l'usine ZF sa première réalisation, une Pacific Coast avant la lettre, qui reste sportive bien qu’elle soit entièrement carrossée. La selle en mousse est une nouveauté pour l’époque tout comme les coffres intégrés.
"Avez-vous remarqué que j’avais un beau cul" (Georges Brassens, La Fessée). Suprême raffinement, la roue arrière sort par le haut, en ouvrant le coffre et les échappements sont intégrés à la carrosserie aluminium.
L'avant n'est pas mal non plus et tout le talent du designer s'exprime dans cet habillage qui allie l’image forte et dynamique d’un avion avec son phare déporté sur l’avant et la protection d’une vraie GT avec ses coques protège-main. Le guidon habillé et ses coques seront reprises sur les scooter Walba.
Louis Lepoix est à juste titre fier de son œuvre comme en témoigne la légende écrite de sa main : "Avec ma moto BMW R12 carénée par moi. 1948 Friedrichshafen"
Renaissance en 2023: La R12 carrossée par Louis Lepoix en 1947 a malheureusement disparu, mais de nombreuses photos avaient été conservées et les technologies modernes ont permis d'en recréer les dessins. Ne restait plus à un amateur fortuné qu'à la faire reconstruire à l'identique et à l'ancienne en façonnant la tôle d'aluminium sur des moules. Cette remarquable reconstruction vient d'être présentée dans le numéro de novembre 2023 de Motorrad Classic par le journaliste et photographe Manfred Ratzinger, et en plus, elle roule !

De Simca à Bugatti

Après l’habillage si réussi de sa BMW R12 en 1947, Louis Lepoix réalise un coupé sport sur la base d’une Simca décrépite et ces deux réalisations vont lui servir de référence pour lancer en 1950 sa société “Form und Technic” avec le succès colossal sur lequel nous allons revenir dans les prochains articles. Je ne vous parlerais pas ici des automobiles, mais il faut quand même citer au passage sa première grande réussite, la Bugatti 101, dernière du nom (aujourd’hui exposée au musée Schlumpf à Mulhouse) et son dernier et plus populaire succès, la Simca 1000 de 1958 dont la version finale compilera les idées de ses dessins avec ceux réalisés en interne et ceux de Revelli de Beaumont (le styliste de l’Aermacchi Chimera).

Résumé de ce qui vous attend dans les chapitres suivants
Révolution de l’après-guerre : il ne suffit plus qu’un produit soit bon, il faut, de plus en plus, qu’il soit beau, fonctionnel, attirant et valorisant… c’est là tout le travail du designer et, en Allemagne, les études de style et d'aérodynamisme d'un Français, Louis Lucien Lepoix, vont avoir une influence prépondérante sur toute l'industrie motocycliste [...]

D-Rad : la berlinoise qui conquit l’Allemagne

Toute l’histoire des motos berlinoises D-Rad de 1921 à 1932 vous est racontée en détails et en trois fiches avec les modèles marquants de la marque, la 400 cm3 M24 de 1924 bicylindre à plat, la R0/4 de 1925 monocylindre vertical à soupapes latérales et la R 10 de 1930 monocylindre incliné à soupapes culbutées et boîte séparée. Il eut été dommage de ne pas vous faire profiter de quelques autres magnifiques photos d’époque issues des archives de Robert Sexé et Karl Reese, ancien président du VFV, l’association de véhicules anciens en Allemagne.

La D-Rad 400 M24 est dotée, ce n’est à l’époque pas courant, d’un éclairage électrique, Bosch, bien sûr. On voit bien, sur le côté gauche, l’entraînement de la dynamo par courroie sur le volant moteur. Les photos de détails de la M24 restaurée présentée dans les fiches montrent sa soupape d’admission culbutée et totalement enclose, le bloc moteur et sa boîte de vitesses suspendue et le frein arrière à tambour aussi double qu’inefficace à mâchoires internes et bande d’enroulement externe.

La D-Rad 500 R0/4 s’illustra au Paris-Nice 1926 avec Rhodes qu’on voit ici au début de l’épreuve … et à la fin, à Nice, avec sa monture un peu marquée par l’épreuve. Il y remporte une glorieuse 7e place dans l’équipe allemande qui pose à l’arrivée avec, de gauche à droite, la 750 Wanderer de Lautner 3e et dernier dans sa catégorie, une Frera dont on ne trouve trace ni dans le classement, ni dans les abandons, la Zündapp 250 du globe-trotter allemand Kolmsperger qui finit 11e dans sa catégorie et, bien sûr, la D-Rad 500 de Rhodes. Le Paris-Nice est remporté cette année-là par Bernard et Naas ex-aequo et tous deux sur Gnome & Rhône.

La D-Rad prouve la robustesse qui fait sa réputation par de grands raids autour du monde, d’Allemagne en Chine en 1926 ou de la porte Brandebourg à Berlin au Caire et aux pyramides d’Égypte en 1927. La photo prise en Bulgarie vous donne une idée des difficultés traversées sur les “routes” de l’époque.

En 1927, notre globe-trotter à nous, Robert Robert Sexé, passe par la Roumanie et rencontre sur sa route trois belles D-Rad attelées du side-car de la marque, sur la plus ancienne pose fièrement toute la famille

Dès ses débuts D-Rad s’intéressa aux trois roues et produisit ses propres side-cars. L’un est ici photographié avec pilote en uniforme en 1926 tandis que la photo suivante en montre un sur une R0/6 en 1926.  Un extrait du catalogue permet d’admirer la construction du châssis nu de D-Rad ici attelé à une R9 de 1930.

La moto-taxi, c’est pas nouveau, la preuve. À l’époque cet usage ne se pratiquait pas en solo, mais avec un side-car à carrosserie fermée aussi confortable qu’une automobile. Il est basé sur le side-car standard et, comme la moto, siglé D-Rad. On notera que l’attelage n’est toujours freiné que son minuscule tambour avant et un patin sur gorge à l’arrière… Pas très rassurant

Comme c’était courant à l’époque, la Deutsche IndustrieWerke AG. s’est également essayée au tricycle cargo. Avec deux roues avant, une roue arrière, un poids à vide de 330 kg et 500 kg de charge utile. Le moteur était refroidi par air forcé et ce bel engin, vu ici sur un extrait du catalogue 1929, était promis pour 50 km/h.

Les D-Rad à cylindre incliné arrivent en 1929 avec la 500 R9. C’est le dernier modèle à conserver le bloc moteur et la suspension à roue tirée, mais vous noterez que les ressorts à lames au-dessus de la roue sont beaucoup plus courts. Son cylindre incliné a des ailettes horizontales, son piston est en aluminium et son graissage amélioré la rendront encore plus endurante. Et puis, maintenant, elle freine, avec de beaux gros tambours à l’avant et à l’arrière.

La photo suivante montre aussi la R9 photographiée en 1930 (sa dernière année de production) avec, non pas le side-car maison, mais un châssis et une caisse Stoye, l’un des grands fabricants d’attelages allemands.

D-Rad continue sa révolution avec la R10 de 1930, la première moto de la marque à soupapes culbutées. Elle a aussi abandonné la fourche à lames de ressort, troqué son double berceau pour un simple et son bloc moteur pour une boîte séparée.

Un petit tableau de la production pour vous y retrouver  où on notera que, comme d’usage, les puissances indiquées relevées sur les catalogues varient curieusement d’un modèle et d’une année à l’autre. Pour tout savoir plus en détail avec un historique hyper complet et des fiches techniques descriptives de tous les modèles allez-voir le superbe site du club D-Rad de nos amis suisses, qui a été ma principale source pour rédiger mes fiches sur ces motos ; c’est en allemand, mais monsieur Google se fera un plaisir de vous le traduire (approximativement !). C’est à ce site que j’ai emprunté la page de présentation des différents modèles qui suit mon petit tableau (Clic dessus pour accéder au site).

R 0/4 – 1924-1927 :  8ch/3800 puis 10 ch/4200 tr/min – Piston fonte – 130 kg – 90 km/h

R 1/4 – 1924-1927 : 12 ch/4200 tr/min – 140 kg – 110 km/h

R 0/5 – 1927-1928 : 10 ch/3800 tr/min – Lames de ressort de la fourche plus courts – 140 kg – 90 km/h

R 06 – 1928-1930 : 10ch/3800 tr/min – Cylindre vertical – Piston aluminium – 150 kg – 105 km/h.

R 9 – 1929-1930 : 12ch/4100 tr/min – Cylindre incliné – piston aluminium – 12ch/4100 tr/min – Soupapes latérales totalement encloses – Allumage magnéto – Boîte 2 vitesses par levier direct – 150 kg – 105 km/h

R10 1930-1932 et 1933 sous label NSU-D-Rad : 18 ch – Soupapes culbutées – Boite séparée

R 11 1931-1932 et 1933 sous label NSU-D-Rad : 16 ch/4600 tr/min – Cylindre incliné – Soupapes latérales – Boite séparée – 150 kg – 100 km/h

R20 200 cm3 et R21 250 cm3 1931-32 deux temps à moteur Bark

Toute l'histoire des motos berlinoises D-Rad de 1921 à 1932 vous est racontée en détails et en trois fiches avec les modèles marquants de la marque, la 400 cm3 M24 de 1924 bicylindre à plat, la R0/4 de 1925 monocylindre vertical à soupapes latérales et la R 10 de 1930 monocylindre incliné à soupapes culbutées [...]

Les coques d’Eric Offenstadt #2 : la restauration

Yves Kerlo vous a raconté dans le dernier article, l’historique des motos BUT construites par Eric Offenstadt en 1978. Il passe maintenant à la restauration de la BUT à coque n° 003, et il y avait du boulot… qu’il a eu la bonne idée de photographier au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

F-M.D

La restauration de la coque 003

Telle qu’elle se présentait dans la cave de son prédédent propriétaire, on pouvait facilement deviner qu’il allait falloir se retrousser les manches pour que ça redevienne un engin proche de ce qu’il avait été, qui plus est en état de rouler.

Il fallait retenir un aspect particulier à un moment « T » comme référence de travail. Gérald Armand avait choisi, il y a quelques années, de restaurer la sienne aux couleurs de la première présentation de presse avec Jean-Claude Hogrel. La seconde de la vente Toncou allait retrouver l’aspect de la 4e place d’Hervé Guilleux au GP de France 79. Celle-ci serait le plus proche possible de la moto essayée par Olivier Chevallier à Karland. Ce choix s’appuyait aussi sur de nombreuses photos prises à l’occasion par Moto Journal. Ce n’était pas juste un choix de couleurs et de stickers mais aussi quelques détails techniques bien particuliers.

La partie moteur pouvait attendre puisque c’était un 350 Yamaha TZ assez classique avec seulement quelques éléments badgés HO dans la fonderie des culasse et carters moteurs gauche et droit. La partie-cycle par contre présentait bien plus d’inquiétude en grande partie liée aux pièces de fonderie en magnésium, sujet à traiter en priorité, car avec du délai. Un microbillage en règle de toutes les pièces concernées a permis ensuite de pouvoir les diriger vers une radiographie chez des spécialistes du sujet.

Second sujet à traiter en priorité, la reconstruction du carénage spécifique à partir des photos d’époque, car il fallait là aussi compter sur des délais de sous-traitance. La base a été une tête de fourche de Kawasaki H2R, assez ressemblante et des flans de carénage de TZ 750, le morceaux manquants ont été réalisés en carton, puis en aluminium, puis en fibre de verre. S’en est suivi une copieuse séance de mastiquage-ponçage avant de confier l’ensemble à un professionnel pour qu’il puisse en tirer un moule et plusieurs pièces.

La coque fut, elle aussi, contrôlée mais ce fut bien plus simple, traquer les fuites, et il y en avait pas mal, puis l’installer dans le marbre pour s’assurer qu’elle n’était pas tordue. Alors tordue non, mais les portées d’axe de bras oscillant avaient vécues bien des sévices et il a fallut l’installer sur la table d’une fraiseuse pour usiner de nouvelles portées de roulement.

Les échappements très particuliers ont, eux aussi, mérités une méthode spécifique pour les coudes, l’hydroformage.

On ne va trop entrer dans les détails car ce serait aussi fastidieux pour le rédacteur que pour le lecteur, mais les nombreuses photos jointes parlent d’elles mêmes.

Une surprise, lors du remontage final et de la mise en route, est venue perturber le bon déroulement des travaux. Les vibrations assez importantes de la coque ont décollé tout ce qui était resté collé à l’intérieur et totalement bouché l’arrivée d’essence.

Le nettoyage au Karcher n’avait pas tout enlevé, sachant qu’il n’y a aucune trappe d’accès et que les deux orifices, bouchon et robinet sont assez petits. De nombreuses séances de rinçage et « vibrations décollantes » (perceuse en mode percussion attachée aux fixations moteur) m’ont occupé plusieurs jours !

Une séance photo au Castellet est venue clore cette opération aussi originale que sympathique.

Yves Kerlo vous a raconté dans le dernier article, l'historique des motos BUT construites par Eric Offenstadt en 1978. Il passe maintenant à la restauration de la BUT à coque n° 003, et il y avait du boulot... qu'il a eu la bonne idée de photographier au fur et à mesure de l'avancement des travaux. [...]

Les coques d’Eric Offenstadt #1

Dans les années 70, quelques artisans constructeurs français apportent une foison d’idées nouvelles dans le monde de la compétition, On se souvient des réalisations d’Alain Chevallier, de Claude Fior, de Bernard Doulhiole, Jean-Bertrand Bruneau “JBB”… et de celles d’Eric Offenstadt, qui, repartant d’une feuille blanche, tenta sans complexes de réinventer la moto de course avec des réalisations parfois surprenantes.

Yves Kerlo, qui fut à cette époque très impliqué dans la course et connu entre autres pour les pots de détente qu’il fabriquait pour de nombreux coureurs, se consacre aujourd’hui à la restauration de quelques unes des motos qui marquèrent cette époque. Il vient de terminer celle d’une des BUT à cadres coque conçues par Eric Offenstadt. Une sacrée aventure que je le laisse raconter avec l’humour caustique qui le caractérise et vous allez voir que restaurer une moto de collection, a fortiori, une moto de course quasi unique comme celle-ci, réclame beaucoup de patience, de la méthode… et un certain savoir-faire.

Les sources des photos illustrant cet article ne sont pas toujours connues et certaines sont extraites des magazines ayant présenté les BUT. Toutes mes excuses aux ayants droits qui ne sont pas cités, je corrigerai ce manque avec plaisir s’ils se font connaitre.

F-M.D

Une des 3 BUT construites, celle qu’Olivier Chevallier avait essayée en novembre 78 à Karland, a retrouvé ses couleurs originales.

Coques en stock…

Au départ de ce récit, il y a au mois de mai 2021 une vente aux enchères à Autignac, près de Béziers. Jean-Paul Toncou récupérateur compulsif, avait accumulé au fil des ans une certaine quantité de motos et voitures, dont une série très intéressante de motos françaises de compétition, Godier-Genoud, Pernod, Fior, Chevallier, But… Toutes dans leur jus, jamais restaurées.

Eric De Seynes, toujours à l’affut de ce type d’engins, m’avait mandaté la veille de la vente pour aller repérer sur place, loin de sa base normande, celles qui, pour lui, pouvaient présenter un réel intérêt, ainsi que l’état dans lequel elles se trouvaient. Il fit le lendemain l’acquisition, entre autres, d’une des deux motos BUT mises en vente. Celle retenue avec son sticker BUT était dans un piteux état, mais quasi complète, dans son jus d’un dernier roulage, pas comme la seconde avec une coque transformée, incomplète et assemblée avec des éléments disparates.

La BUT telle qu'achetée à la vente est complète, mais vous allez voir qu'il faut un certain travail pour la remettre "prête à courir".

La vente Ossenat organisée près de Béziers montre bien l’environnement et l’état de la machine lors de son extraction.

Restauration…

Comme la restauration de cette moto m’était confiée pour qu’elle redevienne roulante, je me suis attelé, avant de commencer les travaux, à remonter le fil, trouver des archives, rencontrer les acteurs concernés, bref à reconstituer l’histoire. Cette vente nous avait permis dans un premier temps de découvrir qu’il y avait eu trois BUT fabriquées avec la dernière version de la coque aluminium mécano-soudée : Les deux de la vente aux enchères et celle déjà restaurée par Gérald Armand quelques années auparavant.

Pour essayer de bien saisir la génèse, il faut presque remonter au siècle dernier ! Eric Offenstadt, après une courte carrière automobile, avait alors imaginé et fait fabriquer plusieurs motos avec des châssis coque aluminium autour de moteurs Kawasaki. Machines qu’il a utilisées en Grand Prix avec un certain succès entre 1971 et 1973.

La période 1971 à 1973 a vu plusieurs versions des coques Offenstadt. On y voit ses motos équipées de moteurs Kawasaki 3 cylindres au hasard des épreuves, en 350, 500 ou 750. Celle de 1973 est particulière car équipé d’un 500 Kawasaki twin réalisé avec un moteur 750 amputé d’un cylindre, le tout réalisé par le mécanicien d’Eric, Garry Carrera (image 4).

Un peu d’histoire…

Il avait aussi pour projet avoué de commercialiser ce type de moto de vitesse et, comme elles étaient trop chères à fabriquer, il s’est dirigé fin 73 vers une autre solution avec des coques toujours en aluminium, mais cette fois en fonderie. Il y eut même un début de collaboration avec l’usine Motobécane en 1974, mais cette dernière commençant son déclin, le projet avait rapidement été stoppé.

Une trentaine de coques de fonderie ont été fabriquées entre 74 et 78. La commercialisation fut aussi dispersée que chaotique avec des destinations allant de la125 aux motos d’Endurance. En 1978 Eric, qui a convaincu les magasins d’ameublement But de le sponsorer, revient à des coques en aluminium mécano-soudées moins lourdes et plus facilement évolutives que la précédente version en fonderie. Laquelle coque de fonderie fut quand même, entre autres participations, engagée à plusieurs reprises au Bol d’Or, avec parfois son concepteur au guidon.

La période allant de 1974 à 1979 a permis à Eric d’équiper des motos assez différentes avec sa coque « universelle » en fonderie, allant des 125 Yamaha de Jacky Hutteau (.4 ) et 125 Morbidelli pour Laurent Gomis ( 5), en GP 500 avec Hervé Guilleux (10) comme au Bol d’Or avec son concepteur au guidon (8). La capacité à Eric de convaincre des décideurs à le suivre a toujours été un de ses points forts, Motobécane (7) ou BHV (8). La But eut même les honneurs de Paris-Match (11).

Avant de restaurer, il faut reconstituer l’historique

Pour revenir au sujet qui nous intéresse le plus documenté en la matière est Alain Cueille, membre très actif pendant pas mal d’années de l’équipe Smac-HO-BUT, et il nous a bien guidé pour reconstituer l’histoire. C’est dans son atelier, que les motos BUT ont été construites en 1978 et 1979. Eric Offenstadt n’ayant plus de locaux, l’équipe avait rapidement dû migrer vers cet atelier, situé dans les bois près du circuit de Montlhéry. Eric une fois de plus, avait été très efficace pour attirer dans ses filets des sponsors, joliment appelés « partenaires ». Les frères Houzé pour la partie moteur, puis les Magasins d’ameublement BUT afin de participer aux Championnat du Monde 500 avec une moto française. Hé oui, rien que ça ! Il faut savoir que pour corser l’affaire, le moteur était lui aussi « relativement innovant », un bicylindre de 480 cm3 autour de pièces Yamaha, avec quatre carburateurs…tout un programme.

En 1978, le pilote Jean-Claude Hogrel est choisi pour rouler sur ces motos, mais les débuts furent difficiles, voire très difficiles et il fallut souvent utiliser l’ancienne coque de fonderie avec un moteur moins développé, pour respecter les engagements pris avec BUT.

A la fin de l’année 78, une seconde coque ayant été construite entre temps malgré ces errements, Eric a tout de même convaincu Olivier et Alain Chevallier de venir essayer ses motos sur le circuit de Karland, près de Montpellier. En dépit de quelques soucis techniques rencontrés durant ces essais, les frères Chevallier ont malgré tout choisi d’utiliser cette moto avec sa version 350 pour la saison 79.

Retour aux coques en tôle aluminium soudées avec les but BUT- HO, l’arrivée de la fourche en fonderie usinée, mais surtout de son moteur « 500 » dérivé d’un 400 Yamaha RD. Commenter les images me parait inutile, elles parlent d’elles mêmes ! (Extraits de Moto-Journal)

Une carrière sportive marquée par les problèmes techniques

La collaboration fut de très courte durée devant les difficultés rencontrées, aussi bien avec les moteurs qu’avec la partie-cycle, et les frères Chevallier reprirent rapidement leurs Yamaha TZ copieusement transformées. Le matériel BUT laissé à l’abandon fut confié à Hervé Guilleux à la fin de l’année 1979 pour une seule et unique participation au GP de France avec une 4e place à la clef ; une performance qu’il faut relativiser car obtenue suite à de nombreuses chutes des autres participants et assez loin du vainqueur.

Il s’en est suivi une saison 1980 pour Hervé Guilleux avec deux des BUT construites, mais sans résultat digne de ce nom.

Les motos restèrent sans rouler pendant deux années pour terminer leur vie sportive en 1984 aux mains de Didier Vuillemin pour quelques courses nationales françaises.

Quelques rares pilotes sesont succédés au guidon de la version mécano-soudée de 1978 à 1980, Jean Claude Hogrel, Olivier Chevallier, Hervé Guilleux, Jean-Paul Boinet et accessoirement Didier Vuillemain en 1984 en Championnat de France.

Voilà pour l’historique, dans le prochain chapitre Yves Kerlo vous racontera les plaisirs et cauchemars de la restauration.

A suivre…

 

 

 

Dans les années 70, quelques artisans constructeurs français apportent une foison d'idées nouvelles dans le monde de la compétition, On se souvient des réalisations d'Alain Chevallier, de Claude Fior, de Bernard Doulhiole, Jean-Bertrand Bruneau "JBB"... et de celles d'Eric Offenstadt, qui, repartant d'une feuille blanche, tenta sans complexes de réinventer la moto de course avec [...]