Dollar, Foucher-Delachanal, Omnium métallurgique, SAVAVA, Vuitton, Majestic, Chaise, Moser, MAG… ces quelques noms résument toute l’histoire de la marque, et je laisse Bernard Knapp vous expliquer les liens entre eux.
Vers 1890 Eugène Foucher et Jean-Louis Delachanal, serruriers, fabricants de machines à coudre et de cycles s’associent en créant la marque Omnium. Leur première et éphémère réalisation mécanique est, en 1896, une voiturette bicylindre à pétrole avec laquelle ils tentent de participer à la course Paris-Marseille-Paris.
Grand chambardement au changement de siècle. Eugêne Foucher passe la main à son gendre Jean-Louis Delachanal et l’entreprise, trop à l’étroit à Paris, part s’installer à Charenton-le-Pont, car elle vient de remporter le très juteux marché de ces belles boîtes aux lettres en fonderie lancé par le préfet Mougeot (d’où leur surnom de mougeottes). L’Omnium continue parallèlement ses activités de serrurerie et la construction de bicyclettes et d’accessoires sous les marques Omnium et Spencer. Jean-Louis Delachanal décède en 1920, ses filles prennent la suite et, en février 1921, les Ets Delachanal fusionnent et lient leur nom avec la SAVAVA (société anonyme pour l’Achat et la Vente d’Articles de Voyages et Accessoires), une société créée par Georges et Gaston Vuitton (fils et petit fils de Louis, le créateur) à qui Delachanal vend serrures et cadenas.
De la serrurerie et du vélo à la moto, le pas est facile à franchir, car l’outil industriel est le même. Et, comme, le rêve est américain en ces années de l’immédiat après-guerre, les motos construites par Delachanal s’appelleront Dollar et se pareront même d’une tête d’indien pour faire plus vrai.
Comme la très grande majorité des marques françaises et étrangères de l’époque qui se comptent par centaines, Dollar est un constructeur-assembleur qui ne fabrique que ses cadres, garde-boue et divers accessoires et s’approvisionne pour le moteur, les roues, les freins et les accessoires auprès de fournisseurs spécialisés.
La première moto Dollar, présentée au salon de Paris de 1923, est une 125 cm3 à moteur Moser, une mécanique économique, mais à la pointe du progrès en étant le seul quatre temps à soupapes culbutées sur le marché dans cette cylindrée et qui plus est en bloc moteur-boîte deux vitesses. Deux ans plus tard, Dollar ne présente pas moins de sept motos au salon avec des cylindrées et des finitions différentes, et même un tandem et un triporteur. Fin 1927, l’usine déménage dans de plus vastes locaux quai de la marne, à Joinville-le-Pont. Le moment est, hélas, mal choisi , la population en âge d’acheter une moto a baissé suite à la guerre, les matières premières augmentent avec la crise financière de 1929, et les Ets Delachanal ne peuvent assumer les coûts de la nouvelle usine et la fabrication d’une très large gamme avec des modèles de 175, 250, 350 et 500 cm3.
En décembre 1930, la marque est absorbée par l’Omnium Métallurgique et Industriel auprès de laquelle elle est fortement endettée, car c’est elle qui produit les moteurs Chaise équipant la quasi-totalité de la gamme Dollar. Dollar devient du coup l’un des rares constructeurs à part entière puisque les moteurs sortent de la même maison. On espère alors un grand renouveau, d’autant plus que ce rapprochement des deux entreprises s’est déjà traduit au salon de Paris 1930 par la présentation d’un fabuleux prototype 500 cm3 quatre cylindres suivi par une 750 en 1933 qui ne sera hélas produite qu’à une petite dizaine d’exemplaires. L’O.M.I. a également racheté Majestic à leur créateur Georges Roy et les premiers prospectus ont d’ailleurs rebaptisé ces motos Royal-Dollar, mais les formidables Majestic produites de 1930 à 1933 garderont pourtant leur appellation originelle. En 1936, les mouvements sociaux fragilisent une fois de plus l’entreprise qui est contrainte de cesser la production des motos Dollar, mais l’O.M.I. poursuivra néanmoins la fourniture de pièces détachées jusqu’en 1955 dans ses locaux de la rue Auguste Lançon à Paris.
L’aventure continue aujourd’hui avec l’Amicale Dollar et avec l’aide de professionnels passionnés de la moto ancienne comme Paulik Motor (Gresse-en-Vercors 38650) et Chambrier père et fils qui refabriquent de très nombreuses pièces.